Centrafrique : M. Ziguélé, où est la place du peuple dans ce deal de partage de pouvoir et du retour des bourreaux aux affaires ?

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Centrafrique : pourquoi l’Accord de Khartoum est réellement différent [Tribune]

Par Martin Ziguélé – officiel, ancien Premier ministre de Centrafrique | 23/04/2019, 10:10 | 889 mots

Les Centrafricains, dans leur grande majorité, veulent bien croire que cette fois-ci c’est la bonne. Cependant, ils se demandent en quoi cet Accord serait-il différent des précédents, et surtout pour quelles raisons objectives réussirait-il à apporter la paix là où d’autres accords sont restés sans lendemain ?
Après la très difficile période de transition qui a duré de mars 2015 à mars 2016, et surtout avec les élections générales de décembre 2015 et février 2016 qui ont consacré le retour à une vie constitutionnelle normale avec un nouveau président de la République élue, une Assemblée nationale également élue, et la mise en place de nouvelles institutions prévues par la Constitution de mars 2016, les Centrafricains ont tous pensé que la voie était désormais pavée pour une paix définitive dans le pays, avec la rentrée des groupes armés dans un processus DDRR.

La réalité sera différente, car pour les groupes armés la période électorale n’était qu’une parenthèse. Les violences ont repris contre les populations civiles dans une grande partie du pays et même à Bangui, entraînant l’occupation d’une grande partie du pays par les groupes armés et un recul significatif de la présence de l’Etat sur le territoire national.

Devant cette situation, à la demande des autorités centrafricaines, l’Union africaine et la CEEAC ont mis en place en juillet 2017 à Libreville une «feuille de route» pour baliser des négociations entre le Gouvernement centrafricain et les groupes armés afin de parvenir à un accord global de paix. Un panel de facilitateurs a été formé sous l’égide de l’Union africaine et s’est déployé dans plusieurs régions du pays pour recueillir les revendications des groupes armés et les structurer dans une sorte de «cahier de doléances» remis au gouvernement centrafricain qui, à son tour, a formulé ses réponses. C’est ce processus itératif qui aboutira à la Réunion de Khartoum, convoquée du 24 janvier au 6 février 2019. Il aboutira, après moult difficultés et rebondissements autour de la question de l’amnistie des membres des groupes armés et du partage du pouvoir à cet «Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine» signé finalement à Bangui le 6 février 2019, après son paraphe la veille à Khartoum.

Un accord, en attendant la paix
Les Centrafricains, dans leur grande majorité, veulent bien croire que cette fois-ci c’est la bonne. Cependant, ils se demandent en quoi cet Accord, huitième du genre dans le chapelet d’accords qui ont jalonné la tumultueuse histoire des crises dans notre pays, serait-il différent des précédents, et surtout pour quelles raisons objectives réussirait-il à apporter la paix là où d’autres accords sont restés sans lendemain ?

Ayant fait partie de la délégation parlementaire centrafricaine à Khartoum comme observateur et témoin, je réponds doublement que cet Accord de paix est effectivement différent des précédents, et a priori, il a plus de chances de réussite que les précédents pour les raisons suivantes :

Premièrement, la préparation du Dialogue final entre le gouvernement et les groupes armés à Khartoum a été longue, itérative et minutieuse : de juillet 2017 à janvier 2019, il aura fallu près de dix-neuf mois pour recenser de manière exhaustive, in situ, les revendications des uns et les réponses des autres, faire la synthèse des points saillants à discuter, conceptualiser les mécanismes de suivi et d’application possibles, et s’assurer de l’implication de tous les partenaires dans les dispositifs de suivi et d’application de cet Accord.

Deuxièmement, la facilitation du Dialogue final fut menée par des représentants de premier plan de l’Union africaine et des Nations unies, avec le concours effectif et sur place et des responsables diplomatiques et politiques des pays voisins et des organisations sous-régionales (CEEAC, CEMAC, CIRGL), ainsi que des partenaires internationaux bilatéraux et multinationaux. L’implication politique de tant de facilitateurs, garants et témoins, en qualité et en représentativité, est une première dans notre pays.

Lire aussi : La République centrafricaine : enjeux politiques et stratégiques [Tribune] (https://afrique.latribune.fr/…/la-republique-centrafricaine…)

Troisièmement, ces facilitateurs, garants et témoins dans la conduite des négociations, sont tous également partie intégrante du Mécanisme de suivi de l’application de cet Accord qui est co-présidé par le gouvernement centrafricain et l’Union africaine ; cela répond au souci de la garantie de l’effectivité de l’application des conclusions de l’Accord. Quatrièmement, l’Accord dispose d’une annexe qui comporte un chronogramme précis de l’application des différents engagements convenus par les parties. Cinquièmement, des dispositions précises, pénales et militaires, sont prévues en cas de non respect des dispositions de l’Accord ou de nouvelles violences. Enfin, «last but not least», l’Accord a été signé par les premiers responsables des quatorze groupes armés qui écument le pays.

Evidemment, quelle que soit la qualité d’un Accord et les dispositifs mis en place pour l’appliquer, rien ne saurait remplacer la volonté effective de parties d’aller à la paix.

Cependant au regard de nombreuses potentialités dont regorge ce pays qui est un véritable don de Dieu, il est certain que la paix apportera des dividendes à tous ses enfants et voisins, proches et lointains, ainsi qu’à tous les investisseurs locaux et étrangers. Nous devons mener cette bataille pour l’application de l’Accord qui est en fait la lutte finale pour la paix, car comme disait Chateaubriand, «il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer».

[https://afrique.latribune.fr/…/centrafrique-pourquoi-l-acco…]

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