Centrafrique : Quand la flagrante violation de l’Accord dans l’Accord fait voler en éclats l’Accord de Paix de Khartoum

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Il était considéré comme le 8ème accord de paix qui venait d’être signé entre le gouvernement légal et légitime du président Touadéra et les groupes armés.

Plus long cette fois – ci en termes de processus, de préparation, de désignation des membres du panel des facilitateurs, de prise de contacts avec tous les principaux acteurs et de recherche de moyens et de choix du lieu, ponctué aussi par de nombreux  actes d’hésitations, d’indécisions, de tergiversations et d’esquive de la part des autorités centrafricaines et caractérisé par de réels coups de poussoir  des différents partenaires au développement de la République centrafricaine qui considéraient l’initiative de paix de l’UA comme la seule réponse plausible à la crise centrafricaine, il apparaissait comme la négociation de la dernière chance pour un véritable retour de la paix, tant tous les groupes armés  y avaient adhéré et s’étaient convenus d’y prendre part. Dès lors pour bon nombre de centrafricains et d’observateurs de la vie politique centrafricaine, son application « ad litteram ac in spiritu », c’est – à – dire littéralement et selon l’esprit de l’Accord, était chargée d’énormes lueurs d’espoirs.

Malheureusement, moins d’un moins seulement après son paraphe, entouré de grand cérémonial, à Khartoum le 4 février 2019 et sa signature solennelle à Bangui, deux jours plus tard, il est vivement critiqué et ouvertement dénoncé par la majorité des groupes armés, d’une part, et les états – majors des partis politiques et les leaders de la société civile, d’autre part. En cause, la nomination de M. Firmin Ngrébada, ci – devant directeur de cabinet à la présidence de la République, sans concertations préalables, au poste de premier ministre, et la mise en place d’un gouvernement qui est tout sauf inclusif, selon les dernières sorties médiatiques des uns et des autres.

Que s’est – il alors effectivement passé pour qu’on puisse en arriver à cette nouvelle crise ? Qu’est ce qui peut valablement justifier le retrait systématique de toutes les parties signataires de cet Accord de Paix ? Le président Touadéra et le premier ministre Ngrébada n’ont – ils pas scrupuleusement observé les engagements pris à Khartoum, relatifs aux conditions et autres critères devant prévaloir à la désignation du nouveau premier ministre et à la mise en place du nouveau gouvernement qui se veut inclusif, conformément aux termes de l’article 21 dudit Accord ?

Tant annoncées et tant attendues, les négociations de paix de Khartoum ont démarré le jeudi 24 janvier 2019, sous les auspices de M. Ismael Chergui, commissaire à la paix et la sécurité de l’UA . Après les premiers jours consacrés à l’adoption des différents points inscrits à l’ordre du jour et de la méthodologie des séances et des débats, les choses sérieuses ont été abordées avec la remise de l’Avant – Projet de l’Accord à toutes les parties prenantes. Pendant la lecture, les GA qui se sont retrouvés dans une même entité, se sont rendus compte de la non – inscription dans cet important document de travail de leurs principaux deux points de revendications : l’amnistie et la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. L’ayant soulevée, ils ont  immédiatement obtenu droit à la reformulation. Aussitôt faite et aussitôt remise aux facilitateurs, celle – ci fera l’objet de plusieurs séances d’échanges et de débats, en plénière et à huis – clos, entre les intéressés et la délégation gouvernementale, d’une part, et entre les deux entités et les facilitateurs, d’autre part.

S’il y a eu attente suite à plusieurs fructueuses discussions et négociations sur la question d’amnistie et son règlement par la formule de la mise en place d’une commission justice, vérité et paix, il n’en a malheureusement pas été de même en ce qui concerne la désignation du premier ministre ministre et la formation d’un gouvernement inclusif. N’ayant de solides argumentaires à opposer aux pertinentes propositions émanant des GA – considérés par lui et toute sa délégation comme de petits vendeurs de thé – que les mots « le président m’a dit », « conformément à la constitution », et « selon les recommandations du Forum de Bangui », M. Firmin Ngrébada, chef de la délégation gouvernementale, agissant formellement et solennellement en qualité d’un plénipotentiaire et jouissant des pleins pouvoirs d’un légat à lui délégués par le président Touadéra, ne cessait fort étonnement de s’emporter, de bégayer et de se déjuger, au point d’avoir été accusé par ses détracteurs, selon des sources indépendantes en provenance de Khartoum, d’avoir voulu en venir aux mains avec le 1er vice – président de l’assemblée nationale, M. Jean – Symphorien Mapenzi et d’avoir tenu des propos peu discourtois à l’égard de Mlle Gina Sanzé, député de Dékoa.

Du coup, devant l’incapacité patente et l’incompétence avérée de ce dernier non tantum à faire preuve des qualités dévolues à tout fin négociateur, sed etiam à comprendre que lorsque la politique entre par la porte, le droit est obligé de sortir par la fenêtre, comme le disait si fièrement Feu Marcel Météfara, et de peur de courir le risque d’être tenus pour responsables d’un probable échec de ces négociations, les GA ont décidé, après concertations, d’alerter l’opinion nationale et internationale et de dénoncer dans une rédaction commune ce qu’ils considéraient comme un acte de blocage et de sabotage de la part de la partie gouvernementale.

La récupération de ce communiqué par les internautes, les lanceurs d’alerte et certains professionnels des médias qui en ont fait une large diffusion, a eu l’effet d’une véritable bombe dans les milieux diplomatiques et les représentations internationales. Instantanément, l’Onu, l’Ua, la Ceeac, la Cemac, le G5+, l’Ue, la France, les Etats – Unis, et même la Fédération de la Russie s’en sont saisis et de fortes pressions ont alors été mises sur les deux petites épaules du mathématicien de Boy – Rabé qui, après quelques temps d’hésitations, finira par reculer, céder et capituler. Ayant donc obtenu, de haute lutte, par la proposition et l’adoption d’un compromis politique ou d’un Accord dans l’Accord par des engagements formellement pris et non – écrits,  ce qu’ils voulaient, les 14 groupes armés ont été par conséquent contraints de revenir à la table des négociations pour parapher et signer in fine le document final.

De ce qui précède, il était donc de l’entière responsabilité du président Touadéra qui avait apposé sa signature au bas de cet Accord, comme il l’avait si bien déclaré dans ses discours tant à Khartoum qu’à Bangui de prendre toutes les dispositions pratiques pour que le compromis politique qui a été arrêté, au nom de la paix, du pardon et de la réconciliation nationale, d’un commun accord et devant témoins, ne pût souffrir d’aucune quelconque contestation et qu’il soit strictement observé et respecté, en ce qui concerne le choix du nouveau premier ministre et de la composition du nouveau gouvernement.

Or, malheureusement tel n’a pas été le cas. Sans concertations avec les GA, il a opté pour la nomination de Firmin Ngrébada au poste de premier ministre, chef du gouvernement. Et sans tenir compte des propositions qui lui ont été faites par les GA, les partis politiques et les leaders de la société civile qui ont été régulièrement consultés, il a décidé de nommer qui il voulait dans ce gouvernement. D’où ces communiqués de vives dénonciations de cet Accord de Khartoum qui fusent de toutes parts. D’où le blocus du corridor Bangui – Garoua Boulaï depuis deux jours par le FDPC d’Abdoulaye Miskine. D’où cet ultimatum de 72 heures à lui donné par le conseiller politique et porte – parole du FPRC, pour réparer tous les torts avec le risque cette fois – ci d’exiger le départ de Firmin Ngrébada et de tous les 20 anciens membres du gouvernement reconduits.

Comme disait le musicien de l’Orchestre JMC Quartier Libre dans sa composition fétiche, à qui la faute ?

Jean – Paul Naïba

 

 

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