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Centrafrique : « Mon rêve serait de voir une génération suffisamment équipée pour relever ses propres défis et prendre en main son propre destin », a dit Jean-Serge Bokassa

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Mon rêve serait de voir une génération suffisamment équipée pour relever ses propres défis et prendre en main son propre destin

M. Jean-Serge BOKASSA, Ancien Ministre, Ancien Député, Coordonnateur Général du « MKMKS »

Nous le regardons, l’observons et essayons de trouver en lui les traits de son père. Et l’on arrive à cette seule conclusion, il est lui. Lui c’est lui. Jean-Serge Bokassa, le fils de la Lobaye, le Centrafricain de cette nouvelle génération, soutenu et encouragé par plus d’un. Soit on l’aime, soit on ne l’aime pas. C’est un peu comme cela pour les personnes à forte personnalité. Il est bien droit dans ses bottes, sûr et serein. Il sait où il va. C’est un meneur, un leader. Si l’on est objectif, il nous attire et l’on veut en savoir d’avantage sur lui. Mbi la gué lui a donc tendu son micro. Lisons-le.

Bonjour M. Jean-Serge Bokassa. L’on ne vous présente plus, mais que pouvez-vous nous dire de vous?
Un patriote avant tout, aimant profondément son pays et s’inscrivant dans un engagement plus citoyen qu’autres choses. Missionnaire évangélique aux premières heures, mais aujourd’hui engagé sur un terrain politique ; est-ce la continuité d’une seule et même vocation mais portée sur un champ différent que je n’ai vu venir ? Je ne le sais. Mais je pense que cette conviction en moi est profonde.
Ancien Député, Ancien Ministre, Coordonnateur Général du Mouvement Kodro Ti Mo Kozo Si (Ton Pays Avant Tout) en abrégé« MKMKS », qui se définit comme un espace inter-générationnel de concertation politique et d’engagement citoyen.

Vous avez été un brillant Ministre de l’intérieur, permettez-moi d’y revenir. Mais qu’est-ce qui s’est passé?
Brillant, je ne saurais le dire, mais tout en vous remerciant de cette appréciation, je dirais n’avoir fait économie d’aucune portion de mon énergie ni de ma volonté à aller au bout de ma mission, dans un contexte, faille-t-il le rappeler, très difficile, compte tenu de l’état des lieux et surtout des moyens mis à disposition. Je voudrais par la même occasion saluer tant le travail fait par mes prédécesseurs que la qualité du travail abattu par certains de mes collaborateurs qui m’ont fasciné par leur sens combien élevé de responsabilité, et par le niveau de sacrifice dont ils ont su faire preuve.

Le diagnostic que l’on pourrait faire tant du ministère de la Sécurité que celui de l’Administration du Territoire peut se transposer sur celui de l’Etat dans son ensemble, à savoir : Asseoir une meilleure gouvernance, une volonté politique plus affichée autours des intérêts stratégiques et un plus grand effort dans la hiérarchisation de nos priorités.

Les querelles d’hommes ne m’intéressent pas ; mais tout ce qui pouvait constituer un obstacle injustifié aux missions de souveraineté qui nous étaient confiées, reste à mes yeux inadmissibles et révélateurs de l’état d’esprit réel sur lequel l’on drape de beaux discours. Mais les faits sont têtus et parlent d’eux-mêmes.

Où vous situez-vous politiquement aujourd’hui?
Là où je dois être, à savoir près du peuple. Près d’un Peuple meurtrie et abandonné aux mains ensanglantées de ses bourreaux, près d’un Peuple à qui il faut rendre justice et rendre toute sa dignité, et à qui il faut reconnaître le droit à la vie. Voilà là où je considère me trouver.

Vous avez une formation qui vous soutient, des rencontres patriotiques périodiques. 2021 se prépare?
Au rythme où vont les choses, il est difficile de parler de 2021. Notre Mouvement travaille beaucoup plus sur des questions d’éveil de conscience, celles de dignité humaine, de justice sociale, du renouvellement de la classe politique, etc. Mon rêve serait de voir une génération suffisamment équipée pour relever ses propres défis et prendre en main son propre destin, participer à la création d’institution suffisamment forte pour que plus jamais, les dérives enregistrées à ce jour n’aient lieu. Être eux-mêmes la solution à leurs problèmes, plutôt que constamment l’attendre des autres. L’aide ne peut être considérée comme telle, que si elle arrive à terme, à nous rendre totalement indépendants de celle-ci et non le contraire.

Vous êtes arrivé officiellement le 5ème lors de l’élection présidentielle passée. Qu’est-ce que cela représente en terme électoral et pour vous?
Globalement, un sens de responsabilité encore plus grand et aigu car cela représente aussi l’espoir des uns et des autres placés en vous. Cet un fardeau que je me dois de porter, car j’ai conscience que j’incarne désormais l’espoir d’une certaine partie de notre population.

Pensez-vous qu’il soit possible d’être voté, élu sur une base autre qu’ethnique, clanique et autres ici en RCA? La compétence trouvera-t-elle un jour ses lettres de noblesse?
Je pense que le Peuple est le miroir de ce que nous avons voulu qu’il soit. J’ai eu des voix dans la OUAKA ou dans le Haut-Mbomou, en suis-je natif ? Non. Après, je comprends votre préoccupation dans cette question. Cet idéal, que vous relevez avec raison, procédera d’un processus qui peut se révéler encore plus lent, s’il n’y a pas de volonté politique très affichée sur des questions telles que notre système éducatif, par exemple, qui doit être rendu meilleur et plus accessible. La démocratie est un système de pensée renfermant des principes et des valeurs. Il s’apprend, se révise, s’améliore, le but étant de rendre notre système de gestion collectif plus approprié, répondant précisément aux aspirations et attentes profondes de notre population. L’effet spontané est inenvisageable, c’est donc un processus.

Vous êtes le Porte-parole de « Ë ZÎNGO BÎANÎ ». Parlez-nous-en. Et ces dates du 15, 22 et 29 juin?
J’ai souvent prêché, comme dans le désert d’ailleurs, sur la nécessité d’être ou d’apprendre à nous rendre solidaires les uns vis-à-vis des autres. La crise a effrité notre sentiment d’appartenance nationale commune, et nous a forcé à un type de repli identitaire, relevant du communautarisme, du régionalisme et du clanisme, ce qui, à mon humble avis, fait lit à ce type de comportement et sont essentiellement des questions de confiance qui elles, relèvent de la gouvernance, la bonne gouvernance. Je me réjouis de l’initiative prise par la société civile qui a souvent été à l’avant-garde pour défendre notre démocratie.

Les stratégies connues de confiscation de pouvoir on fait trop bonne école chez nous et la crise que nous continuons de traverser en est la conséquence directe. Ainsi, Les dernières élections étaient considérées comme étant « des élections de sortie de crise ». Il était donc indispensable d’avoir des acteurs ayant la légitimité nécessaire pour prioritairement travailler sur des questions de sécurité et de justice, en impulsant un rassemblement pour tendre progressivement vers une véritable réconciliation, le tout porté par une gouvernance plus démocratique afin de restaurer la confiance entre centrafricain. S’il y avait une chose autour de laquelle tous les candidats aux élections présidentielles pouvaient converger dans leurs programmes respectifs, c’était bien cela. Après le reste n’était que pire forme et style de leaderships pour atteindre ces objectifs.

En lieu et place de cela, la politique dite « de la main tendue » qui n’a aucun contenu, mis à part celui que certains prestidigitateurs veulent lui donner et qui, dans la forme comme dans le fond, privilégie les gouvernants au détriment des gouvernés, ainsi que les bandes armées et la communauté internationale ou (mieux) à une certaine communauté internationale pour être moins englobant, sacrifie totalement nos acquis démocratiques, violent par voie de fait notre Constitution et vise à sécuriser un régime au détriment du Peuple.

Cette approche a été désastreuse. Les dérives totalitaires auxquelles nous faisons face relèvent de l’équation du mathématicien qui a très vite oublié, selon moi, les raisons profondes de son élection. Excroissance et occupation de la quasi-totalité du territoire par les groupes armés révèle que nous dormions, nous dormions du fait des beaux discours, nous dormions du fait des effets de corruptions et d’intimidation, nous dormions du fait de nous soucier de nos formations politiques comme si elles pouvaient remplacer le Peuple, nous dormions du fait de prioriser notre quotidien au détriment de celui du Peuple, alors un éveil de conscience nous a conduit au réveil collectif d’où « Ë ZÎNGO BÎANÎ ».

Les « requins » apparemment ne vous troublent nullement?
J’ai plutôt l’impression du contraire, non ? C’est regrettable de constater que ce régime puisse couver de telles pratiques. Des gens qui se permettent de façon ostentatoire d’afficher leur appartenance à une sorte de milice, qui se donnent pour objectif de porter atteinte à la vie de certains compatriotes du fait qu’ils expriment des points de vue divergents ou du fait de l’expression démocratique de leur citoyenneté ou de défendre des valeurs qui en découlent, sans que ni le régime ni la justice, ne disent mot. C’est à vous donner la nausée.

Quels sont vos commentaires sur l’actualité centrafricaine?
Pendant que groupes armés et gouvernement convolent en d’agréables noces, la population continue d’en payer le prix fort. Plus rien n’arrête ce régime et les signaux deviennent de plus en plus alarmants.

Que pensez-vous de l’interview réalisé il y a peu par l’une de vos sœurs ?
Nous avons, mes frères et sœurs et moi été extrêmement choqué. Elle demeure seule à en porter l’entière responsabilité. Je me garde de porter un jugement sur ses motivations profondes mais je suis tout de même surpris et m’interroge du caractère médiatique que cela prend et pourtant, et ce de courte mémoire, quand il était question de procéder au partage des biens de notre géniteur, à nous légué, elle aurait pu tout aussi bien ne pas y toucher. Je souhaite pour mes frères et sœurs et moi, que cette autre épreuve nous rende encore plus solidaires que nous l’étions. Jean Bedel Bokassa a beaucoup souffert, il a accepté la justice des hommes à laquelle il s’est rendu et aujourd’hui est confronté à celle de Dieu. Montrons-nous dignes des valeurs positives qu’il a su incarner et vivons notre vie, écrivons notre propre histoire.

Quel est votre place, votre rôle dans votre fratrie? Difficile ou facile de porter le nom Bokassa aujourd’hui?
Ma place ? Je ne sais pas comment y répondre, excusez-moi. En toute honnêteté, une toute petite. Au niveau du classement en ordre décroissant, je suis entre le 16ème ou le 17ème, je ne sais plus trop. Nous avons avec la plus part d’entre eux tissé depuis quelques années des liens de solidarité assez forts, organiser des rencontres familiales quand nous pouvons, organiser parfois une sorte de pèlerinage sur la terre de nos aïeux annuellement (plus difficile à mettre en œuvre à cause des contraintes professionnelles des uns et des autres), mise en place quelques projets en commun comme la création d’une Fondation JBB, etc. Je vis personnellement avec le rêve de nous voir davantage unis, unis autour de l’essentiel car le reste n’a que peu d’importance et me sens très soutenu par mes frères et sœurs. J’espère arriver à le leur rendre. Les désaccords croyez-moi ne manquent pas, comme dans toutes les familles mais nous arrivons à les surmonter. Difficile ou facile ? Un peu des deux, tout dépend des circonstances.

Pour finir, nous vous savons être Chrétien engagé. Parlez-nous-en!
Oui, converti en 1997, au mois d’août plus précisément, j’ai fait l’expérience de ce que l’on appelle dans le jargon chrétien « la nouvelle naissance ». Celle-ci connait diverses interprétations dans ce qu’elle représente selon le courant ou les tendances auxquelles on appartient (Le protestantisme comme le catholicisme et à l’instar de biens d’autres religions, connaissent de nombreuse tendances en leur sein). Ma formation de missionnaire et mon parcours m’ont appris à me mettre au-dessus des religions, à comprendre que Christ n’en est pas une, à transcender les clivages. Christ est plus une relation qu’une religion, Il est plus un Mouvement qu’un monument. Mais j’ai aussi appris que servir Dieu n’implique pas l’unique fait d’être dans une église. En écrivant ces lignes, je réalise, à combien plus forte raison, je dois être plus exigeant, vis-à-vis de moi-même, comme je le suis aussi des autres. Mais je réalise aussi qu’être sur un terrain politique extrêmement difficile n’est pas une sinécure.
Par conséquent, je voudrais saisir votre tribune pour demander pardon à tous ceux que j’ai pu offenser d’une manière ou d’une autre et conclurais en disant que ma foi n’est pas incompatible avec ma vocation. Merci pour cette occasion que vous m’avez offerte.

C’est moi qui vous remercie.

Propos recueillis par Lydie NZENGOU KOUMAT-GUERET

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