DOCTEUR WECH, PIONNIER DE LA MUSIQUE CENTRAFRICAINE MODERNE
Michel Darma, plus connu sous le nom de Docteur Wech, est sans nul doute l’un des derniers géants de la musique centrafricaine moderne. Cette musique qui a signé ses lettres de noblesse avec la chanson « Mogbi » de l’orchestre Centrafrican Band, enregistrée à l’occasion de l’inauguration de Radio Bangui, le 1er décembre 1958, date de la proclamation de la République centrafricaine. Notons qu’à l’époque la station de radio Bangui se trouvait encore dans les locaux de l’actuelle Ambassade des Etats-Unis à Bangui.
Né le 15 novembre 1940 à Douala, au Cameroun, le jeune Darma a grandi aux côtés de son père Boniface Grimari originaire de Kaga-Bandoro dans la Nana-Gribizi et de sa mère Cécile Komessa, souma de Boguila.
La passion pour la musique est venue toute seule sans doute influencée par le climat artistique camerounais dans lequel le jeune garçon baignait. Très vite, il forma avec ses camarades d’internat du collège Vogt de Yaoundé, un orchestre des collégiens dénommé Sonorita Jazz.
Ensuite il rentra à Bangui et après dislocation de l’orchestre Vibro Mayos, il intégra le 27 novembre 1963, le Centrafrican Jazz de Prosper Mayele au sein duquel évoluaient aux bars dancing, Etoile, Cha-Cha-cha bar, Dragon Rouge, Tara-Tara, Malao Hennecy, Valère, Edo Welengue, Chiquito et Enga Rizzos, ancien choriste de Saint Anne à Brazzaville. Il signa alors sa première chanson, Marianna. En 1965, il y eut l’arrivée de Mimox, de son vrai nom Daniel Yamblé, et Matalaki originaire de la RDC, auteur de la chanson du même nom « Matalaki ». Un chef d’œuvre dont la leçon à tirer est « qu’Il ne faut jamais désespérer dans la vie. Ce que l’on n’a pu obtenir dans sa jeunesse, dans sa vieillesse, l’on obtiendra ».
Puis ce fut la saga de Marie x 4 à savoir : « Marie », « Marie m’a trompé », « Retour ti Marie », « Réconciliation». En fait, c’est l’histoire de l’épouse partie avec la permission de son conjoint, pour un congé de trois mois chez ses parents en province. Au bout des trois mois, le mari est désemparé, car la femme refuse de retourner au domicile conjugal, à cause des souffrances, dit-elle, qu’elle n’a cessées d’endurer. A la fin, tout rentrera dans l’ordre.
Docteur Wech est un compositeur hors pair qui totalise à son actif une collection impressionnante de 457 chansons inspirées des faits de société. Une source d’enseignements intarissables tirés de l’inextricable magma de la vie de tous les jours. Des thèmes variés, basés sur l’amour, l’éducation, la morale civique, les bonnes mœurs que le chanteur évoque de sa voix poétique sur le son de la guitare magique de Prosper Mayelé. Entre les deux hommes règne une complicité fascinante défiant toute épreuve.
Notons que le Centrafrican Jazz était affilié à l’équipe de football de 1ère division, Tempête Mocaf Rouge Noir Tout Puissant, et à une association féminine, Lumière Sabona.
On doit egalement à Wech la chanson « Basket Centrafricain » en hommage à nos valeureux fauves du Bas-Oubangui et leur président Francois Pehoua alias Boston, vainqueurs de la coupe Afro-Basket 1974. Dans ce morceau, l’auteur compare ceux-ci « aux nipka so ayeke fa doli lakoue » à l’instar du jeune David qui terrassa en son temps le géant Goliath.
Notons que le Centrafrican Jazz était affilié au club de football de 1ère division, Tempête Mocaf Rouge Noir Tout Puissant, et à une association féminine, Lumière Sabona.
Par ailleurs, sous son régime, le président Jean-Bedel Bokassa avait rendu le service militaire obligatoire pour tous les fonctionnaires et agents de l’Etat. Ainsi en 1969, Docteur Wech, employé à l’Office centrafricain de Sécurité Sociale (OCSS) dut partir dans l’armée sous le matricule 1008 pour une période de quatre mois durant lesquels il n’a pas touché au micro. Après lui, Jean-Marie Toninga et Mimox tinrent haut le pavé avec des compositions à succès parmi lesquels Mama Anne.
La sortie de la chanson « Retour ti Docteur »composée à la fin de son service militaire propulsa de nouveau Wech sur la scène musicale. Et là, les titres et succès s’enchaînèrent avec un rythme effréné au bonheur du public et surtout des auditeurs de Radio Centrafrique : « Isabelle, Promesse, Education, Michel… ». Malheureusement le ciel s’assombrit brutalement sur l’orchestre, en raison d’une chanson que Mayélé, adulé par la nation entière, aurait dédiée à la femme ou maîtresse d’un dignitaire du régime. D’aucuns s’accordent à dire qu’il s’agissait en réalité du président Bokassa lui-même, tant sa jalousie maladive était connue de tous. L’orchestre fut aussitôt dissous et les musiciens enfermés à la prison de Ngaragba.
Il est aussi vrai que la descente aux enfers de Prosper Mayélé était surtout liée à sa célébrité. En effet, la radio diffusait à longueur de journée une chanson dans laquelle les fans scandaient le nom de leur idole : « Mayélé ! Mayélé ! Prince Mayos ! E mou Mayélé na ndozou ! (Vive Mayélé) ».
Ce dernier n’a plus touché à la guitare jusqu’à la chute du régime en 1979.
Quant à Docteur Wech, il décida durant cette longue traversée du désert, de créer l’orchestre Ngombeka avec Apondo, Gaucher et Devil (Accompagnement), Pancho (Soliste). Puis très vite il revient à son premier amour : Le Centrafrican Jazz qu’il essaie vaille que vaille, avec le concours de son fidèle compagnon Apondo et l’apport de la jeune génération, de faire renaître de ses cendres ce, après la disparition de Matalaki, Mimox et du père de la musique centrafricaine moderne, Prosper Mayele, mort le 12 octobre 1997.
FYZ
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