Centrafrique : Pourquoi Jean – Symphorien Mapenzi a tort

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Selon francetvinfo.fr,  en France, rien , dans la loi, n’interdit à un ministre de la République d’être candidat à une élection, ou ne l’oblige à démissionner pour faire campagne. Ce qui est interdit par la Constitution, en l’état de l’article 23, c’est d’être à la fois ministre et parlementaire. Cependant, il existe des règles tacites relevant de la pratique même des institutions qui lui interdisent de rester dans le gouvernement et manifester l’ambition d’assumer des fonctions locales.

En effet, lors de la campagne des dernières élections municipales en 2014, seize membres du gouvernement de Jean Marc Ayrault étaient engagés sur des listes. Le chef de l’Etat, François Hollande, avait alors fait cette mise au point: « Il ne doit y avoir aucune confusion, avait-il dit aux ministres. L’essentiel de votre temps doit être consacré au gouvernement. Nul ne comprendrait qu’il puisse y avoir utilisation des moyens de l’État pour des campagnes qui doivent être menées localement« . La règle fixée était qu’il n’y ait aucune forme de financement public, direct ou indirect, de la campagne des ministres: interdiction d’utiliser des véhicules du ministère, par exemple, pour se rendre à une réunion publique; les ministres étaient aussi appelés à distinguer précisément, lors de tout déplacement, la partie relevant de leur portefeuille de ministre et la partie militante.

Une ligne de conduite générale forcément difficile à respecter, n’est – ce pas ? Car, il n’est, cela dit, pas évident de savoir quand commence exactement la partie militante en marge d’un déplacement ministériel ou de déterminer si un ministre en campagne s’exprime dans les médias en tant que ministre ou en tant que candidat. Mais pour autant que la règle de non-cumul entre un mandat local exécutif et un portefeuille de ministre n’a pas, pour l’instant, été inscrite dans la loi, mais que la pratique est globalement en vigueur depuis vingt ans, une attention très particulière est donnée toutefois au respect des règles de compatibilité entre la posture de candidat et la fonction de ministre, même si la constitution fait formellement obligation président de la République qui l’a nommé de rester maître d’un remaniement du gouvernement ou de son limogeage.

En Centrafrique, cette affaire a été réglée, selon le député de Bimbo 2 et 1er vice – président de l’assemblée nationale Jean – Symphorien, l’un des stratèges du parti – Etat dénommé MCU, en ces termes :  » Pour la gouverne de tous, la Cour Constitutionnelle avait déjà donné son avis sur la question. Le Président de la République et les Députés sont élus pour cinq ans. C’est pourquoi ils ne sont pas concernés par la mise en disponibilité car cette disposition est constitutionnelle et pour les ministres membres du gouvernement, la Constitution en son article 33 stipule qu’ils sont nommés et demis par le Président. A l’article 32, il est clairement établi qu’ils sont de l’exécutif ».

Aussi objective et soutenable puisse paraître cette sortie médiatique de Jean – Symphorien Mapenzi, il n’en demeure pas moins cependant que son raisonnement frise manifestement un parti pris et est de nature à se butter contre les raisons ayant conduit le président François Hollande, un peu plus haut, à demander à ses ministres candidats aux législatives de démissionner : c’est le principe d’égale admissibilité de tous les citoyens aux emplois et fonctions publics, conformément aux conclusions de l’arrêt Barel du Conseil d’État le 28 mai 1954.

En effet, par décisions des 3 et 7 août 1953, le secrétaire d’État à la présidence du conseil refusa cinq candidatures au concours d’entrée de l’Ecole nationale d’administration. Quelques jours plus tard, la presse publiait un communiqué d’après lequel un membre du cabinet du secrétaire d’État avait déclaré que le gouvernement ne voulait accepter aucun candidat communiste à l’E.N.A. Les cinq intéressés, dont M. Barel, saisirent le Conseil d’État de recours en annulation, en soutenant que l’autorisation de concourir leur avait été refusée uniquement en raison des opinions politiques qui leur avaient été imputées. Par l’affaire Barel, le Conseil d’État a jugé que l’administration ne pouvait, sans méconnaître le principe de l’égalité d’accès de tous les Français aux emplois et fonctions publics, inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, écarter quelqu’un de la liste des candidats au concours de l’E.N.A en se fondant exclusivement sur ses opinions politiques.

En corrélation avec ce qui précède et en l’espèce, c’est – à – dire dans le cas centrafricain de l’heure où des ministres de la République, à savoir Dondra, Balalou, Mbaïkoua, pour ne citer que ceux – là, qui sont tous candidats investis du MCU aux prochaines législatives, qui utilisent des véhicules et des moyens de l’Etat pour faire campagne avant l’heure, il ne souffre d’aucune contestation que nous sommes là devant une flagrante violation de ce principe, en ce sens que les candidats en présence n’ont pas la même chance de concourir ; certains étant plus nantis que d’autres. Pis, cette pratique est même contraire substantiellement aux dispositions de l’article 57 de la constitution du 30 mars 2016 et celles de l’article 136 du code électoral, n’en déplaise aux juges constitutionnels.

C’est pourquoi, tout comme en Centrafrique où certains professionnels des médias ne cessent de s’élever contre ces particularités qui amenuisent les chances des uns et des autres, au Burkina – Faso, le chef de file de l’opposition politique Zéphyrin Diabré, le 16 août 2020, n’a pas hésité à  monter au créneau pour  dénoncer «une campagne déguisée» pour les élections de novembre 2020 à laquelle se livrerait la majorité présidentielle, en violation de l’article 68 du Code électoral. Et le CFOP de menacer de saisir la justice. Voici ce que dit le communiqué :

«L’Opposition politique burkinabè observe que, depuis quelques temps, la Majorité présidentielle se livre à une campagne déguisée, en violation de l’article 68 du Code électoral qui interdit ces pratiques 90 jours avant l’ouverture officielle de la campagne. En effet, sous prétexte de faire le bilan du Programme national de développement économique et social (PNDES), des ministres ont entamé une tournée dans les régions avec les moyens logistiques et financiers de l’Etat. Le Chef de l’Etat, par ailleurs candidat à la présidentielle de novembre 2020, se livre lui aussi à cette campagne déguisée, en utilisant de manière flagrante les moyens de l’Etat. C’était le cas à Banfora et à Ouahigouya. Des médias, surtout ceux de l’Etat, sont mis à contribution pour diffuser des publicités et des reportages de cette campagne déguisée, avec la bénédiction tacite du Conseil supérieur de la Communication (CSC). L’Opposition politique condamne cette violation de la loi par le Président du Faso, ses ministres et sa Majorité. L’Opposition exige du CSC l’interdiction de la propagande de la Majorité, d’autant plus que la majeure partie des activités des partis politiques ne peuvent plus bénéficier de couverture médiatique. C’est une injustice faite à l’Opposition. L’Opposition politique déposera également une plainte en justice contre les auteurs de cette campagne déguisée. Et, si malgré les interpellations et recours légaux, le Président du Faso et sa Majorité continuent d’enfreindre la loi impunément, alors, l’Opposition prendra d’autres initiatives.»

Les faits dénoncés dans ce communiqué ressemblent fort étonnement à ceux que nous reprochons au gouvernement et au Gangster de Bangui qui s’est déjà lancé en campagne à Carnot, M’Baïki et bientôt à Bambari, non seulement avec des moyens de l’Etat, mais surtout à bord des hélicoptères ou des aéronefs  battant pavillon onusien. Par conséquent, M. Jean – Symphorien Mapenzi, nous pensons que vous avez vraiment tort de soutenir cette thèse selon laquelle les moyens de l’Etat peuvent être utilisés par des « ministrons de la République » avant pendant et après la campagne électorale.

La rédaction

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