CENTRAFRIQUE: LES EN-DESSOUS DU RETOUR AU BERCAIL DE L’ANCIEN PRÉSIDENT FRANÇOIS BOZIZÉ YANGOUVONDA

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CENTRAFRIQUE: LES EN-DESSOUS DU RETOUR AU BERCAIL DE L’ANCIEN PRÉSIDENT FRANÇOIS BOZIZÉ YANGOUVONDA
Par Cyrus-Emmanuel SANDY

Le retour inattendu et en catimini à Bangui de l’ancien président François Bozizé Yangouvonda suscite moult interrogations et supputations, surtout lorsque des officiels du pays se sont permis de mettre en doute l’information qui circulait sur la présence effective de Bozizé père à Bangui, allant jusqu’à parler de « simples rumeurs ». Mais la vérité a éclaté au grand jour lorsque Bozizé père lui-même s’est déplacé pour le siège de son parti le KNK, situé à 100 m seulement de l’Assemblée nationale, à côté du siège de l’Organisation des femmes centrafricaines (OFCA) dirigée par un cadre de la junte féminine pro-Touadéra, et du lycée Barthélemy Boganda, le plus grand lycée de la capitale. Au siège du parti KNK dont il est le président fondateur (PF), François Bozizé s’est entretenu avec quelques hiérarques et inconditionnels de son parti auxquels il faut ajouter des journalistes et professionnels des médias privés venus faire comme saint Thomas dont nous parlent les évangiles, celui-là qui apparaît parmi les apôtres de Jésus à l’époque comme le plus grand scientifique. Ils l’ont vu, lui ont serré la main et donc salué, et ont cru. Mais comment Bozizé a pu quitter le lointain Kampala en Ouganda, pour arriver à Bangui à l’insu des autorités du pays comme l’ont fait comprendre les porte-paroles de la présidence de la République et du gouvernement? Et pourquoi c’est en ce moment précis où les questions de justice pénale et d’élections sont à la Une de la vie publique centrafricaine, que celui que l’on peut considérer comme « l’homme de tous les dossiers » fait son come-back au pays en passant par le Tchad d’Idriss Déby Itno que Bozizé avait pourtant accusé d’être le comploteur et grand acteur de sa chute en mars 2013 au niveau de la sous-région? N’y a-t-il pas anguille sous roche? Essai de décryptage.
1-UNE GRAVE DEFICIENCE DU SYSTÈME SÉCURITAIRE
Selon plusieurs sources, le président Touadéra aurait été surpris comme le Centrafricain lambda de l’arrivée de son ancien mentor à Bangui. Aucun ministre de son gouvernement, ni le Premier ministre, et aucun de ses multiples services de renseignements d’Etat ou privés (comme ceux du parti MCU et de l’Université de Bangui), n’étaient informés et ne l’ont informé de ce qui se tramait. Dans les pays qui se respectent, des têtes devaient tomber face à un tel manquement grave, surtout au niveau des institutions de renseignements et de sécurité, sauf si Touadéra lui-même avait voulu, autorisé et facilité ce come back.
Alors qu’il est de notoriété publique nationale et internationale que Touadéra, son Premier ministre Firmin Ngrébada et son parti le MCU ne veulent pas entendre parler du retour de François Bozizé Yangouvonda au pays, alors que le président Touadéra refuse de délivrer un passeport national à Bozizé, alors que tout semble être mis en œuvre pour que la question du statut pénal de Bozizé pendante devant les juridictions nationales compétentes ne soit pas vite réglée pour que François Bozizé rate l’occasion d’être candidat à la prochaine présidentielle dans les conditions légales, l’homme a surpris tout le monde ou presque, en commençant par celui qui, en principe, ne devait pas être surpris en sa qualité de chef suprême des armées et donc le patron des renseignements d’Etat, et donc censé être le plus informé et le mieux renseigné de la République. Quelle honte que de savoir que Touadéra a été surpris de l’arrivée de Bozizé au pays ! Est-il encore réellement président de la République ou n’exercice-t-il qu’une fonction honorifique, se disant tel que pour inaugurer les chrysanthèmes?
De mémoire de Centrafricain, jamais quelque chose de pareil ne s’est produit. Il s’agit là d’une grande défaillance au niveau des services de renseignements de l’Armée (B2), de la Gendarmerie, de la Police, et même des Institutions politiques comme la Présidence de la République, l’Assemblée nationale, la Primature, les ministères chargés de la Sécurité publique, de la Défense nationale, de l’Administration du territoire, des Affaires étrangères, des Transports et de l’aviation civile, des Finances (Douanes et Impôts), des Eaux et forêts, qui ont aussi des services, unités et antennes opérationnelles de renseignements décentralisés sur toute l’étendue du territoire voire au niveau des frontières ou des représentations diplomatiques ou consulaires à l’étranger.
Comment aucune de ces structures de l’Etat n’a pu être au courant que François Bozizé est passé par le Tchad pour rentrer à Bangui à bord d’un avion Transal? Face à cette situation, on peut penser que Touadéra pouvait même être surpris sur son lit par François Bozizé lui demandant simplement de lui remettre sa lettre de démission dument signée, et la messe de requiem du régime est dite. Conclusion: le président Touadéra ne maîtrise rien. Rien, absolument rien que cette répétition du mot RIEN.
2-DES COMPLICITÉS EXTÉRIEURES ET INTÉRIEURES?
Quand on sait comment les Français surveillaient le moindre déplacement et geste de Jean-Francis Bozizé le fils de l’homme pendant la transition et au tout début du régime de Touadéra, au point d’aller l’arrêter dans un pays de l’Afrique de l’Ouest pour lui retirer son passeport, on est surpris que cette même France n’ait pas fait la même chose à Bozizé père. Cela donne à réfléchir.
A l’analyse, le retour à Bangui de François Bozizé Yangouvonda est quelque chose de bien orchestré et bien préparé, par des acteurs occultes extérieurs. De gentilles indiscrétions voient les mains de la France, de la Russie et de l’Union européenne derrière ce scénario qui est un message à Touadéra: ON TE LÂCHE Á PARTIR DE CET INSTANT T.
Si cette information s’avère, c’est que la Russie que l’on croyait acquise à la cause de Touadéra à 100%, lui a fait une grosse virgule dans le dos et est en train de le lâcher. Les présidents Emmanuel Macron et Vladimir Poutine se seraient déjà entendus pour sceller son sort comme ils l’ont fait à Omar Hassan el Béchir du Soudan en mars dernier, avec l’affaire du prix du pain qui a servi de « raison » pour faire tomber le régime soudanais que l’on croyait irrenversable tant le soutien de la Russie, 2è puissance militaire du monde était là, fort et permanent.
Touadéra est donc averti: les grandes puissances s’entendent toujours pour préserver leurs intérêts contre un régime dont la politique est à géométrie variable, un régime où les leaders sont inconsistants et prédateurs, pleins de filous et de gangsters économiques comme celui incarné par le parti MCU en passe d’être un parti-Etat.
Aussi, s’il est vrai que Bozizé a transité par le Tchad pour arriver à Bangui, c’est que lui et le président tchadien Idriss Déby Itno sont revenus à de meilleurs sentiments, surtout lorsqu’on se rappelle que Bozizé avait clairement déclaré sur RFI et plusieurs médias internationaux l’implication du Tchad de Déby dans le coup d’Etat séléka du 24 mars 2013.
Mais si la réconciliation Bozizé-Déby a pu se faire sur le dos de Touadéra, cela n’a pu être possible sans la France. On comprend dès lors pourquoi Macron et ses ministres de la Défense et des Affaires étrangères ont été réguliers au pays de Toumaï depuis le début de cette année 2019: c’était pour préparer le scénario du retour de Bozizé à Bangui, en vue d’«emmerder » Touadéra qu’elle considère comme un « têtu ».
La présence de Bozizé à Bangui arrangerait aussi les partis politiques de l’opposition démocratique et les associations syndicales et civiles qui se disent persécutés par le régime Touadéra « qui n’est démocratique que de nom » (sic), car utilisant régulièrement les forces publiques et ses miliciens appelés « requins » pour empêcher et perturber leurs meetings, et les médias d’Etat pour arroser d’injures l’opposition démocratique et la société civile activiste. Ces partis et associations crient déjà au hold-up électoral en préparation dans le camp Touadéra avec la création, par arrêté du Premier ministre, d’un Comité stratégique d’appui au processus électoral, qui fait de la présidente de l’Autorité nationale des élections (A.N.E), une simple secrétaire de séance du fameux comité stratégique, alors que l’A.N.E est une institution constitutionnelle indépendante, chargée de préparer et d’organiser les élections et consultations référendaires.
3-FRANÇOIS BOZIZÉ LE MILLIARDAIRE?
Des gentilles indiscrétions indiquent également que François Bozizé Yangouvonda serait revenu au pays avec des milliards de FCFA pour ne pas dépendre des petites indemnités d’ancien chef d’Etat dont Touadéra retarde volontairement l’aboutissement de la promulgation de la loi y relative, par pure méchanceté qu’il a héritée malheureusement de son mentor.
Ces milliards lui permettraient aussi d’organiser sa propre sécurité et riposte au cas où les miliciens de Touadéra et son MCU appelés « requins », tentaient d’attenter à sa vie sous des faux prétextes. Et enfin, de se préparer conséquemment aux prochaines élections.
Toutefois, des informations non confirmées indiquent que l’ancien président François Bozizé aurait quelques soucis de santé là ou il vit en exil. Aussi, aurait-il décidé de « revenir au pays pour mourir éventuellement » (resic). « C’est en effet un homme visiblement mal en point, qui a perdu sérieusement du poids qu’on a vu au siège du parti KNK. Il ne ferait pas bon que l’on entende dire qu’il est hospitalisé », rapporte un des fanas présents à la rencontre du siège du KNK du mardi passé.
4-TOUADÉRA SUR LE QUI-VIVE
On apprend que depuis le lundi 16 décembre dernier, le président Touadéra ne dort plus dans sa résidence privée du secteur Boy-Rabé dans le 4è arrondissement de la capitale, parce que les indécrottables de son mentor y seraient trop nombreux. Il habiterait avec une partie de sa famille au camp de Roux, un camp militaire hyper-sécurisé situé sur la colline de Bas-Oubangui, à proximité du palais présidentiel.
«Manifestement sur les nerfs depuis la nouvelle de la présence de l’ancien président Bozizé à Bangui, Touadéra se méfie de tout le monde. Au cours d’une réunion avec les officiels, il a tapé du poing sur la table et déclaré qu’il n’est pas aidé par les gens qu’il a nommés, qu’il n’est pas en sécurité», rapporte une source proche du dossier.
5-UNE NOUVELLE TRANSITION INÉVITABLE?
Le climat sociopolitique centrafricain depuis le 15 décembre est celui d’une fin de règne, sinon d’une catastrophe politique en perspectives. Les bureaux de l’Administration et des Institutions publiques se vident de leurs personnels, et l’ambiance ressemble à celle d’un « changement imminent de régime ou de gouvernement ». Et pour cause.
Il n’est pas normal qu’un régime qui se dit démocratique ne gouverne qu’avec des rebelles qui n’ont cure de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés, et laisse de côté les partis politiques et associations de la société civile véritablement démocratiques. C’est du jamais vu.
C’est dire que la présence de François Bozizé Yangouvonda au pays va profondément changer les données: la cohabitation, l’expérience du gouvernement inclusif et de large ouverture, s’imposent. Des partis politiques comme l’URCA d’Anicet-Georges Dologuélé, le KNK de François Bozizé, pour ne citer que ceux-ci, fortement représentés à l’Assemblée nationale, doivent être confortablement représentés dans le gouvernement, au lieu que ça soit ceux qui ont pris les armes contre l’Etat et qui ne cessent de défier l’Etat et de massacrer les populations, qui soient à la commande de l’Etat.
« Cette situation paradoxale n’a rien de démocratique. Elle doit changer et le plus vite serait le mieux, surtout que le jeu de Touadéra consiste à organiser les élections avec la chance d’être le seul à battre campagne dans les zones contrôlées par les groupes armés qu’il ne cesse de gâter avec l’argent de l’Etat, les fonds publics », commente Mme Marie-Jeanne Lucie Worondimba, observatrice politique.
Cela revient à dire qu’il faudrait mettre en place un gouvernement véritablement inclusif et de compétences avec trois missions essentielles et urgentes à savoir: recréer la confiance et la réconciliation entre les acteurs politiques du pays et les populations, pacifier le pays grâce au DDRR et la justice, organiser les élections. Cela pourra prendre le temps que ça pourra mais si d’aventure le premier tour des élections ne se tenait pas en décembre 2020 comme initialement prévu, une transition sera mise en place sans Touadéra comme président de la République. Le « schéma amélioré » de 2013-2016 pourra voir le jour, avec un consensus et un esprit patriotique avéré de toutes les forces vives de la nation. Et le plus grand perdant sera sans doute le MCU, le parti de tous les transhumants politiques professionnels.
Wait and see.
Cyrus-Emmanuel Sandy
Source: MEDIAS+

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