Centrafrique : le représentant résident de la Banque Mondiale Han Fraeters cloue au pilori l’Imposteur de Bangui et le « filou » de Dondra

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Atelier de dissémination de la 4è édition des Cahiers économiques
Mercredi, 04 août 2021
Discours de Han Fraeters, Représentant Résident Banque Mondiale

Excellence Monsieur le Ministre des Finances et du Budget ;

Excellence Mesdames et Messieurs les membres du Gouvernement ;

Mesdames et Messieurs les Représentants d’Organisation humanitaires et de développement ;

Distingués invités,

C’est un énorme plaisir de vous accueillir aujourd’hui à l’atelier de dissémination de la 4eme édition des Cahiers économiques de la Banque Mondiale. Chaque année, nous présentons l’état de lieu de l’économie centrafricaine sur la base de données de l’année précédente, 2020, et les prédictions à court terme, 2021, et à moyen terme, 2022-2024. En plus, chaque année, ce Rapport met la lumière sur un sujet d’intérêt pour le futur du pays et nous proposons des recommandations. L’année passée, les recommandations ont porté sur la diversification de l’économie. Cette année nous parlerons du capital humain.

Commençons par l’état des lieux de l’économie centrafricaine.

2020 était l’année de la pandémie du Covid-19. Malgré l’impact sanitaire relativement contenu en RCA, la pandémie du Covid-19 a conduit au ralentissement de l’économie centrafricaine, pour la cinquième année consécutive : une croissance de 0,8% du PIB comparée à 3% en 2019.

Néanmoins, et cela est une bonne nouvelle, cette croissance du PIB de la RCA de 0,8% a dépassé la moyenne des pairs régionaux de la CEMAC et des pays touchés par la fragilité, les conflits et la violence.

Du côté de l’offre, la dynamique positive du secteur agricole a empêché l’économie d’entrer en récession, et les secteurs de la foresterie et des télécommunications ont mieux résisté que prévu. Du côté de la demande, la consommation privée s’est contractée en 2020, reflétant une baisse des revenus des ménages.

La situation budgétaire s’est détériorée et la RCA reste exposée à un risque élevé de surendettement. D’autre part, les recettes intérieures du pays ont été plus élevées qu’anticipées pendant la pandémie du Covid-19, principalement grâce à une augmentation significative des recettes non-fiscales.

Si 2020 a été l’année du Covid-19, tout semble indiquer que 2021 sera l’année de la crise sécuritaire. Nos projections indiquent que les effets combinés du Covid-19 et du regain d’insécurité devraient plonger l’économie centrafricaine en récession en 2021. Nos projections indiquent que le PIB devrait reculer de 0,6 %, soit 5,8 points de pourcentage en deçà des projections que nous avions fait avant Covid-19 et les élections. Voici le coût de la crise.

Parlons des conséquences directes de la détérioration de la situation sociale, humanitaire et fiscale. Environ 72 % de la population devrait vivre dans une pauvreté extrême en 2021 – soit plus de 3,5 millions d’habitants. La situation fiscale devrait rester tendue en 2021 avec l’impact significatif du blocage du corridor Bangui-Douala pendant plusieurs semaines, bien que les efforts actuels du gouvernement en termes de mobilisation des ressources domestiques devraient éventuellement permettre d’atténuer les tensions de trésorerie. En plus de cela, il y a l’incertitude ou la suspension du soutien (ou la mise en veille) des appuis budgétaires de certains partenaires au développement.

Monsieur le Ministre, excellences, distingués invités,

Regardons les perspectives à moyen terme – les prochaines trois ans. L’extrême pauvreté, l’insécurité alimentaire et l’accès limité aux services publics de base, en particulier dans les zones reculées, resteront des préoccupations majeures.

Les perspectives économiques sont positives dans le moyen-terme mais restent très vulnérables. Il y a deux conditions pour que ses perspectives positives se matérialisent : une amélioration durable de la situation sécuritaire et politique sur le plan nationale, et la reprise économique mondiale avec la crise du Covid-19. Si ces deux conditions ne sont pas réunies, les perspectives positives deviendront plus sombres.

La situation mondiale du Covid-19 n’est pas sous contrôle de la Centrafrique. Alors, qu’est-ce qui est sous le contrôle de la Centrafrique, qui peut mener le pays vers une reprise robuste, résiliente et inclusive ?
1. Promouvoir la paix, mettre fin à l’insécurité et promouvoir un dialogue politique inclusif ;
2. Mettre en œuvre un déploiement équitable des vaccins Covid-19 : la pandémie n’est pas encore finie et peut encore avoir des effets dévastateurs sur la population centrafricaine ;
3. Assurer une gestion budgétaire saine et prudente, en mettant en place des procédures de contrôle interne des dépenses publiques – éviter par exemple le recours à des procédures exceptionnelles – ; renforcer la mobilisation des ressource domestiques ; et créer des conditions dans lesquelles les partenaires d’appui budgétaire peuvent concrétiser leurs appuis.

Monsieur le Ministre, excellences, distingués invités,

Revenons sur le thème choisi cette année, « Investir dans le capital humain pour protéger l’avenir ».

Comme tout le monde le sait, le capital humain est un moteur central de la croissance durable et de la réduction de la pauvreté, pourtant la RCA a des lacunes substantielles en capital humain et des besoins énormes. A titre d’exemple :
• Les enfants nés en RCA en 2020 ne devaient réaliser que 29 % de leur productivité maximale à l’âge adulte ;
• Le nombre d’années de scolarisation escomptées des enfants centrafricains est de 4.6 années contre une moyenne sous-régionale (CEMAC) de 7.2 années et 8.6 années pour des pays semblables touchés par la fragilité, les conflits et la violence ;
• Des écarts significatifs existent également sur le plan de la santé avec une mortalité infantile et des adultes et des retards de croissance des enfants élevés par rapport aux autres pays ;

Les estimations indiquent que le nombre d’enfants en âge d’aller à l’école primaire en RCA devrait presque doubler, passant de 0,8 million en 1990 à 1,8 million en 2050. Ce fait nous appelle à agir de manière urgente pour renforcer l’accumulation du capital humain. Ces jeunes seront les adultes du futur, et donc, la question cruciale est : comment ces jeunes arriveront à l’âge adulte ? Avec une santé et des compétences qui leur permettra d’exploiter et faire valoir le potentiel énorme que les ressources de la Centrafrique leur offrent ?

L’investissement dans le capital humain n’est donc pas seulement une opportunité mais une nécessité pour permettre à la RCA de tirer profit du dividende démographique et éviter que sa population jeune ne devienne une malédiction/handicap.

Cette opportunité et nécessité d’investir dans le capital humain contraste avec le sous-investissement systématique dans les secteurs sociaux au cours des dernières décennies. Par exemple, les dépenses publiques de santé par habitant étaient estimées à 97 USD en Parité de Pouvoir d’Achat, bien en dessous de la moyenne de 305 USD en CEMAC, 120 USD en FCV et 262 USD en ASS. De même, les dépenses publiques d’éducation en 2018 ne représentaient que 1,9% du PIB et 10,6% des dépenses publiques totales en RCA, des chiffres bien inférieurs aux 3,1 % et 16 %, respectivement, de la CEMAC ; aux 4,1 % et 16 %, respectivement, des pays FCV ; et aux 4,3 % et 18 %, respectivement, de l’ASS.

Il y a ici des marges de manœuvre politiques et des arbitrages budgétaires à faire, notamment en termes d’allocation et d’exécution budgétaire dans les secteurs sociaux.

Indépendamment de ce choix politique crucial, le gouvernement doit faire tout ce qu’il peut pour maximiser les ressources disponibles. Dans ce contexte, le renforcement de la mobilisation des recettes domestiques reste primordial. Cependant, les efforts et reformes doivent aller au-delà du manque à gagner au niveau des régis (fiscales et douanières). Ça doit inclure l’augmentation de l’assiette fiscale, notamment à travers la mise en place d’un environnement des affaires plus attractif. Aussi, la RCA se doit de conserver – ou regagner dans certains cas – le soutien des partenaires au développement. En effet, les dons des PTF représentaient plus de 52% des recettes totales du gouvernement en 2019.

En sommes, la RCA doit renforcer le capital humain pour réduire la pauvreté, créer des opportunités économiques, s’attaquer aux facteurs de fragilité et transformer une malédiction démographique en dividende démographique.

Mais quels sont ces investissements dans le Capital Humain que la Banque mondiale recommande au gouvernement centrafricain ? Voici quelques exemples:

• Renforcer l’autonomisation des femmes et des filles pour accélérer la transition démographique de la RCA, en renforçant les programmes de planning familial, réduisant les mariages et grossesse précoces, etc ;
• Assurant l’efficacité, le caractère inclusif et la bonne exécution des dépenses publiques dans les secteurs sociaux ;
• Relever les défis du développement de la petite enfance à travers par exemple (i) le maintien de la gratuité des soins ciblée pour les enfants de moins de cinq ans ainsi que les femmes enceintes et allaitantes et l’étendre à d’autres districts, et (ii) le renforcement de la lutte contre la malnutrition infantile ;
• Renforcer la gouvernance et les Institutions dans les secteurs sociaux en (i) évitant par exemple la prolifération des Ministères et des structures administratives centrales, dont beaucoup sont financièrement coûteux et ont un impact marginal sur les résultats, (ii) l’accélération de la décentralisation des responsabilités en matière de gestion budgétaire tout en mettant en place des mécanismes appropriés de contrôle, d’établissement de rapports et d’audit, etc.

Mon collègue Wilfried Kouame, économiste à la Banque mondiale, élaborera sur ses recommandations dans sa présentation.

Monsieur le Ministre, excellences, distingués invités,

Comme vous voyez, et comme nous le savons tous, la tâche qui attend la Centrafrique est lourde ; mais elle est faisable. Et surtout, les opportunités de développement de la Centrafrique sont énormes. Comptez-sur nous pour vous appuyer.

Je vous remercie. Singuila mingui.

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