Centrafrique : les magistrats sont corrompus, selon le ministre d’état à la justice Dr Arnaux Djoubaye Abazène

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« Il y a quelques années, le débat sur la corruption n’avait pas lieu à l’égard des Magistrats Hors Hiérarchie et ceux de la Cour de cassation. L’on s’en souvient des Magistrats comme MANDABA BORNOU, Edouard FRANK, Henri GROTHE, Faustin NGBODOU, Antoine MARADAS, Zacharie NDOUBA, José Christian LONDOUMON, Gaston MBAIOKOUM, Arsène SENDE et j’en passe, qui ont fait la gloire de la Magistrature. Malheureusement, à ce jour tout le monde est concerné. L’on voit la fumée de la corruption apparaitre sur tous les toits, ce qui signifie que la sanction n’épargnera personne ». Tels sont les mots prononcés par le ministre d’état à la justice Dr Arnaud Djoubaye Abazène, le lundi 19 juillet 2021, dans son discours lors de l’assemblée générale des magistrats. Sans fioritures, le garde des sceaux n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour faire tomber le masque de l’intégrité dont se prévalaient les magistrats, les a vertement indexés et traités de « corrompus ».

Par cette sortie tonitruante, le magistrat Djoubaye a eu le courage politique de porter la plume dans la plaie et de reconnaître que la réalité judiciaire est plus que désormais faite de corruption. En d’autres termes, il ne fait plus aucun doute que de hauts magistrats violent éhontément leur serment, s’affranchissent de la loi, et des normes juridiques internationales, et rendent des décisions arbitraires qui ne s’appuient sur aucun fondement juridique, en violation totale des dispositions pertinentes de la Constitution. « Quand les juges sont corrompus par la cupidité ou l’ingérence politique, la balance de la Justice est faussée et les simples citoyens en paient le prix », disait Mme Huguette Labelle, alors présidente de Transparency International avant d’ajouter qu’« un système judiciaire corrompu ignore la voix de l’innocent et permet au coupable d’agir en toute impunité ». La magistrature centrafricaine entourée du mythe de la précellence — qui symbolise l’élite dans un Etat — se trouve depuis l’accession de l’Imposteur de Bangui au pouvoir en 2016, dans un processus de décrédibilisation du fait de la corruption qui l’a gangrenée au point de se métastaser. A ce propos, il est important de souligner que les médias locaux n’ont de cesse de dénoncer dans leurs nombreuses publications l’existence d’un système inédit de corruption au sein du corps de la magistrature. Un système qui a pour noms extorsions de fonds, jugements de complaisance, pratiques de pots-de-vin, collusion avec le pouvoir en place, etc. Malheureusement, ces articles fouillés et parfois bien documentés, mettant en évidence des preuves accablantes, et irréfutables sur les pratiques nauséabondes des magistrats-délinquants pourris, ont toujours été balayés d’un revers de main par l’inspection des services judiciaires.

Aujourd’hui, c’est le tour d’un membre de la corporation, de surcroît assumant les fonctions administratives et politiques de ministre de la justice d’en parler,  en interpellant directement les concernés et en leur promettant des sanctions. « Soyez rassurés, vous êtes libres et indépendants. Accrochez-vous à la loi. Mais, sachez que l’épée de Damoclès pèsera toujours sur votre tête en cas de violation de la loi.J’instruis l’Inspection Générale des Services Judiciaires de veiller sur la discipline des Magistrats ». Si le ministre d’état à la justice est obligé d’en parler publiquement, c’est tout simplement parce que la corruption judiciaire n’est plus un tabou. Elle est devenue une réalité quotidienne pour tous les Centrafricains, pour qui le corps de la magistrature constitue l’un des différents corps de l’état les plus gangrénés par la corruption. Bien entendu, quand la justice est atteinte par ce cancer, c’est la démocratie elle – même qui est gravement malade. Et cela est d’autant plus vrai et révoltant que les justiciables ne comprennent pas que des fonctionnaires de l’état les mieux payés, les mieux logés, les mieux soignés puissent succomber au goût de l’argent facile.

Mais de l’avis des accusés, il est plutôt question de dénoncer frontalement l’instrumentalisation de l’institution judiciaire par l’exécutif. « La magistrature est de plus en plus fragilisée, voire malmenée de l’intérieur comme de l’extérieur. Il en est résulté une crise sans précédent de la justice qui a perdu sa crédibilité et son autorité », a déclaré un magistrat. Bien que de nombreux juges soient intègres et indépendants, ce corps a perdu de son lustre et de sa respectabilité, l’a – t – il reconnu. « La justice centrafricaine n’a jamais eu le courage ces derniers temps de donner un coup d’arrêt à l’exécutif. Depuis plusieurs années, le système judiciaire a vu son indépendance compromise par l’ingérence et les interventions inappropriées du pouvoir exécutif dans le fonctionnement de la justice. Cette dernière s’est compromise dans beaucoup de dossiers où les intérêts du président de la République sont manifestes. Personne ne peut aujourd’hui démentir que la justice a été instrumentalisée dans les affaires de l’illégalité de l’ANE, de l’organisation des catastrophiques scrutins du 20 décembre 2020, et de la crise post-électorale qui s’en est suivie. Elle est venue au secours de l’Imposteur de Bangui qui ne voulait pas d’un dialogue politique inclusif et d’un deuxième tour », a – t – il conclu.

Alors que devrions – nous attendre concrètement de cette sortie médiatique du garde des sceaux contre ses collègues ? Acculé sur le plan international suite à la publication du Rapport des Experts de l’Onu sur les allégations de graves violations des droits de l’homme commises par les Faca et leurs alliés russes, dénoncer la corruption qui gangrène tout l’appareil judiciaire n’est – il pas un moyen pour le gouvernement de prouver aux partenaires que tout est en train d’être mis en œuvre pour que la Justice fonctionne ? Sinon pourquoi maintenant, mais pourquoi pas hier ? Sanctionner les ripoux est – il la solution la plus efficace pour lutter contre la corruption ? Qui sanctionner ? Et qui choisir pour lever le glaive de la justice ? Appartenant toujours à la nébuleuse Séléka, et cumulant ses activités de magistrat et celles de politique, Dr Djoubaye est – il un modèle pour le système judiciaire centrafricain ? Telles sont de pertinentes questions que se posent certains magistrats sous couvert d’anonymat dont nous attendons la réaction du syndicat dans les tout prochains jours.

Ceci étant, pour nous, afin de redorer l’image de la justice centrafricaine décrédibilisée à l’échelle nationale, régionale et internationale, et lui donner ses lettres de noblesse, nous devons impérativement recourir à une opération mains propres, comme en Italie dans les années 90. En effet,  comme dirait l’autre « lorsque de hauts magistrats agissent comme des malfrats, nettoyer les écuries d’Augias devient un impératif ».  Ainsi donc, pour éviter que la Justice centrafricaine ne soit dans un état de putréfaction avancée, il appartient à chaque citoyen de prendre ses responsabilités, en dénonçant publiquement chaque « valet » dont les actes ne sont pas en conformité avec son serment. Avec un slogan simple : « balance ton magistrat pourri » ! 

« A partir du moment où la Justice n’est plus libre, impartiale, indépendante ; laisser des pseudos Juges  violer nos droits et piétiner nos libertés, au point de faire n’importe quoi devient extrêmement dangereux, voire suicidaire » !

La rédaction

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