Centrafrique: les pièges d’une réélection facile

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Il pensait avoir réussi un exploit, en décrochant un second mandat de cinq ans à la tête de son pays, à la faveur d’une présidentielle rapidement « expédiée », presqu’en catimini. Mais, voilà le chef de l’Etat centrafricain rattrapé par la réalité : un siège, de fait, que les groupes armés imposent à ce pays enclavé…

► En Centrafrique, Bangui, la capitale, risquerait l’asphyxie, en raison du blocage des camions de marchandises par les groupes armés. Les organisations internationales craignent une pénurie alimentaire, qui risquerait d’affecter un million et demi de personnes. Faut-il croire que le général Bozizé, avec ses amis rebelles, est en train de remporter, sur le terrain militaire, l’élection présidentielle dont il avait été exclu ?

À présent que resurgissent des dangers évidents que l’on avait feint d’ignorer, l’on ne peut que se demander à quoi a finalement servi l’empressement à tenir ces élections. Comme si l’on avait voulu sécuriser la fonction présidentielle pour un seul homme. Comme si la seule réélection du chef de l’Etat suffisait pour que s’estompent les nuages, lourds de menaces, que l’on voyait s’amonceler dans le ciel de la Centrafrique. Personne, à Bangui, n’a voulu prendre le temps d’évaluer l’utilité du sursis qu’aurait pu constituer, pour les populations, l’amorce d’un dialogue, même timide. On a préféré reconduire, à la sauvette, Faustin-Archange Touadéra, avec à peine l’équivalent du tiers des voix de la population de la capitale.

Ceux qui risquent la famine seraient trois fois plus nombreux que ceux qui ont voté pour le président. Et, pour les épargner, il va peut-être falloir supplier ceux avec qui l’on refusait d’entamer un dialogue… Le pouvoir centrafricain et les chancelleries qui l’ont soutenu ont-ils pu ne pas avoir envisagé une telle évolution dans leur stratégie ?

Certains vous rétorqueront que l’essentiel est que le président Touadéra a été réélu…

Peut-être. Mais, à quoi sert-il de se faire élire pour se retrouver dans l’incapacité d’assurer le devoir de protection dû par l’élu à ses électeurs ? Cet empressement à expédier la présidentielle, avec la bénédiction de quelques bons amis de la RCA, illustre à la caricature le rapport désolant que bien trop de politiciens, dans notre Afrique, ont au pouvoir, et qui consiste à se focaliser, en priorité, sur les avantages que confère la fonction, en reléguant au second plan l’immensité des obligations qui vont avec. Bien des patriotes renonceraient probablement à briguer la magistrature suprême, s’ils avaient conscience des attentes de leur peuple.

Il est possible que François Bozizé jubile, en entendant cela…

Les incohérences du pouvoir actuel n’excusent nullement le comportement du général Bozizé, qui est à mille lieues de ce que l’on attend d’un ancien chef d’État. Ses pratiques s’apparentent parfois à celles des flibustiers et autres coupeurs de route. Tant que lui, Bozizé, ne sera pas au pouvoir, le peuple centrafricain n’aura jamais de répit. Il paraît évident qu’il n’agit pas par amour pour son peuple, mais pour la jouissance des privilèges, dans ce pays où ceux qui ont la charge suprême savent, depuis toujours, tirer des ressources naturelles de quoi s’offrir un train de vie qui ferait pâlir d’envie bien des dirigeants de pays riches.

Est-ce donc, finalement, parmi les opposants qu’il faudra rechercher les bons ?

La sincérité démocratique de certains opposants est loin d’être exempte de tout reproche. Quelques-uns des leaders de l’opposition ont été aux affaires, comme Premier ministre, ou président de l’Assemblée nationale… Il serait risqué de suggérer qu’à la place du président Touadéra, ils auraient tous été meilleurs ou différents. Lorsque ces opposants réclamaient le report des élections, certains de leurs concitoyens mettaient en doute leur souci proclamé de sauvegarder la crédibilité de la démocratie. Ils les suspectaient plutôt de rechercher le vide constitutionnel, pour justifier un partage du pouvoir, peut-être davantage…

C’est ici que l’on se surprend à constater que les insuffisances de la classe politique centrafricaine rappellent celles de bien d’autres pays de cette Afrique, où les mêmes causes produisent les mêmes démocraties approximatives, qui n’offrent à l’état de droit aucune chance de prospérer, hélas !

RFI : Chronique de Jean – Baptiste Placca

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