Centrafrique : « Mercato des députés » : RDC, le plus gros transfert de l’année ?

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Le jeudi 25 mars, dans un article intitulé « Centrafrique : le Gangster de Bangui et le MCU lancent le marché de transfert des députés indépendants », nous avons révélé au grand jour les manœuvres du pouvoir visant à acheter des nouveaux élus n’appartenant à aucune organisation politique afin d’obtenir la majorité parlementaire dans la 7ème législature. Disposant d’un sac – banco rempli de billets de banque extraits directement du trésor public et confortablement assis dans son bureau de 3ème questeur, c’est à Magloire – Ghislain Makango, député de la circonscription de Mbaïki 5 et membre de la majorité parlementaire présidentielle dans cette 6ème législature finissant, la plus corrompue et la plus odieuse de toute l’histoire de notre assemblée nationale, que cette opération de débauchage a été confiée.

Dans un deuxième article intitulé « Centrafrique : pourquoi nous devons mettre un terme au « Mercato » des députés », publié le lundi 29 mars, nous avons jugé important de rappeler les dramatiques conséquences de ce phénomène désormais institutionnalisé sur la jeune démocratie centrafricaine, la séparation des pouvoirs, la vie politique nationale, en termes de stabilité, de fonctionnement du parlement, de l’observation des règles de la bonne gouvernance et de la transparence, et des dispositions de la loi sur les partis politiques. Comme toujours, ni les partis politiques, ni la société civile, ni les confessions religieuses n’ont daigné se prononcer sur cette pratique politiquement immorale et culturellement dangereuse. Devant un tel silence qui s’apparente à un acte avéré de résignation, de démission, voire de légalisation et de légitimation de la corruption comme mode de gestion de nos institutions, le pouvoir s’est donc vu autoriser à continuer à dérouler son plan de mainmise sur l’assemblée nationale.

C’est ainsi, alors que certaines sources annonçaient son évacuation sanitaire et que d’autres soutenaient une possible fuite à l’étranger, au lendemain de l’ébruitement de la nouvelle d’évasion de son frère – cadet, que de gentilles indiscrétions proches de la présidence centrafricaine ont préféré parler de l’exécution d’une mission officielle à lui instruite directement par l’Imposteur de Bangui. Nanti d’une malle pleine de billets de banque, Sani Yalo aurait été dépêché près le président du Rassemblement Démocratique Centrafricain « RDC » Désiré Nzanga Kolingba, alité dans la capitale congolaise suite à une évacuation sanitaire. Pour le soudoyer à quitter la Coalition de l’opposition démocratique pour rejoindre le MCU. Le fils de feu général Kolingba, l’un des pères fondateurs de la démocratie centrafricaine en 90, a – t – il cédé à cette tentation ? Ou bien s’y est – il farouchement opposé ? En a – t – il tenu informés le bureau politique et les premiers concernés que sont les cinq députés du RDC ? Nous ne pouvons pas répondre avec exactitude à toutes ces questions. Mais, toujours est – il qu’il se serait agi de beaucoup d’argent, le plus gros transfert de l’année, en sus d’alléchantes promesses de nominations à de juteux postes  dans le gouvernement, à l’assemblée nationale, à la présidence et dans les sociétés d’état. De quoi à séduire, effectivement. Et nos sources de conclure que c’est après deux jours passés à Kinshasa que Sani Yalo se serait envolé pour la Terenga où il aurait séjourné jusqu’à son retour tout dernièrement à Bangui.

Invraisemblable situation, donc, de la classe politique centrafricaine que l’on assimile à présent à du cheptel lorsqu’il s’agit de parler de transfuges, ces personnes singulières qui abandonnent leur parti pour rallier le parti adverse, trahissant au passage leur cause, leur mission, leurs idées, leurs principes, et leurs valeurs. Ayant pris son envol dans la 6ème législature, le phénomène de la transhumance qui a fini par faire disparaitre l’UNDP de l’échiquier politique national, une année plus tard, pose de fait la problématique de la vitalité même de notre démocratie. Elle l’affaiblit si elle n’entreprend carrément de la tuer dans le moyen terme. Dans ces conditions-là à quoi bon faire de la politique ? Et pourtant,  Henry BERGSON, parlant de cette démocratie qu’on veut abattre, a prévenu dans « Les deux sources de la morale et de la religion » que «  la démocratie attribue à l’homme des lois inviolables. Ces droits, pour rester inviolés, exigent de tous une fidélité inaltérable au devoir. Elle prend donc pour matière un homme respectueux des autres comme de lui-même, s’insérant dans des obligations qu’il tient pour absolues, coïncidant si bien avec cet absolu qu’on ne peut plus dire si c’est le devoir qui confère le droit ou le droit qui impose le devoir… »

Malheureusement pour le pouvoir et ses adeptes, « aller à la soupe par tous les moyens possibles et imaginables est donc devenu un programme politique, une idéologie. Cette mutation qui crève les yeux depuis 2016 a fini par installer le dégoût de la chose politique dans le peuple au point qu’une autre « bête » appelée « Société Civile », telle l’hydre renaissant de ses cendres, est sur les bases d’un positionnement de substitution. De reniements en trahisons, ces pyromanes de la politique, toute honte bue, plastronnent une fois leur objectif atteint et deviennent les fous zélés du roi. Ils soutiennent que la politique c’est l’intérêt personnel d’abord, celui des siens ensuite et s’il en reste quelque chose après, l’intérêt du peuple. Ceux qui tiennent ce genre d’axiomes fétides, des saltimbanques qui ne représentent qu’eux-mêmes phagocytent tous les partis politiques dont ils sont devenus le typha des rivières et fleuves ».

Voilà pourquoi il faut mettre fin à cette mascarade politique, la dénoncer vigoureusement, exiger l’application ad litteram de la loi sur les partis politiques,  aller vers l’assainissement du secteur, en extirper tous ceux-là qui à l’image des vautours dont parle Kourouma dans les « Soleils des Indépendances », doivent être abattus. On doit fermer le Mercato d’été ouvert depuis la rentrée parlementaire de mars 2021 et proposer la tenue d’un forum organisé par l’Etat avec les soutiens des partenaires pour l’éradication de cette peste.

Jean – Paul Naïba

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