CENTRAFRIQUE : L’EXPOSÉ DES MOTIFS D’UN PROJET DE LOI QUI DISSIMULE LES VELLÉITÉS DISCRIMINATOIRES DE CONFISCATION DE POUVOIR

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L’actualité politique centrafricaine est majoritairement dominée par la mise en application des accords de Khartoum, plus particulièrement la formation du nouveau gouvernement qualifié à tort d’inclusif mais précocement désavoué en cascade par les parties signataires à travers une cadence de démissions.
En conséquence, on enregistre hélas le ralentissement des activités étatiques en attendant l’arbitrage de l’Union Africaine (UA) dans la capitale éthiopienne sur la substance du désaccord. Il est ainsi apparu évident qu’une actualité politique d’envergure peut en cacher ou en étouffer une autre.
C’est dans ce climat de tension électrostatique qu’il est important d’attirer l’attention de l’opinion nationale sur les travaux en cours à l’assemblée nationale. En effet, les parlementaires centrafricains se sont réunis en session ordinaire depuis le 01 mars 2019.
L’ordre du jour de cette session est fort intéressant car nos députés vont examiner les textes visant à mettre en œuvre les accords de Khartoum, le projet de loi portant code électoral, le projet de loi portant code des collectivités territoriales et des circonscriptions administratives, le projet de loi portant code des PME-PMI et enfin le projet de loi portant « cadre juridique » du partenariat public/privé. Le projet de loi qui fait l’objet de notre analyse est celui portant code électoral qui définit les règles d’organisation des élections en Centrafrique. Le projet de loi comporte trois cent (300) articles contrairement à l’ancien qui en dénombrait deux cent quatre (204).
Ce projet qui comporte plusieurs innovations probablement intéressantes mérite d’être traité avec délicatesse et non sous forme d’injonction, d’imposition ni de passage en force car il est susceptible de générer de tensions politiques avec des conséquences incommensurables. Les innovations contenues dans ce projet sont entre autres l’intégration de la biométrie pour sécuriser les données, le bannissement du cumul de mandats électifs, le domicile ou la résidence ( a ne pas confondre) qui remplace la propriété bâtie pour les élections législatives, le rehaussement du niveau intellectuel des futurs députés, le volet qui met un terme à la traditionnelle polémique entre « centrafricains d’origine et centrafricains d’adoption », enfin l’augmentation exorbitante et injustifiée du montant de caution pour prétendre solliciter le suffrage des électeurs. La lecture synoptique du projet de loi portant code électoral laisse le citoyen lambda perplexe, dubitatif et ce dernier s’interroge :
La hiérarchie sociale et financière des candidats justifie t-elle la qualité de meilleur candidat au détriment des programmes politiques ? Cette hausse vertigineuse du montant de caution qui est en totale déphasage avec le revenu moyen garantit-elle une réélection du candidat du pouvoir ? Cette hausse qui viole le principe de l’équité et d’égalité des chances résulte t-elle d’une volonté délibérée du pouvoir d’éliminer les potentiels adversaires ? Si on place le candidat Touadera de l’époque face à cette caution, avait-il simplement cette possibilité de fournir cette caution ?
Le président des pauvres a t-il changé de camp en seulement trois ans de gouvernance ? L’introduction de la biométrie dans le processus électoral est-elle opportune dès lors que les bases de données de l’état civil sont en lambeaux ? La suppression de la discrimination entre centrafricains d’origine et centrafricains d’adoption mettra t-elle un terme à toute polémique sur le sujet ? La préférence accordée à la femme candidate en cas d’égalité entre deux (2) ou plusieurs ne viole t-elle pas les dispositions de l’alinéa 1 de l’article 6 de la constitution ?
En effet, l’alinéa 1 de l’article 6 de la constitution dispose : « tous les êtres humains sont égaux devant la loi sans distinction de race, d’origine ethnique, de région, de sexe, de religion, d’appartenance politique et de position sociale ». Cet article de la loi fondamentale confirme substantiellement la démocratisation de la compétition électorale et bannit la promotion de l’aristocratie. A l’état brut du projet de loi, certains partis politiques auront très certainement des difficultés pour payer la caution car taillée sur mesure. Ce projet fera également des mécontents dans les camps du pouvoir même s’ils ne le manifestement pas visiblement.
En outre, cette hausse drastique du montant de la caution qui est de nature à ébranler l’unité nationale repose la problématique du financement des partis politiques en Centrafrique. A défaut d’un cadre juridique de financement des partis politiques, ce projet de loi encourage aux vols, corruptions, détournements, pillages et bradages de biens publics.
Pour constituer un obstacle à ce plan machiavélique, nous invitons humblement les parlementaires investis du pouvoir de censure de s’interroger sur la normativité et la legistique de ce projet de loi portant code électoral. Les parlementaires doivent par ailleurs se démarquer du « cliché », de « caricature » ou des « idées préconçues » de chambre d’enregistrement où les lois se marchandent moyennant des billets de banque pour amender ce projet de loi rationnellement et dans l’intérêt de tous. Mais attention, ne le dites à personne. Si on vous demande, ne dites pas que c’est moi.
Paris le 15 mars 2019
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Bernard SELEMBY DOUDOU
Juriste, Administrateur des élections
Tel : 0666830062

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