Centrafrique : « Projet de Modification de la Constitution »: le Gangster de Bangui recourt à des mercenaires juridiques béninois

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COMMUNIQUÉ : Alerte aux Centrafricains sur la poursuite des manœuvres de tripatouillage de la Constitution, 4.5.2020

Que les fossoyeurs de notre balbutiante démocratie et de notre non moins balbutiant État de Droit sachent que nous, citoyens, resterons vigilants

J.F. Akandji-Kombé

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COMMUNIQUÉ : Alerte aux Centrafricains sur la poursuite des manœuvres de tripatouillage de la Constitution, 4 mai 2020

Loin d’avoir renoncé à une révision constitutionnelle réprouvée de toutes parts par les Centrafricains, le pouvoir de Bangui fait feu de tous bois pour briser les obstacles qui l’empêchent encore de concrétiser sa volonté de se maintenir après le terme constitutionnel des mandats présidentiel et de Député. Dans cet esprit, le Président de la République lui-même a, dès son récent retour de Kinshasa, commandé à des Professeurs d’Université béninois une étude tendant, notamment, à démontrer que notre Assemblée Nationale est compétente pour procéder à la révision de notre Constitution. Cette étude, réalisée par des collègues que je connais bien et qui me connaissent bien, mais qui signent sous le pseudonyme « J. De Londres, Versailles », est intitulée « De la compétence de l’Assemblée Nationale en matière de révision constitutionnelle : opinion dissidente ». Elle est manifestement destinée à neutraliser la note d’Amicus Curiae dont j’ai saisi notre Cour constitutionnelle le 14 avril de cette année. Cette étude appelle de ma part la mise au point suivante, sachant que je me réserve d’engager par ailleurs le fer au fond avec ces « pseudo », par une publication en bonne et due forme dans une revue juridique de référence :

1.Il est choquant de voir que nos autorités au plus haut sommet de l’État persistent à faire recours à des mercenaires, mercenaires juridiques en l’occurrence, pour le traitement des problématiques fondamentales de notre pays, et de s’appuyer ainsi sur des étrangers pour essayer de valider a posteriori ce qui est rejeté par les citoyens de notre pays. Les Centrafricains doivent savoir que ceux qui sont ainsi appelés au secours par le Président Touadéra pour justifier le tripatouillage de notre Constitution sont ceux-là même qui, dans leur propre pays, le Bénin, se sont élevés, au nom de l’État de Droit, contre la révision de la Constitution de leur pays par le Président Patrice Talon et s’élèvent encore contre certaines actions présidentielles qu’ils jugent attentatoires à leur Loi fondamentale. Mes compatriotes doivent savoir aussi que c’est avec l’argent public, notre argent, que le service de ces mercenaires est payé, et grassement payé.

2.Il est malheureux de constater, en tant qu’universitaire, que des collègues qui produisent une opinion juridique ne l’assument pas sous leur propre nom ; et de voir, en tant qu’Africain, Centrafricain, que le complexe vis-à-vis de l’Occident en est encore au point où d’éminents universitaires de notre Continent signent de références laissant à penser qu’ils viennent de France ou du Royaume-Uni, et au point où ils truffent leur étude de références doctrinales et jurisprudentielles exclusivement françaises. Ne leur en déplaise, nous sommes ici en RCA et ce dont nous parlons, à savoir la Constitution, est l’expression de la volonté des Centrafricains.

3.Quiconque prend connaissance de l’étude sur commande de nos « pseudo » constatera que la mauvaise foi massive en est le trait caractéristique – pouvait-on d’ailleurs attendre autre chose de plumes serves, esclaves de l’argent ? –, car enfin, on essaie de concentrer l’attention des Centrafricains sur la voie parlementaire de révision, en faisant comme si elle était l’unique voie. Je le répète et le répèterai encore : selon notre Constitution, le Président de la République, qui est garant du respect de la Constitution (art. 33 de la Constit.), a lui aussi l’initiative en matière de révision de la Loi fondamentale des Centrafricains (art. 151 de la Constit.). Si donc il s’est senti suffisamment concerné pour commander une étude orientée, le Président Touadéra pourrait tout aussi bien présenter lui-même au Peuple Centrafricain un projet de révision. Quand on est responsable, on assume.

4.Pour pouvoir écarter notre objection quant à la compétence de l’Assemblée nationale en matière de révision constitutionnelle, nos « pseudos » font recours abondamment au raisonnement par l’absurde, en prétendant de surcroît être guidés par le souci de respecter l’esprit de notre Constitution. Puisqu’ils font mine de l’ignorer, il faut le leur rappeler ainsi qu’à leurs commanditaires : l’esprit qui anime les dispositions relatives à la révision de notre Constitution actuelle, autrement dit l’intention des Centrafricains qui a inspiré (Forum de Bangui) et qui sous-tend (référendum) les dispositions de notre Constitution relatives à la révision est de lutter contre l’instabilité constitutionnelle et donc contre les manœuvres d’aventuriers constitutionnels. Raison pour laquelle ont été érigés plusieurs verrous, dont celui qui veut que ce soit le Parlement qui est compétent et non l’Assemblée nationale. Autrement dit, faire valoir l’incompétence de l’Assemblée nationale en matière de révision ne procède pas d’une interprétation littérale et étriquée de l’article 151 de la Constitution, mais plutôt d’une interprétation conforme à la volonté des Centrafricains. Faire valoir cette incompétence, c’est aussi donner tout le poids qu’on lui doit à la jurisprudence de notre Cour constitutionnelle, la Cour ayant déjà tranché ce point de droit (voir la Décision n° 004/CCT/17 du 1er février 2017 relative à la Loi organique portant Règlement intérieur de l’Assemblée Nationale). Je persiste donc et je signe : non, l’Assemblée Nationale n’est pas compétente ; oui, elle est incompétente !

5.Conscients de ce qui précède – à savoir que l’Assemblée Nationale est bel et bien incompétente – nos « pseudos », pour couper court à tout débat, n’hésitent pas à déclarer notre Cour constitutionnelle absolument incompétente pour apprécier tout élément ayant trait à la révision. On prépare ainsi la voie à un autre coup de force consistant à écarter purement et simplement nos Juges Constitutionnels. Car c’est bien de coup de force qu’il s’agit, l’étude de nos « pseudos » s’analysant à cet égard en une invitation, en pleine connaissance de cause, à violer des dispositions claires et fondamentales de notre Constitution. Mais, que les fossoyeurs de notre Constitution sachent que nous savons, ne serait-ce que lire notre Loi fondamentale :

« Article 95 : La Cour constitutionnelle est chargée de (…) donner son avis sur les projets ou propositions de révision constitutionnelle.

Article 105 : Les projets ou propositions de loi constitutionnelle sont déférés pour avis à la Cour constitutionnelle par le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale ou le Président du Sénat avant d’être soumis au vote du Parlement ou au référendum ».

Que ces fossoyeurs de notre balbutiante démocratie et de notre non moins balbutiant État de Droit sachent aussi que nous, citoyens, resterons vigilants.

Nous avons foi en la justice de notre pays. Notre Cour constitutionnelle saura, le moment venu, remplir son office comme le prescrivent les articles 95 et 105 de la Constitution, et nos Juges constitutionnels sauront rappeler ce qu’ils ont déjà tranché, à savoir que l’Assemblée Nationale, prise seule, n’est pas compétente en matière de révision de notre Constitution.

Jean François AKANDJI-KOMBÉ, Professeur et Citoyen Centrafricain

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