Dans une Déclaration rendue publique, le 30 août 2022, la porte – parole de l’Ue a souligné que « l’Ue prend note de l’annonce de la possible tenue d’un référendum visant à apporter des modifications à la constitution. Tout changement apporté à la constitution relève de la souveraineté nationale. Il est toutefois essentiel qu’un tel processus respecte les mandats et l’indépendance des institutions nationales impliquées, en pleine transparence. Par ailleurs, une consultation populaire inclusive, crédible et paisible doit s’appuyer sur un respect scrupuleux pour les libertés d’expression, d’assemblée et des médias ».
Loin de nous l’idée de faire un commentaire de cette sortie médiatique, sur la décision de l’Imposteur de Bangui de modifier la constitution afin de s’octroyer une présidence à vie à la tête de la République centrafricaine, nous saisissons toutefois cette opportunité qu’elle nous offre pour reconnaître son caractère manifestement laconique, désintéressé et peu réactif ou robuste. En effet, pour avoir été complice de la crise post – électorale que vit actuellement le pays, en finançant les scrutins groupés du 27 décembre 2020 à hauteur de 15.5 millions d’Euros soit un peu plus de 10 milliards de Francs CFA. Ces élections, il faut le dire et nous ne cesserions jamais d’en parler, à l’issue desquelles le candidat Touadéra a été déclaré élu par l’ANE par seulement 17% du corps électoral et desquelles ont été délibérément exclus plus de 300.000 Centrafricains, sont marquées singulièrement par des actes de graves irrégularités dont l’incontestabilité a fini par leur ôter tout critère de légalité, de légitimité, de crédibilité, de sincérité, de transparence, d’inclusivité, et de liberté.
Tout au long du processus, la représentante de l’Ue en la personne de Mme Isopi Samuela était restée muette comme une carpe face aux manœuvres délibérées du pouvoir d’opérer un véritable hold up électoral. Elle avait par exemple observé scrupuleusement un silencieux religieux quand le premier ministre Firmin Grébada avait pris un arrêté pour mettre en place un comité stratégique d’appui au processus électoral, en lieu et place du Cadre de Concertation, institution légalement consacrée par les dispositions de la loi portant code électoral en République centrafricaine. Dans le seul but d’écarter tous les représentants de l’opposition démocratique dudit processus, elle fera montre du même comportement lorsqu’il s’était agi de désigner les membres de l’Agence nationale des élections « ANE ».
En agissant de la sorte, l’Ue à travers sa représentante a contribué financièrement et efficacement à l’élection du candidat Touadéra, à l’instauration de l’Imposture et à l’avènement de la dictature. De facto, elle a participé activement à l’assassinat de la démocratie centrafricaine et à la liquidation de la République, sacrifiant ainsi sur l’autel des intérêts inavoués les valeurs qui fondent l’Union européenne qui ont pour noms dignité, liberté, démocratie, égalité, Etat de droit, et droits de l’homme, et emportant du coup ses soutiens à un homme, un assassin, complice des mercenaires du Groupe Wagner et de leurs crimes en République centrafricaine, en usant de l’argent des contribuables européens.
Fort de tout ce qui précède, l’annonce de la modification de la constitution du 30 mars 2016 par l’Imposteur de Touadéra aurait dû être une opportunité pour elle de se racheter, de renouer honnêtement avec le peuple centrafricain et tous ceux qui luttent pour la démocratie dans ce pays. Pour ce faire, elle aurait dû être plus robuste, plus incisive et plus menaçante dans sa Déclaration du 30 août 2022. Tel n’a pas été malheureusement le cas. Ce qui est vraiment très dommage pour sa notoriété et qui annihile le combat qu’elle a mené en Centrafrique pour plus de liberté, de justice, de l’état de droit et des droits de l’homme par l’entremise de ses diplomates que fut par exemple Jean – Claude Esmieu, expulsé par le régime de Bozizé, en 2009, pour s’être farouchement opposé à des positions et actions peu conformes avec la morale internationale et aux aspirations et principes de l’Union européenne.
Ceci dit, il est encore temps pour que l’Ue, premier partenaire de la République centrafricaine, puisse mettre de l’eau dans son vin et changer radicalement de paradigme vis – à – vis du pouvoir de Bangui, en faisant assujettir dorénavant l’octroi de ses appuis financiers à ce pays à la tenue d’un dialogue inclusif avec l’opposition démocratique et les groupes armés, au classement pur et simple de l’idée de la modification de la constitution, à la cessation des manœuvres de désinformation, de manipulation de l’opinion, de propagande et d’appels à la haine et la violence dont font montre les milices à la solde du pouvoir, et au départ sans condition des mercenaires du Groupe Wagner et rwandais. L’adoption d’une telle posture non seulement contribuerait efficacement au retour de la paix dans ce pays, mais surtout serait conforme aux dispositions de la charte pour la démocratie, les élections et la gouvernance, adoptée par l’Union africaine en 2007.
Depuis lors, partout en Afrique, en général, et en Centrafrique, en particulier, les peuples revendiquent légitimement la démocratie. Non pas celle qui leur a été concédée par les pouvoirs en place parce qu’ils y ont été contraints de l’extérieur, mais celle très concrète fondée sur une auto-appropriation de leur destin collectif. Ainsi, pour accompagner ce processus, l’Union africaine a adopté depuis 2007 une Charte pour la démocratie, les élections et la gouvernance. Curieusement, ce nouvel instrument juridique ne semble pas exercer un attrait irrésistible alors que tous les dirigeants politiques africains s’en réclament ; ce qui crée partout des tensions suite à des actes de coup d’état constitutionnel et donnent lieu, en Afrique de l’Ouest, au retour des militaires au pouvoir, comme nous pouvons le constater.
Comme l’a souligné un compatriote, « en ratifiant cette charte, la RCA s’est ainsi engagée à prendre les mesures appropriées afin d’assurer le respect de l’ordre constitutionnel et, en particulier, le transfert constitutionnel du pouvoir. Elle s’est engagée également à renforcer le principe de la suprématie de la Constitution dans son organisation politique. Le chapitre VIII de la charte accorde au Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA le pouvoir d’imposer certaines sanctions en cas de changement inconstitutionnel de gouvernement. C’est l’article 23 de la charte qui définit cette notion de changement inconstitutionnel de gouvernement. Cette notion comprend notamment le coup d’Etat contre un gouvernement démocratiquement élu et l’intervention par des mouvements rebelles pour renverser un gouvernement démocratiquement élu ».
Avec un peu plus de robustesse de la part de l’Ue et celle de l’Ua, il y a fort à espérer que l’Imposteur de Bangui puisse revoir sa copie et se plier à l’observation des dispositions de cette Charte selon lesquelles « Tout amendement ou toute révision des constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte au principe de l’alternance démocratique ». La conjonction de cette dynamique aura essentiellement pour mérite de réparer tous les torts faits au peuple centrafricain, par leur caution systématique à l’organisation des élections catastrophiques du 27 décembre 2020, dénuées de toutes les caractéristiques de la notion d’intégrité électorale.
Avec certitude, cette notion alimente le débat scientifique dans le monde de la pensée politique. Aux nations unies en 2012, elle a fait l’objet d’un rapport de la Commission Mondiale sur les élections, la démocratie et la Sécurité. Dans ses acceptions les plus courantes, l’intégrité électorale correspond à « l’incorruptibilité ou une adhésion stricte à un code de valeurs morales » ; à « l’état de ce qui est sain, [et] qui n’a subi aucune altération » ; à « l’état de ce qui est complet, [et] qui a toutes ses parties ». Mais la définition la plus efficiente à mon sens est celle des auteurs du rapport précité selon qui l’intégrité électorale représente « toute élection reposant sur les principes démocratiques de suffrage universel et d’égalité politique tels qu’ils figurent dans les normes et accords internationaux, et menée de façon professionnelle, impartiale et transparente dans sa préparation et dans sa gestion, tout au long du cycle électoral ». On peut dès lors légitimement nous demander si la République centrafricaine a connu des élections intègres, le 27 décembre 2020, au sens où la rigueur et les pratiques éthiques sont appliquées tout au long du processus électoral, et pas uniquement le jour du scrutin.
Jean – Paul Naïba