Centrafrique : M. Touadéra ne doit pas violer impunément la constitution et mépriser continuellement le peuple centrafricain

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« Ma méthode est la bonne qui soit ». C’étaient les mots de la première chanson d’un cantique politique dont l’auteur – compositeur était bel et bien le président Touadéra, peu après sa prise de fonctions et sa très fastueuse, gigantesque et dispendieuse cérémonie de prestations de serment, au stade 20.000 places, le 30 mars 2016.

Celui qui s’était présenté comme le candidat des pauvres et l’homme de la rupture l’entonnait régulièrement dans ses discours tant officiels que privés, ses sorties médiatiques et dans ses envolées lyriques, démagogiques et populistes, pour tenter de justifier le bien – fondé de sa fameuse politique de main tendue aux groupes armés, aux seigneurs de guerre et à tous les assassins du peuple centrafricain, d’une part, et de prouver sa totale détermination, d’autre part, à assurer la défense de l’intégrité du territoire national, la protection des biens et des personnes et la préservation des intérêts fondamentaux de l’Etat.

Mais, alors qu’il s’attendait tout naturellement à ce que son peuple et ses électeurs pussent joindre leurs voix à l’unisson à cette mélodie dans un silence religieux, grande a été sa surprise de se rendre compte qu’il était fort curieusement seul à s’égosiller ainsi sur l’estrade de la chorale  de la cathédrale. S’était – il aperçu  qu’il n’avait pas le soutien du peuple dans cette entreprise dans laquelle il s’était engagé corps et âme, sur fond de malice, de tromperie, de transactions financières, d’affairismes, de collaboration et de complicité avérée avec des ennemis de la République et des personnes dont les mains étaient, on ne peut plus, couvertes du sang des centrafricains ? Personne ne pourra répondre favorablement à cette question, si ce n’est lui – même.

Toujours est – il qu’après avoir été obligé de constater par lui – même que cette méthode n’était pas la bonne, que les groupes armés qui avaient cessé toutes les hostilités pendant la campagne électorale,  comme s’ils attendaient quelque chose du nouveau prince de la République et faute de n’avoir rien obtenu quelques mois plus tard de substantiel qui soit, les avaient finalement reprises de fort belle manière et que la vie quotidienne des centrafricains n’était désormais rythmée tant à Bangui qu’à l’intérieur du pays, que par des actes de graves atteintes aux droits humains, de tueries, d’assassinats, d’incendies de biens publics et privés, de destructions et de pillages systématiques des églises et des mosquées, d’exécutions sommaires des prêtres et imams, et de déplacements de milliers de personnes, le mathématicien de Boy – Rabé s’était vu dans l’obligation de demander à ses pairs de la sous – région et de la Ceeac d’organiser un dialogue politique entre lui et les groupes armés.

A toutes les forces vives de la nation qui lui réclamaient, au nom du peuple centrafricain, un dialogue plutôt inclusif qu’exclusif, tel qu’il le voulait, il avait vite fait de composer une deuxième chanson : « Jamais je ne trahirai mon peuple ». Fort malheureusement, comme le  craignaient  déjà à juste raison la plupart des centrafricains,  la rencontre de Khartoum et celle d’Addis – Abéba qui scellera la fin des négociations entre le gouvernement centrafricain et les groupes armés, aura été devant l’histoire, la nation tout entière et le peuple centrafricain,  la  rencontre de la plus haute trahison, celle de la capitulation, celle de la reconnaissance de la suprématie militaire des groupes armés et des mercenaires à leur solde, et celle de la liquidation de la République centrafricaine. Et pour cause.

Ayant passé plus de deux années à dilapider les maigres de ressources de l’Etat dans des dépenses de prestige qui ont pour noms fonds spéciaux, frais de missions à l’extérieur, actions gouvernementales, achats de véhicules de luxe, ayant été incapable de travailler politiquement et diplomatiquement à répondre  à la restructuration des forces armées centrafricaines et à leur redéploiement sur le terrain et aux conditions auxquelles était assujettie la levée de l’embargo sur les armes en destination de la République centrafricaine, considérant que pendant qu’il passait le plus   de temps de sa gouvernance à boire, danser, manger, jouir de la vie et à  voyager, les groupes armés et les mercenaires à leur solde, quant à eux, avaient mis à profit  sa fameuse politique de main tendue pour recruter, s’armer puissamment et occuper plus de 85% du territoire national, et soucieux de sauver son pouvoir qui chancelait, Touadéra ne pouvait que renier son engagement de «  jamais ne trahirai mon peuple » et décider de livrer son peuple à ses bourreaux, plongeant « de facto » et « de jure » son honneur et sa dignité dans la boue puante du déshonneur, de l’indignité et de la servitude.

C’est au nom de cette politique d’asservissement qu’il a nommé  ces nouveaux maîtres de la République centrafricaine à des hautes fonctions politiques, civiles et militaires dans le gouvernement, à la présidence de la République, à la primature et dans toutes les entités périphériques. Et c’est pour faire avaler cette pilule amère au peuple centrafricain qu’il a décidé de recourir non seulement à la terreur, sûr des soutiens multiples et multiformes de ses amis russes du Groupe Wagner, de l’UA, de l’Onu, de l’UE, de la France et des Etats – Unis, mais surtout  au déni systémique et systématique de toute contestation pacifique, citoyenne, régalienne et constitutionnelle à sa campagne d’appropriation de l’Accord de Khartoum.

L’arrestation du porte – parole du GTSC qui avait appelé à une mobilisation générale contre la pénurie d’eau potable dans la ville et la nomination de ces  mercenaires à des hautes fonctions de l’Etat, en flagrante violation des dispositions de l’article 28 de la constitution, était l’un des éléments de preuves irréfragables du raidissement du pouvoir et du glissement de ce régime vers la dictature. Même si le président Touadéra qui avait ordonné au procureur général près la cour d’appel de Bangui son interpellation, était obligé, sous de fortes pressions populaires, de procéder nuitamment, vers 21 heures, trois jours plus tard, à la libération de Paul Crescent Béninga, il n’en demeure moins cependant qu’il faudrait beaucoup de courage, d’organisation et de détermination à toutes les forces vives de la nation pour l’en empêcher. Car de l’avis de certains observateurs avertis de la vie politique centrafricaine, de certains leaders d’opinions et de certains professionnels des médias, la propension de l’homme à des velléités autocratiques, au pouvoir de la pensée unique et à la suppression des libertés fondamentales remonte déjà à la publication de ses premiers décrets et de la composition du gouvernement Sarandji1.

En effet, les nominations des déchets intellectuels, des bras cassés et des hors – statuts dans le gouvernement, à la présidence de la République, à la primature et dans les entités périphériques, les débauchages des cadres et des députés de l’UNDP, du RPR, du Patrie, et de la CRPS, à grands coups d’argent et sans l’avis préalable de leur parti politique,  les manœuvres politico – politiciennes ayant conduit à la destitution de l’ancien président de l’assemblée nationale  et la mise en place d’un bureau entièrement acquis à sa cause, la nomination de ses parents, amis et connaissances aux postes de sous – préfets en lieu et place des administrateurs civils, la gestion exclusive du quota d’intégration dans la fonction publique par son neveu Arthur Bertrand Piri, le refus d’accorder des autorisations de manifestations à des entités qui contestent sa méthode et sa gestion des affaires de la cité, l’acharnement par des menaces permanentes et des actes de suspension illégale de salaires contre les fonctionnaires et agents de l’agents qui dénoncent sa mal – gouvernance politique, administrative et financière,  la manipulation des institutions républicaines, à savoir la justice, la cour constitutionnelle, et le haut conseil de la communication, l’instrumentalisation des médias d’état à des buts politiques et propagandistes, le bradage d’importants sites miniers à de véreux opérateurs économiques russes et chinois contre de fortes  rétro – commissions, et le piratage et la censure dont le journal en ligne www.lavoixdessansoix.com a été victime en date du 11 octobre 2018, après la traque policière lancée contre son directeur de publication, Jean – Paul Naïba,  sur ses propres instructions données au directeur de l’OCRB, le 1er octobre 2018, étaient les signes annonciateurs d’une sibylline dictature, adoubée d’un total mépris vis – à – vis du peuple centrafricain, comme vient de l’affirmer, « urbi ac orbi », le président du PDCA Jean – Serge Wafio, dans son dernier communiqué de presse.

Mais hélas ! personne ne s’en était vivement inquiété jusqu’à ce que l’on puisse en arriver à l’affaire GTSC. Et pourtant, nous étions là face à la flagrante violation des dispositions de la loi de finances 2006, de la loi portant statut général de la fonction publique, et des articles 1, 15, 23, 27, 28, 38 et 60 de la constitution. Des actes de transgressions des ordonnances légales qui nécessitaient sa mise en accusation immédiate par la haute cour de justice, si toutes les forces vives de la nation avaient parlé d’une seule et unique voix. Faute de réaction, le silence de cimetière qui s’en était suivi, était immédiatement  interprété par Touadéra comme un appel de pied, un acte de résignation et un signe de faiblesse et de couardise dont le peuple centrafricain a toujours fait montre à l’endroit de ses dirigeants.

Si l’arrestation arbitraire, injuste et manifestement illégale de l’activiste des droits de l’homme Paul Crescent Béninga a fait éclater soudainement au grand jour le visage autocratique du pouvoir de Bangui, et a provoqué un grand choc au sein de la population centrafricaine, il faudrait toutefois  pour y mettre terme, avant qu’il ne soit trop tard, un véritable éveil de conscience nationale dans toutes les différentes  couches de la société : politique, économique et sociale.

Ce qui signifie tout simplement que, comme dans les années 90 où des retraités, des fonctionnaires et agents de l’Etat, des partis politiques, des syndicalistes, des organisations de la jeunesse et des femmes, des associations des élèves et étudiants, des désœuvrés, et des commerçants s’étaient levés, au prix du sang et de grands sacrifices, comme un seul homme pour s’opposer à la dictature du général d’armée André Kolingba, au tribalisme, à la corruption, à l’exclusion et à la mauvaise gestion qui caractérisaient son régime et son règne et précipiter leur pays dans le pluralisme démocratique, tous les combattants de la liberté doivent « hic et nunc »  s’organiser, à l’exemple  » illo tempore » de Me Nicolas Tiangaye, de feu Nestor Ballet, de feu Docteur Conjugo, de feue Ruth Rolland, de feu Pr Djiambaye, pour arracher la République centrafricaine du joug et de la servitude des groupes armés et des mercenaires et faire comprendre au président Touadéra qu’il n’a pas le droit de violer impunément la constitution et de mépriser continuellement le peuple centrafricain, seul détenteur du pouvoir souverain.

Jean – Paul Naïba

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