Centrafrique : qui sont les « requins » pro-Touadéra ?

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Politique

Centrafrique : qui sont les « requins » pro-Touadéra ?

Depuis la réélection de Faustin-Archange Touadéra, et alors que les groupes armés continuent leur stratégie d’encerclement de Bangui, une milice pro-pouvoir a fait son apparition dans les rues de Bangui : les « requins ».

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Par Jeune Afrique
Mis à jour le 12 janvier 2021 à 12:19
Le président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra, le 27 décembre 2020, jour de l’élection présidentielle. © Nacer Talel / Anadolu Agency /AFP

C’est un nom qui fait frémir dans les rangs de l’opposition centrafricaine. À Bangui, s’enquérir de l’activité des « requins » est la garantie de se voir opposer un refus poli mais ferme, sauf à promettre un anonymat complet.

Depuis le début des hostilités entre forces gouvernementales et groupes armés en amont de la présidentielle, ces « requins », qui s’affirment pro-Touadéra, effectuent des « patrouilles » nocturnes dans les rues de la capitale centrafricaine. Lourdement armés, visages encagoulés, ces miliciens sillonnent la ville à bord de véhicules sans plaque d’immatriculation ni sigle distinctif.

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« On est en guerre »

Qualifié de « force pro-régime qui appuie les troupes officielles dans leurs tâches » par un de leurs proches, le groupe rassemble « quelques éléments de la garde présidentielle, mélangés avec des ex-combattants », assure une source sécuritaire centrafricaine.

Officiellement, les « requins » ont été dissous en juillet 2020. Et en public, les autorités s’en tiennent là. Mais en « off », les langues se délient. « On est en guerre. Le président de la République l’a dit, lâche un membre du gouvernement. Alors s’il y a un moyen pour renforcer notre système de sécurité… On doit juste l’encadrer, pour éviter des bavures. » Et « jusque-là, il n’y a pas eu de dérapage », assure ce ministre.

Réseaux sociaux et appels au boycott

À l’origine, les « requins » de Touadéra n’avaient rien d’une milice. Lancé en juin 2019 par une poignée de jeunes proches du Mouvement des cœurs unis (MCU, parti présidentiel), le « Mouvement des requins de Centrafrique » est alors essentiellement tourné vers l’activisme, en particulier sur les réseaux sociaux. À la manœuvre, notamment, deux cadres de l’administration : Saint-Luc Bagaza, coordonnateur du mouvement, et Héritier Doneng, par ailleurs responsable de la communication du ministère de la Jeunesse et des Sports.

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Les deux hommes prennent la tête de ces « requins », qui lancent peu à peu des appels au boycott de tel responsable de l’opposition ou de la société civile. Ils ont la dent particulièrement dure à l’encontre de la plateforme « E Zingo Biani » (« Réveillons-nous définitivement »), très critique à l’encontre de la gouvernance Touadéra.

Dérives et retour en force

En juillet 2019, le député Augustin Agou, président du parti d’opposition la Renaissance pour un développement durable, porte plainte contre « les requins » après le saccage du siège de sa formation par des membres présumés du groupe pro-Touadéra. La plainte est à ce jour restée sans suite.

Le groupe est désormais devenu une milice, qui exécute les ordres pas très nets du régime. »

Au cours de l’année 2020, dans des communiqués signés par Saint-Luc Bagaza ou dans des vidéos publiées sur les réseaux sociaux par le porte-parole du mouvement, Héritier Doning, les « requins » appellent à « identifier les lieux de résidence » des opposants et membres influents de la société civile. Ces dérives poussent le gouvernement, sous la pression de la communauté internationale, à annoncer la dissolution du mouvement en juillet 2020. Ses responsables avaient ensuite rejoint d’autres mouvements de soutien au président centrafricain.

Mais le climat de tension politique à l’approche de la présidentielle a visiblement décidé les membres du groupe à le faire renaître. Selon une source sécuritaire centrafricaine, « le groupe est désormais devenu une milice, qui exécute les ordres pas très nets du régime. »

Jeune Afrique

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