Centrafrique : NOTRE INDÉPENDANCE EST POUR DEMAIN

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CENTRAFRIQUE – NOTRE INDÉPENDANCE EST POUR DEMAIN 🇨🇫
Par Jean-François Akandji-Kombé, Citoyen Debout et Solidaire
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Mes mères, mes pères,
Mes sœurs, mes frères centrafricains
Nous sommes le 13 aout, le 13 août 2020.
Il y a 60 ans jour pour jour notre pays la République Centrafricaine accédait à la souveraineté internationale. Il y a 60 ans notre indépendance était proclamée.
Aujourd’hui, 60 ans après, on nous appelle à la fête, la fête de l’indépendance. Le chef de l’État nous y invite. Nos familles et nos amis aussi nous envoient des vœux de bonne fête.
Mais que fêter ? Et, surtout, y a-t-il lieu de fêter ?
Mes chers compatriotes, ces questions ne sont pas des questions polémiques. Je nous invite, chacun d’entre nous à nous les poser et à y répondre, franchement, sincèrement. Répondre non pas par gout du paraître, répondre non pas à quelqu’un d’autre, mais à nous-mêmes, chacun en son âme et conscience.
Ma réponse à moi, en conscience, la voici : il n’y a aucune, je dis bien aucune raison de faire la fête. Parce qu’aucune des promesses contenues dans le mot indépendance ne s’est réalisée pour notre Pays en ces 60 ans passés. Pire encore, les maux desquels nous étions censés nous extraire par l’indépendance sont toujours là, et ils sont là plus que jamais.
L’indépendance nous avait promis un État centrafricain maître sur les 623.000km2 de son territoire. Notre réalité d’aujourd’hui est que notre État est administré, gouverné sur 85% de son étendue par des chefs de Guerre, pour la plupart mercenaires étrangers, qui ont pour nom Darassa, Sidiki, Al Khatim. Notre réalité est que la réalité du pouvoir est entre leurs mains, puisqu’ils ont droit de vie et de mort sur nous ; puisqu’ils défient chaque jour, et avec succès, les autorités que nous nous sommes donnés. Notre réalité, enfin, c’est que, après avoir abdiqué face à l’occupation par des hordes de rebelles et de mercenaires, nos autorités ont accepté de se soumettre et de nous soumettre aux puissances étrangères de tous ordres, en nous servant les mots trompeurs de « géopolitique », de « diplomatie offensive », de « partenariat gagnant-gagnant ».
L’indépendance du pays, c’était une promesse de liberté pour notre peuple. Un peuple libre et des citoyens libres sur leur terre : libres d’aller et venir, libres de s’exprimer, libres de choisir leurs activités, bref libre de décider pour eux-mêmes dans le cadre de la loi, sans rien craindre. Au lieu de cela, aujourd’hui, 60 ans après, les Centrafricains sont devenus esclaves sur leur propre terre, empêchés de circuler, obligés d’errer dans la brousse et les forêts comme des bêtes, soumis au racket, condamnés au travail forcé pour l’exploitation de leurs propres ressources pour le seul profit de ces mercenaires criminels, violentés, torturés, tués. Le comble est que nos autorités ont pris le parti de ceux-là même qui nous mettent en esclavage. Ils sont leurs « partenaires » disent-ils. Quant à nous, dignes et libres filles et fils de Centrafrique que nous devrions être, nous qui ne revendiquons que nos droits sur notre terre, nous sommes à leurs yeux et selon leurs dire, des « ennemis » : ennemis de la Nation, ennemis de la Paix…
L’indépendance de notre pays, c’était aussi la promesse d’un mieux vivre contenu dans cinq (5) verbes, les cinq (5) verbes du MESAN : nourrir, loger, vêtir, soigner, instruire.
Aujourd’hui, 60 ans après, posons-nous la question, sincèrement :
– Combien de Centrafricains mangent à leur faim et ont accès à l’eau potable, même dans la capitale ?
– Combien de Centrafricains vivent dans un logement décent, ou dans un logement tout court ?
– Combien des nôtres doivent encore s’habiller de haillons, un ou deux seuls bouts de tissus usés, déchirés, rapiécés ;
– Combien de Centrafricains ont accès aux soins, et combien meurent faute d’hôpitaux, de dispensaires, de centres de soin, de médicaments ?
– Combien de Centrafricains ont pu et peuvent bénéficier de l’instruction, ou plus exactement, combien de génération ont été sacrifiés et livrés à l’analphabétisme ?
Non, décidément, il n’y a rien à fêter !
Quand on en est arrivé, après tant d’années et tant de régimes, à faire regretter aux plus anciens d’entre nous les temps d’avant, ceux des Dictatures et, pire encore, ceux de la colonisation, il n’y a vraiment rien à fêter, sauf l’échec !
Mais s’il n’y a rien à fêter, ma conviction est qu’il y a néanmoins quelque chose à commémorer.
Commémorer notre indépendance, c’est d’abord cultiver, c’est d’abord entretenir la mémoire : mémoire de ceux qui ont lutté pour cette indépendance, parfois au prix de leur sang comme feu notre Président Barthélémy Boganda ; mais aussi mémoire des promesses que contient le mot indépendance.
Commémorer notre indépendance, c’est ensuite s’engager pour la réalisation de l’auto-détermination véritable, c’est agir comme nous le commande notre hymne national, immédiatement, résolument : pour reprendre notre droit au respect et à la vie ; pour briser la tyrannie ; pour briser la misère ; pour nous reconquérir nous-mêmes.
Et à faire cela, comme proclame notre hymne, c’est « de nos ancêtres que la Voix nous appelle » !
Bonne commémoration de l’indépendance à toutes et à tous les Centrafricains.
Jean-François AKANDJI-KOMBÉ
Citoyen Debout et Solidaire

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