Centrafrique : M. le général d’opérette Bétibangui, vous êtes passible de la cour martiale !

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Il est question dans cet article de l’armée nationale, plus particulièrement de la sortie médiatique du général d’opérette Bétibangui, le mardi 6 juin 2023. C’est un fait suffisamment habituel pour mériter une réflexion. Tout est parti de la déclaration faite à la nation, le 2 juin 2023, par l’ancien chef d’état de transition Ferdinand Alexandre Nguendet. Dans cette déclaration, ce dernier a informé l’opinion nationale et internationale qu’il a décidé, après mures réflexions et une consultation avec des « hauts gradés de l’armée », de répondre favorablement aux maints appels du Collectif des Officiers Libres des Forces Armées Centrafricaines qui lui demandait par la voix de leur porte – parole, de prendre la tête de leur mouvement de libération nationale. Après avoir sommé l’Imposteur de Bangui de démissionner de ses fonctions, au plus tard le 1er juillet 2023, il a lancé à son tour un vibrant et patriotique à toutes les forces vives de la nation et à tous les groupes pour un rassemblement autour du COFAC.

Comme il fallait tout naturellement s’y attendre, la réaction de la Grande Muette ne s’est pas fait attendre. Quatre jours plus tard, le général d’opérette Bétibangui qui s’est fort étonnement substitué au lieutenant – colonel Augustin Ndango – Pako et qui a usurpé à ce dernier ses attributions de porte – parte de l’Etat – major, chargé de l’Information et des Relations Publiques de l’armée,  a lu sur les ondes de la télévision nationale un communiqué dans lequel il a été fait mention de ce que «  l’armée reste et demeure loyale et apolitique », que « ce discours irresponsable constitue pour les forces de défense et de sécurité une atteinte à la démocratie, une incitation à la rébellion, un recours à la violence et un non-respect des droits humains en République centrafricaine », que « les forces de défense et de sécurité tiennent à lui rappeler que les galons dans les armées sont des récompenses régies par des textes portant statut général du militaire » et que « sa déclaration du 1er juin 2023, selon la notion de la défense nationale, est une menace majeure contre l’Etat centrafricain, son intégrité territoriale ainsi que la forme actuelle des institutions », a renchéri le communiqué. Et le général d’opérette Arcadius Bétibangui de conclure que « les dispositions qui s’imposent et se réservent le droit de poursuivre M. Nguendet devant la justice ».

Cette déclaration n’étonne aujourd’hui personne. L’ancien chef d’état Ferdinand Alexandre Nguendet, ses conseillers, et son état – major, avant sa sortie médiatique et son vibrant et patriotique appel à toutes les forces vives de la nation et aux forces de défense et de sécurité intérieure, s’y attendaient, et s’y étaient même préparés. Mieux, elle est révélatrice de l’image que le peuple centrafricain dans toute son entièreté, de l’est à l’ouest du sud au nord, dans nos préfectures, nos sous – préfectures, nos communes et nos villages, s’est fait depuis le coup d’état du 23 mars 2013 de cette armée. Cette armée n’est pas une armée républicaine, patriotique et professionnelle dont la loyauté aux élus civils n’a jamais été mise en doute ; c’est une armée qui est indifférente à la marche de la nation et qui a démissionné de son rôle fondamental, c’est – à – dire celui de  jouer un rôle décisif à des moments critiques de l’histoire de notre pays et du peuple centrafricain, d’assurer la protection des biens et des personnes, de défendre l’intégrité du territoire et de faire préserver les intérêts fondamentaux de l’Etat, comme toutes les armées du monde.

Comme nous le savons tous, c’est une armée de peureux, de fuyards, de braqueurs, de petits opérateurs économiques, de gestionnaires de taxis – motos, de délinquants à col blanc, de violeurs, de sodomiseurs, de voleurs, d’égorgeurs, de tueurs à gages, de criminels, d’irresponsables, d’indisciplinés, de politisés, de faussaires et de déserteurs en temps de paix et en temps de guerre. Et justement, c’est parce que cette armée est constituée de ces soldats de la course effrénée aux gains faciles qui tirent profits du système incarné par l’Imposteur de Bangui qui ont pour noms mal – gouvernance, corruption, clientélisme, gabegie, analphabétisme, escroquerie, détournements, spoliations des biens publics et privés, qu’elle ne peut pas assumer ses devoirs régaliens, car le faire reviendrait inévitablement à scier la branche d’arbre sur laquelle tous sont assis et à perdre leurs privilèges et leur mainmise totale sur l’état, l’administration, les ressources économiques, et les mines.

Et pourtant, créée par le colonel Jean – Bedel Bokassa, au lendemain de l’accession de la République centrafricaine à l’indépendance, le 13 août 1960, l’armée centrafricaine a fait parler d’elle dans la nuit de la Saint – Sylvestre. En effet, selon RFI, il a été rapporté ce qui suit : « 1er janvier 1966. Bangui émerge à peine de la soirée de réveillon. Une voix s’échappe de postes de radio grésillant. « Centrafricains, Centrafricaines, depuis ce matin à 3h20, votre armée a pris le pouvoir de l’Etat. » Cette voix, c’est celle de Jean-Bedel Bokassa, le chef d’état-major de l’armée centrafricaine. Devenu le nouvel homme fort de Bangui. « Le gouvernement Dacko est démissionnaire. L’heure de la justice a sonné. La bourgeoisie de la classe privilégiée est abolie. Une ère nouvelle d’égalité entre tous est instaurée. Tous les accords avec les pays étrangers seront respectés. »

Pourquoi Bokassa s’est-il emparé du pouvoir en cette nuit de la Saint-Sylvestre ? Le colonel a donné très vite sa version des faits. « Etant donné la cherté de vie, déclare-t-il au micro d’un journaliste, étant donné la faible situation financière du budget centrafricain, les peuples (sic) à l’unanimité ont manifesté leur mécontentement. Et le chef d’état-major, le colonel Jean-Bedel Bokassa, a été sollicité par plusieurs centaines de milliers de ces peuples afin de prendre la direction des affaires du pays. » Cette version d’un renversement du pouvoir voulu par le peuple, face à un Etat corrompu, n’est qu’une mise en scène politique. Elle comporte pourtant une part de vérité. Le pouvoir centrafricain a été conduit à sa propre implosion. A une interview qui lui a été accordée par l’ORTF, le colonel Jean – Bedel Bokassa a dit ce qui ce suit : « J’ai fait le coup d’Etat pour faire respecter la justice en République centrafricaine ». En conclusions, inflation galopante, budget déficitaire, mécontentement populaire, injustice, crise diplomatique suite à des privilèges économiques accordés à la Chine, et tensions politiques étaient les raisons évoquées par le colonel Alexandre Banza pour justifier le coup d’état de la Saint – Sylvestre.

Quinze années plus tard, André Dieudonné Kolingba, commandant en chef des forces armées centrafricaines, orchestre un autre coup d’État non-violent et renverse le gouvernement civil du président David Dacko. Le 2 septembre 1981, Kolingba se désigne lui-même président de la République centrafricaine. Après que le peuple eut donné son appui à une constitution de type française qui établit un régime semi-présidentiel, le président David Dacko fut reconduit dans ses fonctions avec 50,2 % des voix. Des démonstrations de violence éclatèrent après cette élection qui, selon l’opposition, a été entachée d’irrégularités. La situation se détériora progressivement avec des grèves et d’autres violences sur fond de crise économique. Dacko déclara l’état d’urgence. Les circonstances du coup d’État non-violent qui s’en suivi, furent quelque peu confuses. Le coup du général André Kolingba sembla être organisé avec l’approbation de David Dacko qui est atteint d’une maladie. Au lendemain du coup, Kolingba se désigna président de la République centrafricaine et nomma le Military Committee of National Recovery (Comité Militaire de Redressement National ), un cabinet exclusivement militaire, pour diriger le pays. Kolingba suspendit aussi la constitution et rendit tous les partis politiques illégaux. Le président Kolingba, qui était chargé d’administrer l’état d’urgence sous le règne de Dacko, promit de revenir à un gouvernement civil dès que l’ordre sera rétabli dans le pays. Ce coup d’État apaisa les tensions politiques. Il se déroula sans l’implication des troupes françaises stationnées dans notre pays. Donnant suite à sa promesse de démocratiser le régime, Kolingba dissoudra le CMRN en septembre 1985, introduira le multipartisme en juillet 1991 et organisera plus tard en 1993 des élections démocratiques, transparentes, inclusives, justes, libres, sincères, crédibles et incontestables avec l’éclatante victoire de Ange Félix Patassé du MLPC.

Que ce soit en 1965 ou en 1981, c’est en réponse à des tensions politiques, des contestations des résultats des élections, l’injustice, la corruption, des inflations galopantes, au culte de personnalité, à l’autoritarisme, à  l’ethnicisme, au favoritisme, au désordre, à l’anarchie, à  l’instabilité politique, et à l’exclusion que Jean – Bedel Bokassa, Alexandre Banza, André Kolingba et les membres du CMRN avaient décidé de prendre le pouvoir. Pour tous les observateurs avertis de la vie politique centrafricaine, ce sont ces mêmes raisons qui ont été évoquées par le général d’armée François Bozizé Yangouvonda pour mettre un terme au régime démocratiquement élu du président feu Ange Félix Patassé, le 13 mars 2003. Dix années plus tard, son régime a été balayé dans le sang par la nébuleuse Séléka qui n’a pas pu rétablir la paix, la sécurité, et la justice. Pis, ce régime a semé dans les consciences et les mentalités des Centrafricaines et des Centrafricains les graines de la haine, de la discorde, de l’exclusion et du recours systématique à la force et à la violence comme mode de règlement de conflits. Non seulement, le régime du président Touadéra a hérité de ces maux, mais surtout il les a développés de manière outrancière dans tous les secteurs de la vie quotidienne.

Mieux, afin de s’octroyer une présidence à vie, Touadéra a opté pour un refus catégorique du dialogue politique inclusif avec toutes les forces vives de la nation et le déploiement des mercenaires du Groupe Wagner et rwandais, conformément à des accords bilatéraux et douteux. C’est fort de cette assurance – vie qu’il s’est fait déclarer élu, au lendemain des élections groupées et catastrophiques du 27 décembre 2020, par l’ANE par seulement 17% du corps électoral, singulièrement marquées par des actes de graves irrégularités dont l’incontestabilité a fini par leur ôter tout critère de démocratie et d’intégrité électorale, et à l’issue desquelles plus de 300.000 Centrafricaines et Centrafricains ont été délibérément exclus. Depuis lors, il a limogé la présidente de la cour constitutionnelle qui s’est farouchement opposée à sa volonté d’écrire une nouvelle constitution et à sa loi portant cryptomonnaie, et a hermétiquement verrouillé l’espace politique, institutionnel, civique et médiatique. Touadéra viole allègrement la constitution, et comme si la République centrafricaine était devenue sa propriété exclusive,  ses mercenaires du Groupe Wagner et rwandais tuent, sodomisent, pillent, incendient les villages, contraignent leurs habitants à de fréquents déplacements. Pis, tout récemment,  en flagrante violation de la constitution, il a convoqué le référendum constitutionnel, le 30 juillet 2023.

Face à ces dérives tyranniques et devant  cette situation politique, institutionnelle, économique et socio – humanitaire véritablement explosive, un certain Jean – Bedel Bokassa, un certain André Kolingba et un certain Bozizé auraient déjà pris le pouvoir pour restaurer la république, rétablir l’ordre et imposer la paix et la quiétude nationale. A l’exemple de ces sous – officiers qui l’ont fait en Guinée, au Mali et au Burkina – Faso. Mais, alors, pourquoi en République centrafricaine, nos généraux, nos officiers, nos sous – officiers, nos hommes de troupes et nos hommes de rang sont – ils toujours restés immobiles, l’arme aux pieds, face à ces faits de patrimonialisation du pouvoir,  insensibles à l’anarchie, et indifférents à la présence des mercenaires et leurs exactions les plus cruelles et les plus inhumaines, perpétrées sur les populations civiles et même sur des soldats dans l’exercice de leurs fonctions ? Pourquoi n’ont – ils pas eu le courage de dénoncer les pillages de nos ressources minières et forestières par ces mercenaires ? Pourquoi se sont – ils fort étonnement tus sur le crime odieux de la tokénisation de nos ressources naturelles et foncières, consacrée par une loi régulièrement votée par les députés et proposée par un certain Touadéra ? Comment des officiers et des sous – officiers peuvent – ils fermer les yeux sur des actes de sodomisation de leurs éléments par des mercenaires du Groupe Wagner et des faits d’abus sexuels, à l’exemple de la petite Jamila au PK16 à Soh à Bangui, et celui de cette petite fille de douze ans à Nana – Bakassa dont le député Patassé a été témoin, en 2021 ? Comment un général conscient et consciencieux de ses devoir peut – il continuer de porter fièrement sa tenue, d’arborer ses galons et d’avoir le courage de répondre à un civil qui se fonde sur les dispositions constitutionnelles pour chasser Touadéra du pouvoir ?

Un tel général est tout simplement passible de la cour martiale dont la sentence ne saurait donner lieu à aucune possibilité de recours !

Imhotep Imamiah Yamalet

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