Centrafrique, où en sommes – nous avec le financement du budget de l’ANE ?

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Il n’est aujourd’hui de secret pour personne que, tant pour le régime de Bangui que la communauté internationale, tout doit être mis en œuvre pour que des élections démocratiques, libres, inclusives, transparentes, incontestables et incontestées soient organisées dans les délais constitutionnels, c’est – à – dire avant la fin du mandat des députés et du président de la République, prévus pour fin mars 2021 au plus tard.

Si dans les discours officiels, les audiences publiques et les grandes rencontres nationales et internationales, ces vœux reviennent constamment et se font même de plus en plus pressants, à l’exemple de la déclaration faite à ce propos par le sous – secrétaire d’état américain aux affaires africaines Tibor Nagy, lors de sa dernière visite à Bangui, rien ne semble fort étrangement bouger très positivement, en ce qui concerne le financement du budget y relatif, nous ont rapporté des sources proches de l’ANE, de la présidence centrafricaine et de la primature.

En effet, ces sources soutiennent que le budget de ces élections dont le montant est estimé à environ 42 millions de dollars, soit un peu plus de 21 milliards de Fcfa, qui a été approuvé en août 2019 avec le concours des partenaires techniques et financiers du pays, dans le cadre du Projet d’appui électoral en République centrafricaine, peine visiblement depuis lors à passer le cap de simples annonces à des actes concrets, c’est – à – dire à la disponibilité réelle, physique et palpable des fonds dans le « Basket Fund ».

A l’exception de l’Ue qui a déjà avancé 15 millions d’euros, soit 16,8 millions de dollars, contre 200.000 dollars accordés par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), au titre d’assistance préparatoire, tous les autres bailleurs de fonds tant dans le cadre bilatéral que multilatéral, parlent beaucoup, s’excitent dans leurs sorties médiatiques et promettent mais curieusement rechignent à mettre la main à la poche. A telle enseigne que le gouvernement a été obligé de sommer le ministre des finances et du budget de mettre à la disposition de l’ANE la contribution de l’Etat centrafricain, ouverte à cet effet dans la loi de finances 2019, aux fins de démarrer effectivement ses activités notamment, l’élaboration de la cartographie électorale.

C’est ce qui a été confirmé à la presse du ministère des finances et du budget par Mme  Marie-Madeleine N’kouet, née Hoornaert, présidente de l’Autorité Nationale des Elections (ANE), à sa sortie d’une audience à lui accordée, le mardi 21 janvier 2020, par Henri Marie Dondra, en ces termes : « Vous savez que nous sommes sur les opérations électorales et à ce titre, le gouvernement nous avait fait une avance de fonds au titre de l’année 2019. Nous attendons également un décaissement qui est inscrit dans la loi de finances 2020. Je venais rassurer le ministre des finances que les fonds que nous avons reçus ont été utilisés à bon escient. Un rapport sur la gestion de ces fonds et de nos activités va bientôt arriver au gouvernement ».

Ainsi donc, les financements extérieurs tardant à être mobilisés, le président Touadéra et son clan qui, convaincus que la non – tenue de ces élections dans les délais constitutionnels signifierait tout simplement  la fin de leur régime et qu’un glissement du calendrier électoral les contraindrait à entrevoir et accepter une transition politique, n’ont aucune alternative  que celle de faire recours aux maigres ressources nationales, tout en continuant de tendre la main de mendiant aux bailleurs de fonds. C’est ce que le mathématicien de Boy – Rabé a été obligé de faire dans son discours de nouvel an à la nation :

« Le troisième enjeu est celui des prochains scrutins présidentiel et législatifs. Ces scrutins, dois-je le rappeler, interviendront dans un contexte marqué par la signature de l’Accord de Paix entre le Gouvernement et les mouvements politico-militaires. C’est pourquoi, je me réjouis de la récente résolution adoptée à l’unanimité des membres du Conseil de Sécurité de l’ONU d’élargir le mandat de la MINUSCA pour l’assistance, la coordination et la sécurisation des élections en Centrafrique. Cette décision constitue un signal fort envoyé à la communauté internationale, à nos partenaires, à la classe politique centrafricaine et au Gouvernement afin d’indiquer que les élections doivent se tenir dans les délais constitutionnels. C’est aussi un gage de transparence et de la crédibilité des prochaines élections ainsi que la reconnaissance des efforts déployés jusque-là pour redonner confiance au peuple et à la communauté internationale. Je réitère que ces scrutins constituent une occasion historique pour consolider les espoirs suscités par cet Accord et créer les conditions de paix et de réconciliation en Centrafrique. La mobilisation des ressources financières est désormais une urgence et une priorité. A cet effet, j’ai donc instruit le Gouvernement de tout mettre en œuvre pour que le financement de ce double scrutin soit assuré. Je me suis adressé à toutes les parties prenantes, les partenaires internationaux de la Centrafrique et la communauté internationale, pour qu’elles saisissent cette occasion historique pour garantir, dans les délais constitutionnels, la tenue d’élections crédibles, libres, inclusives et équitables sur toute l’étendue du territoire national et confirmer l’ancrage démocratique amorcé en 2016. »

Aussi normale, débonnaire et volontariste puisse paraître cette démarche, il est cependant très fort probable que les résultats escomptés ne soient pas atteints dans les meilleurs délais. Et ce, pour cause ! La diplomatie étant l’art de mentir par excellence et les légats n’affirmant officiellement que le contraire de ce qu’ils pensent et doivent faire, il est grandement temps que Touadéra et son clan fassent preuve de beaucoup d’intelligence pour combler le gap de plus de 20 millions de dollars qui s’offre à eux présentement.

Y parviendront – ils ? Le directeur Afrique du Quai d’Orsay Rémy Maréchaux, lors de sa dernière visite de travail à Bangui ne leur avait – il pas dit de vives voix que l’organisation des élections relève du domaine de l’intimité de la souveraineté nationale ? Se sont – ils de ce fait, en hommes avisés, posés la question de savoir pourquoi les partenaires financiers de la RCA peinent si tant à aider au bouclage du financement de ces échéances électorales ? Et même s’ils devaient y parvenir, comment ferait l’ANE pour rattraper le retard intervenu dans l’exécution du chronogramme de ses activités ? Que pensent – ils du silence observé à ce jour par le gouvernement Ngrébada sur le retrait de l’assemblée nationale  du projet de loi portant organisation et fonctionnement de l’ANE dont le mandat des membres arrivera à terme en décembre 2020 ?

Voilà de bien pertinentes questions auxquelles Touadéra et les siens qui refusent catégoriquement le dialogue comme mode de règlement de la crise centrafricaine qui n’a que trop duré, dans un contexte d’insécurité ambiante et généralisée sur plus de 85% du territoire national, et qui ont créé un comité stratégique d’appui au processus électoral, en flagrante violation des dispositions constitutionnelles et légales, et par conséquent vivement décrié par toutes les forces vives de la nation, doivent impérativement répondre dans les meilleurs délais !

Jean – Paul Naïba

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