Centrafrique : M. Ndoba, quid du marché de gré à gré d’un montant de 100 millions de Fcfa attribué à l’entreprise « Ben Gracia » par le CF sortant du ministère de la santé ?

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Il y a aujourd’hui quelques mois, l’ancien délégué du contrôleur financier au ministère de la santé publique a attribué un marché d’un montant de 100 millions de Fcfa à l’entreprise dénommée « Ben Gracia ».

Ayant encore en sa possession le code d’accès au système Gesco, celui – ci n’a pas eu trop de peine à faire passer ce dossier, à l’insu du titulaire du poste, par la formule du contrat de gré à gré, et ce, en flagrante violation des dispositions de l’article 2 de la loi n°08.017 du 6 juin 2008 portant code de marchés publics et délégations de service public en République centrafricaine. S’étant rendu compte de cette pratique de passe – droit, le nouveau délégué du contrôleur financier a non seulement demandé sans suite des comptes à son prédécesseur, mais surtout a tenu à en aviser son supérieur hiérarchique le plus immédiat, à savoir le directeur du contrôle financier.

Mais, après recoupements et investigations dont les résultats ont confirmé les faits relatés, au lieu d’auditionner le mis en cause, d’en dresser un procès – verbal en bonne et due forme, d’en tenir renseigné le ministre des finances et du budget, d’une part, et l’inspecteur général des finances, d’autre part, et de transmettre in fine le dossier à la direction des ressources humaines en vue d’initier la procédure disciplinaire en la matière, conformément aux dispositions de la loi n°09.014 du 10 août 2009 portant statut général de la fonction publique, ce dernier a préféré opter pour une solution de conciliation entre ses deux collaborateurs et un classement sans suite du dossier.

Loin de vouloir nous substituer au ministre des finances et du budget ou à l’inspecteur général des finances pour nous accaparer du traitement technique de ce dossier en vue de trouver la suite adéquate à y réserver, nous ne pouvons pas nous voiler le visage pour ne pas reconnaître que nous sommes là une fois de plus devant un cas de scandale financier, de malversations financières, de faux et usage de faux, et de corruption, à savoir l’attribution d’un marché public par la formule de gré à gré par un fonctionnaire de l’Etat dans l’exercice de ses fonctions autre que celui qui a la qualité pour agir, en méconnaissance totale des dispositions des lois portant code des marchés publics et statut général de la fonction publique.

Cette pratique, c’est – à – dire l’attribution des marchés de gré à gré ou  par entente directe  est une démarche qui est  souvent source de corruption. Même si les bailleurs de fonds et le secteur privé ont toujours mis en garde l’Etat sur sa propension à passer à l’entente directe, ces  procédures de passation de marchés dans lesquels l’administration discute et traite le marché directement avec un fournisseur ou un entrepreneur, ont pris des proportions inquiétantes dans notre pays, ces dernières années, et leur impact négatif sur notre économie, le climat des affaires, la bonne gouvernance et la transparence n’est plus à démontrer.

Et pourtant, l’Autorité de régulation des marchés publics a été créée en 2008, au même moment que la Direction générale des marchés publics « DGMP », à la demande insistante des partenaires économiques et financiers internationaux au premier rang desquels la BAD, pour assurer la régulation du système de passation des marchés  et des conventions de délégation de service public. Cette mission de régulation a pour objet  d’émettre des avis, propositions ou recommandations  dans le cadre de la définition des politiques et de l’assistance à l’élaboration de la réglementation en matière de marchés publics, d’exécuter des enquêtes, de mettre en œuvre des procédures d’audits indépendants, de sanctionner les irrégularités constatées. Que fait – elle exactement pour que l’on puisse continuer d’entendre parler de contrats de gré à gré à tout bout de champ et à longueur de journée ? Où se trouvent ses différents rapports d’activités ? Pourquoi n’ont – ils jamais été publiés ? Personne ne peut et ne pourra répondre à ces pertinentes questions.

Toutefois il est indéniable que la prolifération des marchés de gré à gré a atteint un niveau inégalé. En l’absence des rapports d’activités de l’ARMP, ce que l’opinion dit le plus souvent de ces honteuses pratiques dont sont régulièrement et annuellement bénéficiaires certains fournisseurs de l’Etat, depuis 2016 à ce jour, ne peut que donner le ton sur les nombreuses dérives du régime, notamment les  libertés prises par les autorités contractantes avec le code des marchés publics, les pratiques collusives et anti-concurrentielles, l’usage abusif et systématique des demandes de renseignement de prix (DRP) pour contourner les règles de mise en concurrence, augmentation exponentielle des pratiques corruptrices, détournement des deniers publics à des fins d’enrichissement personnel, etc… la liste est loin d’être exhaustive.

Avec l’arrivée aux affaires de Henri Marie Dondra, l’année 2016 marque une accélération et une amplification du phénomène. Prévu pour être une exception, un régime dérogatoire au principe  de l’appel d’offres ouvert, le recours au marché de gré à gré est désormais devenu la norme. Rien que pour le 1er trimestre 2016, les marchés de gré à gré représentent plus de 60% du volume des marchés passés, faisant désormais de l’entente directe le mode privilégié de passation des marchés publics. Une situation extrêmement inquiétante pour les finances publiques et en total déphasage avec les principes fondamentaux qui régissent la commande publique : liberté d’accès, égalité de traitement des candidats et transparence des procédures.

Depuis lors, l’on a l’impression que le code des marchés publics a été modifié et que le terme de gré à gré qui continue de se pratiquer, a été remplacé par l’appellation entente directe qui est une modalité de passation de marchés au même titre que les autres. C’est ce que nous révèle un expert en passation des marchés publics en service à la DGMP qui a requis l’anonymat :

«  Sauf  que l’entente directe est bien réglementée dans le code, cependant on voit qu’il y a beaucoup de marchés qui sont passés sous cette modalité. L’idée c’est de voir s’ils ont respecté les conditions requises pour pouvoir passer un marché par entente directe. Le fait d’avoir passé un marché par entente directe n’est pas illégale, mais il faut que les conditions posées par la loi soient  réunies pour pouvoir passer ce marché selon cette modalité. C’est là où il y a le problème. Dans certains marchés, le critère d’urgence est mis en avant, alors que l’urgence ne devrait pas provenir du laxisme de l’autorité contractante qui a passé le marché. A partir du moment où ça devient un laxisme de l’autorité, c’est elle l’autorité qui a fait de sorte que la passation de marché est arrivé à un délai très restreint pour dire qu’il y a urgence,  ce qui est contraire au code. Selon le code, l’urgence ne devrait pas provenir de l’autorité contractante. La réglementation exige un certain nombre de conditions pour encadrer ce marché. L’idée, c’est de voir si ces conditions d’encadrement sont respectées par les autorités contractantes ou pas. Si c’est également des marchés qui sont souvent passés par d’autres autorités contractantes. Selon les critères de la Cemac, le taux de passation de marchés par entente  directe ne devrait pas dépasser les 20%. Malheureusement,  il y a beaucoup de conditions et de critères fixés par le code qui ne sont pas respectés par les autorités contractantes dans la procédure de passation de marché par entente directe ».

M. Ndoba, fort de tout ce qui précède, l’affaire « Ben Gracia » et beaucoup d’autres qui ont caractérisé la gestion et la gouvernance d’un certain Henri Marie Dondra, en tant que ministre des finances et du budget, doivent vous interpeller singulièrement. Car, sans appel d’offres, on ne connaîtra pas les grands fournisseurs, ni les  différentes qualités offertes dans ce domaine, ni les prix pratiqués. Cette procédure fournit des informations pouvant permettre de faire le bon choix et de contenir les risques de corruption, de travaux inachevés et de paiements des factures sans réalisation effective de l’objet des contrats. En cela, elle se différencie du gré à gré qui fait  souvent l’objet de copinages   politiques si ce ne sont tout simplement des étrangers   qui viennent tordre le bras à l’Etat. Ce qui nous retombe sur la tête puisque ce sont généralement beaucoup de pertes qui auraient pu être rationalisées. L’attribution des marchés de gré à gré est d’ailleurs, pour ces nouveaux acteurs de la politique, une façon de s’enrichir. On a même facilité cette pratique de gré à gré, en l’institutionnalisant et en n’octroyant désormais tous les marchés publics qu’à une fratrie de cinq ou six fournisseurs de l’Etat, sympathisants ou militants engagés du MCU, et parents des plus hautes autorités.

La rédaction

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