Centrafrique : l’ère du conspirationnisme de la désinformation

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Désinformations, publications d’informations erronées, manipulations de l’opinion, grossiers mensonges savamment diffusés et distillés, appels à la haine et la violence, et campagnes de dénigrements font la une des débats en cours en Centrafrique, devenu depuis l’avènement du Gangster de Bangui au pouvoir, le 30 mars 2016, l’une de ces petites républiques du Caucase, en plein cœur du continent africain.

Ces informations factuellement « fausses ou trompeuses, créées, présentées et disséminées pour le profit ou tromper intentionnellement le public », selon la commission européenne, puisque c’est de cela dont il s’agit, qui sont couramment utilisées sur les réseaux sociaux et/ou dans les colonnes de certains organes de la presse écrite et certaines radios nationales, ont suscité la réaction du Gouvernement. Une session de formation des journalistes des médias publics et privés sur la lutte contre la désinformation, les rumeurs, l’incitation à la haine et à la violence en période électorale a été organisée à Bangui le 23 novembre 2021, suite à la mise en œuvre effective du Plan National de Prévention de l’Incitation à la Haine et à la Violence, conformément à l’engagement du Gouvernement contenu dans l’article 4 de l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation du 6 février 2019.

Mais aussi difficilement incompréhensible et surréaliste que cela puisse paraître, au lieu de jouer pleinement leur rôle traditionnel d’informateur du grand public, de contributeur à l’éducation des communautés, d’éveilleur des consciences et d’intrépide catéchiste au service de la liberté et de la démocratie participative afin de « permettre à nos concitoyens de s’épanouir et de participer au développement de la cité, en opérant des choix judicieux de leurs futurs dirigeants », comme l’avait affirmé le président Touadéra dans sa déclaration ce jour – là, tout a été fort étonnement mis en œuvre pour que les médias publics et privés, dans leur grande majorité, deviennent de vrais relais de publications de désinformations, avant, pendant et après la tenue des calamiteuses élections du 20 décembre 2021.

Dans un pays en pleine crise militaro – politique, sur fond de forts enjeux géopolitiques et géostratégiques entre les puissances occidentales dont la France et la Russie, de tensions politiques entre les pouvoirs publics et l’opposition démocratique qui réclamait plus de dialogue, de transparence et de sincérité dans le processus électoral, et au gré d’implication des groupes armés, pourtant signataires de l’Accord de Paix de Khartoum, les limites entre réalité, préjugés et peurs s’entremêlent. Toutes les conditions sont donc réunies pour que tous les acteurs en présence se rentrent dedans ou se font la guerre par personnes interposées au point que l’ambassadeur français en Centrafrique Jean – Marc Grosgurin en soit amené à les constater, il y a quelques jours,  et à dénoncer publiquement sur les antennes de RNL celles formulées, depuis plus de trois ans, contre les différents partenaires internationaux de la République centrafricaine, la France au premier chef, sur les réseaux sociaux, dans les colonnes de certains médias de la place et par certaines organisations speudo – panafricanistes. « L’objectif visé est de défavoriser les positions de la France et d’affaiblir la position et l’influence de la France dans le pays ; mais in fine, je vous le dis, ces campagnes de dénigrements et de désinformations nuisent et ternissent l’image et la réputation de la Centrafrique dans le monde », a – t – il conclu. Mais, comment en sommes – nous arrivés là ?

Dès sa prise de fonction, le Gangster de Bangui qui pensait que son heure à lui est arrivée, avait décidé de faire de la République centrafricaine une propriété privée, avec une gestion fondamentalement exclusive. Pour ce faire, il avait cru bon de confier la collecte des informations du pays, leurs recoupements, leurs traitements et leurs publications à de « farfelus et petits communicants » étrangers et de « pseudo – panafricanistes » de nationalité russe, ivoirienne, burkinabé et camerounaise. Attachés à la personne même de son conseiller en sécurité un certain Valeri Zakharov, ceux – ci ont immédiatement créé un service parallèle jouissant d’une autonomie administrative et financière, en dehors de la direction général de la presse présidentielle dont le rôle est d’informer le grand public sur les activités officielles de la présidence centrafricaine. Placé sous sa responsabilité directe et géré par le sujet ivoiro – burkinabé dénommé Harouna Douamba, cette structure manifestement illégale a pour mission de faire de la désinformation et de la propagande, telles qu’elles avaient été forgées dans les années 1920 en URSS. Par désinformation, nous entendons « manipulation de l’opinion publique par la diffusion d’informations fausses, véridiques mais tronquées, ou véridiques avec l’ajout de compléments faux. L’objectif est de donner une image erronée de la réalité, à des fins politiques ou militaires, à une opinion publique d’un camp adverse ». Et par propagande, nous disons « manipulation psychologique d’une population dans l’objectif de l’influencer ou de l’embrigader ». Ceci étant, les deux peuvent être associées dans des stratégies de manipulation d’une opinion publique.

Pour atteindre les objectifs de ce que nous appelons « le conspirationnisme de la désinformation », des jeunes acquis à la cause du pouvoir et ayant des connaissances basiques en informatique ont été recrutés et envoyés en formation de courte durée en Russie, des médias privés créés à cet effet, et des directeurs de publication des organes de la presse écrite et des journaux en ligne dont les lignes éditoriales s’opposent à l’institutionnalisation de la pensée unique approchés et corrompus. C’est dans ce contexte que le directeur de publication du journal en ligne La Voix des Sans – Voix (www.lavoixdessansoix.com) a été contacté courant – début 2017 par Harouna Douamba par l’entremise de Patrick Mogani, directeur de publication du journal en ligne Lepotentielcentrafricain (www.lepotentielcentrafricain.net). La rencontre entre les deux hommes avaient eu lieu au stade 20.000 places un samedi en la présence de l’intermédiaire. Après des formalités de civilité, l’homme avait pris la parole en ces termes : « Conseiller en communication du président Touadéra, du gouvernement et du MCU, je suis l’un des nombreux lecteurs de votre site. Cependant, je ne puis admettre la virulence de votre plume. Je suis donc venu vous demander de changer votre tonalité et d’aider le président Touadéra à sortir ce pays de la misère ». Bien entendu, le directeur de publication de La Voix des Sans – Voix qui avait géré Touadéra de 1998 à 2002, alors qu’il assumait les fonctions d’inspecteur des mathématiques à l’IGN, et qui avait soutenu la candidature de ce dernier à la présidentielle, dans l’entre – deux – tours, en sa qualité de 3ème vice – président de l’UNDP en charge de la communication, après avoir argué de sa politique de débauchage des députés, de sa propension à la corruption et de son goût immodéré pour la mal – gouvernance, avait dit « Niet ». « Alors, vous ferez partie de ceux à qui nous allons empoisonner la vie dans ce pays et même à l’étranger ». Le reste, l’histoire l’a écrit : persécutions administratives et politiques, tentative d’enlèvement et d’assassinat, le 1er octobre 2018, dans les locaux du journal « Le Démocrate », piratage du site La Voix des Sans – Voix (www.lavoixdessansoix.com), contrainte à la clandestinité de plus de 10 mois et départ en exil.

De ce fait, il est impérativement demandé à ces petits scribouillards et ces médias tant publics que privés de chanter les louanges du Gangster de Bangui et de ne publier que des informations réelles, mais tronquées ou manipulées, dans un sens favorable aux idéaux de ces groupuscules, voire de les faire passer comme provenant d’une source amie ou neutre, afin d’imposer un point de vue, d’influencer une opinion, et d’affaiblir un ennemi. Sur les réseaux sociaux, cette méthode de stratégie de désinformation est connue et s’exerce par la démultiplication des sites créés par un même groupe de personnes, dans le but affiché de manipuler l’opinion, voire dans la stratégie de ces mêmes personnes de se saisir et de saturer par un message similaire les pages « commentaires » offertes par les journaux/sites en ligne, donnant ainsi l’impression d’une multitude de points de vue similaires alors qu’il ne s’agit, en fait, que de ceux de quelques personnes.

En réalité, « la justification de cette vision ultra-cynique de la politique est en général que la Russie ne fait que de manière artisanale que ce que l’Occident pratique à grande échelle. Il est clair que les régimes démocratiques occidentaux font face à des problèmes de désenchantement des citoyens, d’émergences d’oligarchies politico-administratives et de diminution de l’indépendance des médias. Mais ces problèmes sont des dégénérescences des régimes politiques, ils n’en constituent pas, comme en Russie, la nature fondamentale. D’autant que le mythe principal du régime, qui consiste à présenter V. Poutine comme le bon tsar chargé de discipliner les mauvais boyards afin de rétablir la puissance russe, est un immense mensonge », selon Stéphane François.

Mais, pourquoi le G5, en général, et l’ambassadeur français en Centrafrique, en particulier, refusent – ils donc de citer officiellement et accuser nommément la Russie et les éléments du Groupe Wagner à la solde de Touadéra, d’être responsables de  ce « conspirationnisme de la désinformation » ?

Jean – Paul Naïba

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