CENTRAFRIQUE : LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT FAUSTIN-ARCHANGE TOUADÉRA

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 « REDEVENEZ PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET DONC PRÉSIDENT DE TOUT LE MONDE, DE TOUTES LES ETHNIES ET DES TRIBUS VIVANT EN CENTRAFRIQUE, ET NON PRÉSIDENT D’UN SEUL VILLAGE DE BIRAO » 

Par CHOUKRANE HASSAN TOULI 

Excellence Monsieur le président de la République,

            On est obligé de passer par voie de presse pour que vous soyez au courant de nos plaintes car nous ne sommes pas sûrs que passer par la présidence de la République ou le parti MCU devait prospérer.

       Aussi, je vous sais démocrate et attentif aux plaintes et lamentations de vos populations. Ne soyez donc pas insensible à la présente.

Excellence Monsieur le président de la République,

     Le comportement des gouvernants du pays en commençant par les chefs d’Etat pendant la transition depuis 2013 jusqu’à maintenant, tend à légitimer la supériorité et l’hégémonie d’une famille goula sur toutes les autres communautés centrafricaines vivant dans la préfecture de la Vakaga.

     Je voudrais dire de façon terre à terre que les trois goulas du village Gordil renommés ministres le 23 juin dernier sont mes frères mais faites attention de les utiliser contre nous autres originaires ou natifs, cadres et ressortissants de la Vakaga. Demain, ils pourraient être utilisés aussi par quelqu’un d’autre contre vous, car ils étaient tous hier avec les présidents Patassé et Bozizé.

         Nos trois frères-là doivent aussi éviter de faire croire qu’il n’y a qu’eux seuls les cadres de valeur de la Vakaga; cela est dangereux pour la cohésion sociale et le développement harmonieux de notre région longtemps abandonnée par les hommes politiques et les dirigeants du pays.

       On est loin de sortir de l’auberge. Hier, notre préfecture était abandonnée à son triste sort et rayée de la carte de la République centrafricaine: pas de route, pas de pistes rurales, absence de l’Etat (les administrations préfectorale, sous-préfectorale, judiciaire, la police, la gendarmerie, l’armée, les gardes forestiers, la douane…) étaient quasiment absentes sinon ne travaillaient que 4 à 6 mois dans l’année; les écoles, maisons des jeunes et de la culture, les aires de jeu et les formations sanitaires étaient rares et sans personnels qualifiés.

   Quand un fonctionnaire était affecté à Birao ou à Ouadda-Djallé, il ressentait cela comme une sanction abusive ou arbitraire et refusait carrément d’y aller. S’il y va, c’était pour la forme: il ne donnait pas le meilleur de lui-même et revenait vite à Bangui avec le certificat de prise de service pour garantir son salaire et faisait tout pour être réaffecté ailleurs.

Plus grave, les régimes et gouvernements successifs et hommes politiques nous considéraient comme des étrangers à cause de la religion musulmane majoritairement pratiquée par nous (mais il y a aussi les chrétiens et les animistes dans la Vakaga !), au point de nous exclure dans l’administration où nous sommes sous représentés jusqu’aujourd’hui, ce qui avait poussé certains d’entre nous à la révolte armée avec les conséquences que l’on sait.

Excellence Monsieur le président de la République,

Aujourd’hui, le pouvoir entretient encore l’exclusion entre les communautés de la Vakaga en faisant d’une famille du seul village Gordil de la commune de Ridina (sous-préfecture de Birao), l’unique représentante de la préfecture de la Vakaga. A preuve:

-le ministre d’Etat chargé de la Justice et des droits de l’homme, garde des sceaux, Dr Arnaud Djoubaye-Abazène, parent direct de l’ancien président Michel Djotodia, est du village Gordil;

-le ministre des Transports et de l’aviation civile, Herbert Gotran Djono-Ahaba, un autre parent direct de l’ancien président Djotodia, est du village Gordil ;

Guismala Amza, ministre de l’Equipement et des travaux publics, lui aussi parent direct de Djotodia et des deux précédents, est du même village Gordil. Ils ont le même arbre généalogique. Est-ce normal?

   Il faut préciser dans la préfecture de la Vakaga, il n’y a pas que Djoubaye Abazène, Djono Ahaba ou Amza et leurs parents du petit village Gordil qui sont intelligents, diplômés ou des fonctionnaires capables. Ceux-ci appartiennent à une même famille, un même village et ont un même arbre généalogique et on fait d’eux les seuls représentants de la préfecture de la Vakaga, ce qui n’est pas normal. Ils ne sont pas plus intelligents, plus capables professionnellement et plus équilibrés moralement et socialement que les autres. Vous avez vraiment fait leur enquête de moralité avant de les nommer?

     Tous sont des goulas mais il n’y a pas que les goulas qui représentent la Vakaga à tout point de vue ! N’y a-t-il pas des compétences parmi les autres communautés constituant la Vakaga telles que les youlous, les bornos, les haoussas, les roungas, les karas, etc.? Est-ce parce que les fils et filles des autres communautés de la Vakaga ne vous ont pas déclaré la guerre ou n’ont pas notoirement pris les armes contre des Centrafricains des préfectures voisines de la Vakaga (Bamingui-Bangoran et Haute-Kotto) et d’une partie de la Vakaga pour plaire au régime de Bangui qu’ils sont négligés ?

Excellence Monsieur le président de la République,

A titre indicatif, je voudrais citer ici quelques noms des cadres de valeur de la Vakaga que je connais et qui sont capables de diriger des départements ministériels voire des Institutions de la République:

Abdallah Cherif, Agronome,

Elhassan, Gestionnaire ;

– Deya Amat, magistrat de l’ordre administratif;

– Haroune Amalas, Administrateur civil;

– Chaïb Oumar, Ingénieur de génie rural, ancien chef de projet Forages et pistes rurales dans la Lobaye, ancien DG de la SODECA… C’est un homme complet qui a fait ses preuves même dans le domaine des BTP, etc.;

Arsene Sendé, Magistrat hors hiérarchie, ancien ministre, Expert consultant international; pour ne citer que ceux-ci. En tout cas, ils sont nombreux, je ne peux les citer de manière exhaustive;

Elhassan Mahamat Sallet, Gestionnaire, un des meilleurs produits de l’IUGE, cadre à l’Enerca depuis des années.

Excellence Monsieur le président de la République,

   La nomination et la reconduction des membres d’une seule famille d’un même sous-clan et d’un même village goula au gouvernement ont fait renaître le sentiment de frustration chez les autres composantes sociologiques de la Vakaga, et je me dois de le dire et le dénoncer haut et fort. Si ce sont nos frères goulas qui se prêtent à ce jeu, je les déconseille de cesser avec cela car ils ne seront jamais les seuls habitants ou chefs de terre de la Vakaga.

         Au premier dirigeant du pays que vous êtes je dis ceci: après avoir créé la frustration externe, c’est à l’intérieur des fils et filles de la Vakaga que l’on crée la division et la frustration. Cela est dangereux pour le pays et va à l’encontre de la paix et la cohésion sociale tant recherchées.

      Un régime qui crée, secrète, entretient un tel fait est condamné à sa propre perte. Nous, fils et filles de la Vakaga habitant la Vakaga, Bangui, les autres régions de la RCA et à l’étranger, qui vous avions voté massivement le 27 décembre 2020, commençons franchement à être déçus de cette pratique d’un autre âge. Nous croyions qu’en tant que grand intellectuel, vous n’alliez pas tomber bas dans les travers de la domination d’une famille ou d’un clan sur d’autres.

         Nous sommes nombreux à avoir décidé de rendre public notre désagrément en vous demandant très respectueusement, Excellence Monsieur le président de la République, et au Secrétaire exécutif du MCU l’honorable Simplice-Mathieu Sarandji, de changer de fusil d’épaule et de mettre fin à la division entre les communautés centrafricaines, principalement celles de la préfecture de la Vakaga.

Redevenez président de la République et donc président de tout le monde, de toutes les ethnies et des tribus vivant en Centrafrique, et non d’un seul village de Birao.

     C’est au nom de toutes les victimes de la nouvelle politique d’exclusion de la préfecture Vakaga que j’ai signé ce 22 août 2021,

Choukrane Hassan Touli

Source: MEDIAS+ du lundi 23 août 2021

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