Centrafrique : pourquoi la mission des sages de l’Ua du 21 au 24 novembre 2022 n’avait pas fait le déplacement de Bangui

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Candidat recalé à la dernière présidentielle ivoirienne, Guillaume Soro  avait analysé la situation au Mali et en Côte d’Ivoire dans une réflexion publiée sur sa page Facebook. Et c’est pour tirer sur la Cedeao, l’Union africaine ainsi que l’Onu, en ces termes :

« Chers amis, je veux analyser avec vous les enjeux de ce qui se passe actuellement au Mali, de ce qui couve chez nous en Côte d’Ivoire, prêt à s’enflammer et qui essaime un peu partout en Afrique. Il s’agit de la révolte des peuples longtemps opprimés, qui ont soif de dignité, de liberté et veulent assumer leur destin. Les dirigeants africains devraient le comprendre et savoir que normalement, ils sont élus pour assurer le bien-être et le bonheur de leurs peuples. Lorsqu’ils manquent à leurs devoirs à l’égard de leurs peuples, ceux-ci ont le droit de leur retirer leur confiance par la voie légitime d’une insurrection populaire, ce qui est prévu dans toutes les Constitutions des pays du monde, que ce soit dans notre pays, la Côte d’Ivoire, ou au Mali ou encore dans n’importe quel autre pays africain ou européen. Les organisations africaines qui sont censées être les émanations de nos peuples et par prolongation les organisations internationales devraient garantir le bon fonctionnement des institutions et se ranger du côté des peuples pour défendre ses libertés lorsque celles-ci sont bafouées !

Lorsque des manifestants ivoiriens aux mains nues sont tombés sous les machettes assassines de la milice appelée « Microbes » de M. Alassane Dramane Ouattara, qu’ont dit la CEDEAO et l’UA ? Quand le régime de Monsieur Alassane Dramane Ouattara a décidé unilatéralement qu’elle ne reconnaissait plus la compétence de la CADHP dans l’affaire de Monsieur Guillaume Kigbafori Soro et ses Proches, qu’ont dit la CEDEAO ou l’ONU ? Quand les manifestants maliens aux mains nues sont tombés sous les balles assassines de M. IBK, qu’ont dit la CEDEAO, l’UA et l’ONU ? Quand Monsieur Alassane Ouattara viole la Constitution pour vouloir briguer un 3ème mandat illégal et inconstitutionnel, en se faisant investir à grands frais de l’État ivoirien, que disent l’UA et l’ONU ? Qui parmi ces organisations lui reproche ce coup d’État constitutionnel, lui qui prétend connaître la Constitution mieux que quiconque ? Comment une personne fût-elle président de la République qui n’a aucun respect pour les règles de droit, ni pour les institutions qui l’incarnent peut-elle appeler à une concertation sur la situation d’un pays, jusqu’à aller y donner des leçons pour rétablir un soi-disant ordre constitutionnel alors qu’elle-même n’est pas un exemple ? Quelle outrecuidance ! « Avant de regarder la paille dans l’œil du voisin, mieux vaut enlever la poutre qui est dans le vôtre » !
Pourquoi un tel silence de la CEDEAO, de l’UA, de l’Onu ? Les peuples souverains ont le droit et leur mot à dire dans la gouvernance de leur pays et peuvent se lever si tel est leur souhait, pour dire NON à la dictature!

Bravo au peuple malien dans toutes ses composantes qui dans une insurrection populaire, vient de se libérer du joug du Président IBK et de son clan ! Toutes les organisations, de la CEDEAO, en passant par l’UA et les autres qui imposent son diktat au Mali nous montrent clairement qu’ils n’en ont rien à faire des aspirations et du bonheur légitime des peuples africains qu’ils veulent plutôt voir enchaîner comme des esclaves !
C’est une forme de lutte des classes, parce qu’en vérité, ces organisations ne servent qu’à protéger les Chefs d’État et sont totalement déconnectées des peuples qu’elles prétendent pourtant servir. Ces organisations, comme la CEDEAO, ne se sentent concernées que lorsque les privilèges des Chefs d’État sont menacés. Lorsque le peuple est massacré, ces organisations se taisent dans un silence assourdissant, laissant seules aux organisations de défense des droits de l’homme, la responsabilité de le défendre.
On pourrait rire de ce cynisme, si des vies n’étaient pas en jeu ! Il est temps pour nous Peuple Africain de prendre notre destin en main et de briser toutes ses chaînes ! Je soutiens la révolution du Peuple Souverain du Mali ! Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire ! Que Dieu bénisse le Mali ! Que Dieu bénisse le Continent Africain ! ».

Le malaise exprimé par Guillaume Soro à travers les mots tracés ci – dessus ad litteram apparaît fort étonnement comme celui qui chagrine, torture et afflige tous les leaders des partis politiques de l’opposition démocratique centrafricaine avant, pendant et après la tenue des élections groupées du 27 décembre 2020. Comme en Côte d’Ivoire, l’Ua ne s’est jamais intéressée aux causes profondes des crises militaro – politiques que le peuple centrafricain a connues et continue de subir depuis le coup d’état du 23 mars 2013 à ce jour. Si le Conseil de Paix et de Sécurité qui a pour fonctions prioritaires la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité ; la prévention, la gestion et le règlement des conflits ; la consolidation des processus de paix et de reconstruction post – conflit ; l’action humanitaire et la gestion des catastrophes, a été l’orfèvre de l’accord de paix de Khartoum signé à Bangui, le 6 février 2019, entre le gouvernement centrafricain et 14 groupes armés, toutes les dispositions ont été prises pour que les partis politiques et la société civile en fussent exclus. Un véritable deal dont l’ un des objectifs était de mettre en coupes réglées tout un pays et tout un peuple, par des actes administratifs de nominations à des hautes fonctions de l’Etat et des distributions des permis d’exploitations minières et forestières entre le pouvoir et les groupes armés.

Avec l’arrivée des mercenaires du Groupe Wagner, faisant suite à un accord bilatéral, il s’en est suivi une folie du pouvoir, avec une ferme volonté de concentrer l’entièreté des pouvoirs entre les mains d’un homme, d’un clan et d’un parti – Etat dénommé « MCU », pour un règne de terreur selon des méthodes staliniennes. Cette détermination s’est traduite par l’organisation des scrutins groupés du 27 décembre 2020, marqués singulièrement par des actes de graves irrégularités dont l’incontestabilité a fini par leur dénier tout critère de démocratie, de liberté, de transparence, d’inclusivité, de sincérité, de crédibilité, à l’issue desquels Touadéra a été déclaré élu par l’ANE par seulement 17% du corps électoral et desquels plus de 300.000 Centrafricains ont été délibérément exclus. Si le refus catégorique de Touadéra d’organiser un dialogue politique inclusif entre toutes les forces vives de la nation, tous les groupes armés y compris, a servi de solides raisons à ces derniers de reprendre les armes, l’UA a brillé par un silence assourdissant, contribuant ainsi à faire pourrir la situation.

Même si, après l’attaque de la ville de Bangui, le 13 janvier 2021, par les combattants de la CPC, suivie d’une contre – offensive menée par les Faca soutenues par les mercenaires du Groupe Wagner et les forces spéciales rwandaises, un accord dénommé « Feuille de Route » pour la paix en Centrafrique a été signée, à Luanda, capitale de l’Angola, en septembre 2021, sous les auspices de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs (CIRGL), aucune mesure significative n’a été prise et appliquée pour le retour effectif de la paix. Du coup, cette feuille de route se trouve aujourd’hui dans une « impasse totale ». « Cette feuille de route prévoyait qu’il y ait l’ouverture d’une négociation avec les groupes armés et que simultanément, il y ait aussi un dialogue républicain. Donc, en fait, elle prévoyait une double négociation avec l’opposition armée et avec l’opposition démocratique. Rien de cela n’a pu être mis en œuvre, l’année dernière. La situation sur le terrain est restée la même, avec des affrontements qui continuent, et donc, il n’y a pas eu de cessez-le-feu ou cessation des hostilités. Et puis, du côté du dialogue républicain, eh bien comme les grandes figures de l’opposition démocratique ont été intimidées, l’année dernière, elles ont toutes fui le pays. Actuellement, il n’y a pratiquement plus de grandes figures de l’opposition centrafricaine, en Centrafrique. C’est une impasse totale puisqu’aucune condition n’est en place pour que cette feuille de route puisse avancer et produire quelque chose », a déclaré, à RFI, Thierry Vircoulon, chercheur associé au centre Afrique de l’Ifri.

Une impasse totale qui s’est dangereusement aggravée, le lundi 24 octobre 2022, par le limogeage de la présidente de la cour constitutionnelle Pr Danièle Darlan. La juridiction constitutionnelle devant veiller à renforcer le système démocratique, la paix et la sécurité, et à contribuer à l’avènement d’une institution parlementaire plurielle et inclusive, le limogeage de sa présidente qui jouit de la qualité d’inamovibilité ne peut qu’être, par conséquent, apprécié comme un coup d’état constitutionnel et créer une vacance du pouvoir. « Aujourd’hui, on a atteint un seuil critique de l’autodestruction du système politique et démocratique au-delà duquel il n’existera plus de démocratie, ni d’Etat de droit en Centrafrique », a déclaré un étudiant. Et celui – ci d’ajouter que jamais l’horizon socio – politique du pays n’aura été aussi incertain, sombre, confus et indécidable au regard des menaces réelles d’effondrement du système.

Quae cum ita sit, que devraient dire le jeudi 24 novembre 2022 les Sages de l’Ua aux leaders des partis politiques de l’opposition démocratique et au peuple centrafricain ? A l’exemple d’un médecin après la mort, discuter de l’article 13 de la Charte africaine des droits de l’Homme et de peuples intégrée dans le Préambule de la Constitution qui stipule, selon lequel « Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis, ce, conformément aux règles édictées par la loi » ? Echanger sur la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance qui prône d’instaurer sur le continent une culture politique de changement de pouvoirs, fondée sur la tenue d’élections régulières, libres, équitables et transparentes, conduites par des organes électoraux nationaux compétents, indépendants et impartiaux ? Ergoter sur les termes de l’article 25 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques : « Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables : de prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis ; de voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs… » ? Mais pourquoi ces Sages n’avaient – ils pas effectué cette mission avant, pendant et après les catastrophiques élections du 27 décembre 2020 ?

Si finalement ils ne sont pas venus, c’est tout simplement parce qu’ils ne sont jamais intéressés par le combat du peuple centrafricain pour asseoir l’instauration de l’Etat de droit, de la démocratie et de la survie de notre système politique chèrement acquis dans les années 90 et devant être consolidé dans la durée pour garantir la paix civile et la stabilité de la Nation. S’ils devaient effectivement venir, ça aurait été pour apporter tous leurs soutiens à un homme qui a délibérément démissionné de ses fonctions, et amadouer tous les leaders des partis politiques de l’opposition démocratique. S’ils devaient faire le déplacement de Bangui, ça aurait été pour insulter le peuple centrafricain et humilier tous ses morts et ses martyrs depuis le déploiement des mercenaires du Groupe Wagner et les forces spéciales rwandais dans ce pays, en flagrante violation de la convention de l’UA sur l’élimination du mercenariat en Afrique, à laquelle la République centrafricaine a entièrement souscrit.

Jean – Paul Naïba

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