Centrafrique : Pourquoi Touadéra s’est rendu à Kinshasa et non à Nola, Paoua et Kabo

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Selon les communicants et les laudateurs du régime, dans un post publié le vendredi 31 mai 2019, sur les réseaux sociaux, on pouvait lire ce qui suit :

« Le président Touadéra est à Kinshasa pour assister aux obsèques de l’ancien premier ministre Etienne Tshisekedi. Invité par son homologue Félix Tshisekedi Président de la République Démocratique du Congo, le Président de la République Son Excellence Professeur Faustin Archange TOUADERA est arrivé en début de soirée à Kinshasa pour prendre part aux obsèques de l’ancien premier Étienne Tshisekedi. Décédé le 1er Février 2019 en Belgique, la dépouille d’Étienne Tshisekedi Wa Mulumba est arrivée hier à Kinshasa, le jeudi 30 mai 2019. Père de l’actuel Président de la RDC, figure de proue de l’opposition, pendant de nombreuses décennies, le plus célèbre des hommes politiques congolais fut nommé deux fois Premier Ministre même si on ne manque pas de signaler qu’il a démissionné de ce poste quelques jours seulement après sa nomination. C’était sous le régime de feu Président Mobutu dont il combattait la dictature. Le Président Faustin Archange TOUADERA et plusieurs chefs d’État Africains assisteront demain aux côtés de leur homologue Félix Tshisekedi aux différentes cérémonies prévues à cet effet. Le Président TOUADERA est accompagné de M. Obed NAMSIO, Ministre D’État Directeur de cabinet, et de quelques Ministres Conseillers à la Présidence de la République. Le Chef de l’Etat a rencontré le Président Etienne Tshisekedi, ce soir, à l’hôtel Fleuve du Congo ».

Comme il fallait s’y attendre, cette publication ne pouvait que soulever au sein des internautes un tollé général  qui ne comprenaient pas pourquoi le président centrafricain s’est précipité de monter dans un avion à destination de Kinshasa, dans le but d’aller rendre hommage à un homme politique,  et qu’il n’en avait pas fait autant ou qu’il n’avait pas eu la même ardeur et le même empressement  pour embarquer et débarquer à Paoua, Nola et Kabo, en vue de s’incliner sur les fosses communes où sont enterrés des centrafricains, au lendemain des derniers évènements combien tragiques, inhumains et ignominieux qui ont endeuillé toute la République. Une interrogation somme toute légitime et objectivement citoyenne qui pose dans toute sa nudité la question de la responsabilité du président Touadéra à assurer la sécurité du peuple centrafricain, à tout temps et en tout lieu, conformément à ses obligations constitutionnelles,  celle de son sens élevé du devoir envers la patrie et celle de l’amour qu’il doit avoir vis – à – vis de son peuple.

En effet,  pour la gouverne des uns et des autres et afin que nul n’ignore,  les démons de la mort, toujours avides du sang des centrafricains, ont encore frappé et de fort belle manière, pendant ce mois de mai. Ils ont enlevé puis égorgé la sœur Inès, responsable d’une école de couture à Nalo, chef – lieu de la préfecture de la Sangha – Mbaéré. Ils ont froidement et lâchement assassiné le chef de secteur scolaire de Kabo, l’une des sous – préfecture de l’Ouham, et son conducteur de moto. Cet enseignant qui avait laissé toute sa famille à Bangui et accepté en dépit de la situation sécuritaire très difficile, dans cette partie de la République, du fait de nombreuses exactions commises par les seigneurs de guerre et les bandes armées, de regagner son poste et de se mettre au service de son pays,  revenait, de Bossangoa, d’une mission de préparation des examens de fin d’année. Enfin, le 21 mai 2019, une tempête d’horreurs apocalyptiques s’est abattue sur la population des villages de Koundjili, Lemouna, Djoumdjoum, et Bohong. Une véritable calamité humaine, l’œuvre des éléments des 3R du mercenaire nigérien et d’origine peuhle du nom de Siddiki Abbas, pourtant  signataire de l’Accord de Khartoum et conseiller militaire du premier ministre Ngrébada, en charge de la sécurité de tout l’ouest. Le bilan est lourd : plus d’une cinquantaine (50) d’hommes valides sommairement exécutés d’une balle dans la tête et les mains soigneusement ligotées derrière le dos, pour certains,  et fauchés par des tirs d’armes à bout portant, pour d’autres ; des rescapés et des blessés ; des maisons et greniers incendiés ; et des milliers de personnes déplacées dont la plupart des femmes et des enfants, manquant de vivres et de médicaments. Et ce, en représailles à un acte de vols de bœufs, selon des sources proches des commanditaires de cette opération macabre,  ou en réaction au lâche assassinat, le 8 mai 2019 vers 3 heures du matin, d’un sujet peuhl par des éléments de RJ d’Armel Sayo, de passage au village Koundjili, et dépouillé de la modique somme de 8.000 Fcfa.

Devant la gravité de la situation et la vive émotion suscitée par ce massacre  au sein de la population et de toutes les forces vives de la nation, à savoir partis politiques, société civile, syndicats, différentes communautés religieuses, associations de la jeunesse et des femmes, l’opinion s’attendait tout naturellement, dans un premier temps, à une condamnation ferme de la part du président de la République de ces actes terroristes, suivie immédiatement  d’une mission d’urgence, effectuée sur les lieux pour s’enquérir de ce qui s’est passé,  réconforter les familles éplorées des victimes et leur apporter assistance sociale et humanitaire,  et dans un deuxième temps,  à une injonction vigoureuse au procureur général et à la Minusca, en sa qualité de président du conseil supérieur de la magistrature et donc,  du 1er magistrat centrafricain, aux fins de l’ouverture d’une enquête judiciaire et de l’arrestation des auteurs de ces crimes et de tous leurs complices.

Malheureusement, ces vœux qui sont tout simplement ceux d’un peuple, détenteur du pouvoir, et d’une population victime d’une agression barbare et en détresse, ne seront jamais exaucés. Pis, non seulement le président de la République, le chef suprême des armées et le premier magistrat, est resté fort étonnement silencieux sur ces tueries, mais surtout le gouvernement Ngrébada  dont la première de toutes les missions, comme dans  tous les pays du monde, consiste à maintenir l’ordre public et  à assurer la protection des personnes et des biens, s’est contenté d’effectuer une mission conjointe avec la Minusca, des responsables de certains organismes humanitaires et le député de Bocaranga 3, Martin Ziguélé, d’une part, et de confier à Siddiki Abbas qui lui a livré trois (3) individus, suite à un ultimatum de 72 heures, la responsabilité, en lieu et place du procureur général et des officiers de police judiciaire, de diligenter l’enquête, d’autre part.

Pour en savoir davantage, d’autant plus que l’un des leurs, le suppléant du député Mbaïgoto de la circonscription de Paoua 1 y a perdu la vie, les députés de la nation s’y sont mêlés et ont convoqué à une séance d’interpellation, le lundi 27 mai 2019, le premier ministre Ngrébada et tout son gouvernement. Mais, à leur demande adressée directement et de vives voix au premier ministre, d’abroger séance tenante le décret portant nomination de Siddiki Abbas au poste de conseiller militaire à la primature, d’ordonner son arrestation,  de procéder au démantèlement de toutes les barrières érigées par ses hommes et de dissoudre son mouvement dénommé « 3R », leur interlocuteur a réservé une fin de non – recevoir.

Face à ce refus du gouvernement d’obtempérer aux recommandations des élus de la nation et à l’incapacité avérée  de ces derniers de recourir à l’usage de la motion de censure, au regard des dispositions de l’article 89 de la constitution du 30 mars 2016 sur laquelle le président Touadéra a solennellement prêté serment au stade 20.000 places, les forces vives de la nation, c’est – à – dire des partis politiques, des associations de défense des droits de l’homme, des syndicats et des organisations des femmes et de la jeunesse, se sont retrouvés pour créer une plateforme dénommée « E Zingo Biani » et demander au président de la République de donner suite aux recommandations des élus de la nation, de relever de leurs fonctions tous les mercenaires étrangers nommés à des hautes fonctions de l’Etat et de les traduire en justice. Une initiative aussitôt  rejetée par la présidence de la République qui n’a pas hésité à traiter les auteurs de rebelles, d’assassins et de pyromanes et d’appeler à la violence contre eux et toutes leurs familles.

Et c’est dans cette histoire de bras de fer  entre le  gouvernement et  les signataires de la plateforme « E Zingo Biani » que surgit cette affaire de visite du président Touadéra à Kinshasa. Une mission de deux (2) jours dont l’exécution a été rendue possible, grâce à la mobilisation des finances de l’Etat, à savoir des frais de missions, des frais de transports, des fonds spéciaux, etc. Des fonds qui pouvaient servir à la réalisation d’ actions humanitaires d’urgence à l’endroit de plus de 2.700 personnes déplacées de Koundjili, Djoumdjoum, Lémouna, Bohong et Autres qui sont actuellement  livrées à elles – mêmes et abandonnées à leur triste sort. Une mission de deux (2) jours  dont l’exécution a fait dire à plus d’un centrafricain que Touadéra n’est pas venu aux affaires pour défendre une nation, assurer la protection du peuple centrafricain et de ses biens et veiller à la préservation des intérêts fondamentaux de l’Etat. Il est venu pour s’enrichir. Et le moyen le sûr pour extraire le maximum de fonds en un temps record de la caisse de l’Etat, et sans  courir le danger  de tomber sous le coup de la justice plus tard,  c’est d’effectuer des missions à l’extérieur, par tous moyens et occasions, même si elles ne sont pas bénéfiques pour le pays.

Voilà pourquoi il n’a pas daigné faire les déplacements de Paoua, de Nola et de Kabo. Comme il ne l’a d’ailleurs jamais fait, lorsque ces mêmes  tempêtes de la mort et de l’apocalypse se sont déferlées sur les villes de Zémio, Bakouma, Rafaï, Bangassou, Zangba, Alindao, Mobaye, Séko, Bria, Kaga – Bandoro, Ngaoundaye, Koui et Bocaranga, arrachant violemment à la vie de nombreuses âmes, détruisant biens publics et privés, volant et violant des femmes, levant l’impôt et contraignant de milliers de familles à des déplacements en brousse.

Qu’aurait – il dû empocher en retour, s’il s’était résolu à s’y rendre ? Que des miettes et des montants dérisoires, selon le mode de calculs des frais de missions à l’intérieur du pays.  Aller donc à Kinshasa, c’est – à – dire quitter son pays pour une mission officielle à l’étranger  et  dans un pays qui n’utilise pas le Fcfa,  pour rendre un dernier hommage à un grand « combattant de la liberté » et un « opposant historique » est une opportunité rare et mirobolante, car il rapporte incontestablement plus  gros  pour le président Touadéra, en termes de dividendes extraites directement  de la caisse du trésor public  que d’effectuer les déplacements de Paoua, Nola et de Kabo pour s’incliner sur les tombes communes de pauvres villageois et  surtout  prendre le risque de laisser  transparaitre au grand jour les chaleureuses relations de familles,  de trafics de bœufs  et d’affaires en tout genre qu’il entretiendrait depuis fort longtemps avec son demi- frère Siddiki Abbas, nommé depuis lors  gouverneur militaire de tout l’ouest de la République centrafricaine, grand conquérant peuhl, l’ogre et le boucher de tout un peuple.

C’est tout simplement triste, honteux et malheureux !

Jean – Paul Naïba

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