Centrafrique : « projet de modification du code électoral »: Déclaration du groupe parlementaire Chemin de l’Espérance – PS KELEMBA

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DECLARATION du GROUPE CHEMIN de L’ESPERANCE-PS KELEMBA
A L’OCCASION DE LA 3EME SESSION EXTRAORDINAIRE

ASSEMBLEE NATIONALE, 18-23 SEPTEMBRE 2020

BANGUI (RCA)

 

Honorable Président de l’Assemblée Nationale,

Monsieur le ministre de l’Administration du territoire

De la Décentralisation et du Développement local,

Honorables Députés et très Chers collègues

Les observateurs de la vie politique les plus aguerris reconnaissent en toute sagesse que sans expression du peuple par le suffrage, il n’y a point de démocratie ni de légitimité.

Démocratie qui, elle-même, est souvent appréciée sous l’angle de l’organisation d’élections libres, transparentes et dans notre cas, un pays contrôlé par les groupes armés ces élections doivent être inclusives.

En effet, dans toute société moderne, ouverte et pluraliste l’élection représente plus qu’un repère. Puisqu’elle est considérée et célébrée par la majorité comme le présupposé direct de la démocratie, comme son fondement et surtout comme la figure éprouvée de la participation à un gouvernement représentatif.

Aussi, de la convocation de cette troisième session extraordinaire,  du 18 au 23 septembre 2020, avec en toile de fond l’examen et l’adoption du projet de Loi modifiant et complétant  certaines dispositions du Code Electoral de la République Centrafricaine (RCA), date une ère nouvelle de notre Histoire.

Très chers collègues,

Nous vivons manifestement un moment historique mais il semble que le gouvernement n’en prenne pas encore la pleine mesure. En témoigne la désinvolture avec laquelle les préoccupations de la population centrafricaine sur le processus électoral sont traitées aussi bien dans la forme avec la convocation dans l’urgence de la session extraordinaire de l’Assemblée Nationale que dans le fond avec les nombreuses violations des textes de lois et règlements relatifs au processus électoral.

  1. L’exposé des motifs

Dans son exposé des motifs, le gouvernement reconnait, comme le rappelle le rapport de la commission « Institutions, démocratie, judiciaire et affaires administratives » de l’Assemblée Nationale sur le projet de Loi modifiant et complétant certaines dispositions de la Loi N°19.0012 du 20 Août 2019 portant Code Electoral de la République Centrafricaine (RCA), que « l’Autorité Nationale des Elections (ANE), organe compétent pour organiser des élections éprouve un certain nombre de difficultés dans la tenue de son chronogramme et du respect du délai constitutionnel ainsi que des délais légaux« .

Toujours dans son exposé des motifs, le gouvernement demande à la plénière de l’Assemblée Nationale de « réajuster le chronogramme de l’ANE et de respecter le délai constitutionnel« .

  1. L’Audition de l’ANE par la Cour Constitutionnelle (08/09/2020)

Or, face à la »distorsion entre l’état de la préparation des élections et le délai du 27 septembre 2020 date de la convocation du corps électoral » et « compte-tenu des diverses interprétations et informations, parfois contradictoires, qui circulent en ce qui concerne l’état de préparation des élections » la Cour Constitutionnelle s’est vue contrainte de prendre la décision, dès le samedi 8 septembre 2020, d’auditionner l’ANE, dans la salle de délibération de la Cour.

Dans le déroulé de l’audition la Cour a posé une série de questions concernant  « l’état d’avancement du processus, les causes du retard constatés dans l’enrôlement, les mesures envisagées par l’A.N.E. pour parer à ces difficultés. (…)

            La Présidente de l’ANE, et les Commissaires ont fait part à la Cour des dispositions qui ont été prises pour essayer de rattraper les retards pris du fait  de nombreuses difficultés rencontrées, notamment sécuritaires.

            La Cour a constaté que les mesures prises conduisaient à poursuivre les opérations d’enrôlement au-dela du 27 septembre 2020 date de publication du décret convoquant le corps électoral.

            La Cour a rappelé à l’ANE qu’autant elle, que la Cour elle-même, et que tous les acteurs  sont tenus par le respect des délais légaux et constitutionnels et qu’ainsi la date du 27 septembre, qui est fixée en fonction d’un délai constitutionnel, ne pouvait être modifiée d’une part et que d’autre part, toutes les listes électorales devraient être affichées avant la convocation du corps électoral; ainsi les messages et communiqués envoyés qui comportent des activités d’enrôlement au-delà du 27 septembre ne sont conformes ni à la loi ni à la Constitution.

            La Cour a recommandé à l’ANE de se conformer à ce délai du 27 septembre 2020 pour la publication des listes électorales et en cas d’impossibilité d’en faire rapport au Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation et au Premier Ministre, en sa qualité de Président du Comité Stratégique d’appui au processus électoral« .

III. Les recommandations du Cadre de Concertation (10/09/2020)

Deux (2) jours après l’audition de l’ANE par la Cour Constitutionnelle, le Cadre de Concertation dont l’ANE est membre statutaire a organisé une journée d’information sur le processus électoral. Le rapport de synthèse de ladite rencontre du Cadre de Concertation dit qu' »aux termes de la journée, en considération des explications du représentant de l’Autorité Nationale des Elections, les participants ont constaté que le processus en cours fait face à de réelles difficultés et ont recommandé :

  1. a) A l’ANE de produire dans un délai raisonnable un rapport sur l’impossibilité pour elle de tenir les délais légaux et constitutionnels ;
  2. b) Au Gouvernement de transmettre à l’Assemblée Nationale le projet de loi rectificative permettant le vote des réfugiés.
  3. c) Au Cadre de Concertation de transmettre à qui de droit, le rapport de la présente journée« 

Ainsi à l’issue des échanges qui ont jalonné la rencontre du 10 Septembre 2020, la plénière du Cadre de Concertation, « composée de tous les acteurs au processus électoral » a expressément demandé à l’ANE de produire « un rapport sur l’impossibilité pour elle de tenir les délais légaux et constitutionnels » et au gouvernement de transmettre un projet de loi rectificative intégrant le vote des réfugiés.

  1. Violation du Décret 20.182 182 fixant la période d’établissement de la liste électorale en République Centrafricaine

Subséquemment à son audition par la Cour Constitutionnelle et à sa participation au Cadre de Concertation, l’ANE s’est doublement dérobée à ces exigences en ne produisant qu’un rapport de mi-parcours du processus électoral en lieu et place d’un rapport de carence.

Rapport qui d’ailleurs ne fut adressé qu’au seul Premier Ministre, Chef du Gouvernement, et cela en violation flagrante du Décret 20.182 fixant la période d’établissement de la liste électorale en République Centrafricaine, qui en son article 7 dispose qu’en « cas de force majeure ou de circonstances exceptionnelles rendant impossible la mise en œuvre, en tout ou partie, de l’une ou de l’autre des opérations nécessaires à l’élaboration de la liste électorale dans les délais fixés au présent Décret, l’Autorité Nationale des Elections en informe le Gouvernement et les autres parties« .

Par ailleurs, l’ANE annonce que si l’on devait intégrer le vote des réfugiés, elle serait dans l’impossibilité de respecter les délais légaux et constitutionnels.

Cet argumentaire soutenu par l’ANE est confirmé par le gouvernement qui dans son exposé des motifs avance que c’est par le soucis « de ne pas créer des difficultés supplémentaires à l’ANE » qu’il « a retenu de retirer le projet de loi soumis à l’examen de l’Assemblée Nationale dont l’aboutissement tenait d’ailleurs à un certain nombre de préalables, notamment:

            -L’accord des pays d’accueil des compatriotes;

            -La mobilisation effective de plus de $ 1.000.000 US

            Au vu de tout ce qui précède, notre groupe parlementaire émets de très fortes réserves sur la question du respect des délais constitutionnels par l’A N E ; sur celle du respect des délais légaux prévus par le Code Electoral en vigueur ; sur la question de la sécurité des électeurs, des agents électoraux ainsi que des candidats aux différentes élections; sur celle du vote des réfugiés et sur l’inclusivité des élections.

Au regard de toutes ces entorses qui violent délibérément la Constitution du 30 mars 2020 et la Loi organique portant règlement Intérieur, et les instruments juridiques internationaux, notamment la Charte Africaine de la Démocratie, des élections et de la Gouvernance de l’Union Africaine et le Protocole sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), notre Groupe recommande à la plénière de ne pas voter le projet de loi ainsi amendé.

Pendant la Transition, pas moins de neuf (9) textes portant modification du Code Electoral ont été adoptés par nos parlementaires. E tout cela s’est fait de manière concertée et consensuelle.

C’est pourquoi nous demandons une fois de plus au Chef de l’Etat de convoquer les forces vives de la Nation pour arrêter une date consensuelle conformément aux recommandations de la Cour Constitutionnelle.

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La rédaction

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