Centrafrique : le président de l’URCA Anicet Georges Dologuélé appelle à un refus catégorique contre le référendum constitutionnel et au départ sans condition du Groupe Wagner

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Invité Afrique

A. Georges Dologuélé (opposant centrafricain): «Le président veut changer la Constitution pour de mauvaises raisons»

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En Centrafrique, le 30 juillet, la population va être appelée à voter, par référendum, pour ou contre une nouvelle Constitution. Sur RFI, vous avez pu entendre, pour le oui, les arguments du président Touadera, exprimés par le premier Vice-Président de l’Assemblée nationale, Evariste Ngamana. Aujourd’hui, réaction de l’opposition, regroupée dans le BRDC, le Bloc républicain pour la défense de la Constitution qui n’a pas l’intention de participer à ce référendum. En ligne de Bangui, le député Anicet Georges Dologuélé qui avait mis le candidat Touadera en ballotage en 2015, répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

Anicet Georges Dologuélé, ancien Premier ministre  et opposant centrafricain, député, membre du BRDC, le Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution.
Anicet Georges Dologuélé, ancien Premier ministre et opposant centrafricain, député, membre du BRDC, le Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution. © commons.wikimedia.org/

RFI : « Il faut changer de Constitution car celle de 2016 a été mise en place à la sortie de la transition, elle n’est plus adaptée aux réalités d’aujourd’hui », disent les autorités. Qu’est-ce que vous en pensez, Anicet Georges Dologuélé ?

Anicet Georges Dologuélé : Ce sont des arguments qui ne tiennent pas la route : c’est toujours le même pays, c’est toujours les mêmes problèmes, c’est le même peuple. Le président actuel a été élu sur la base de cette Constitution. Pourquoi maintenant ? Pourquoi pas il y a cinq ans ? Donc la population ne comprend pas ce qu’il se passe, ne veut pas du tout de ce référendum. Elle ne sait pas d’où viendra l’argent pour ce référendum, parce qu’il n’y a déjà pas d’argent pour le quotidien, et les Centrafricains ont des problèmes de survie. Tout le monde est mécontent de ce qu’il se passe, mais tout le monde a peur d’être écrasé.

Sur le calendrier, les autorités affirment que le texte soumis à référendum sera rendu public à l’occasion du début de la campagne référendaire, c’est-à-dire à la mi-juillet…

Vous voyez un peu l’escroquerie, on ne peut pas dire qu’on a été supplié par le peuple pour changer de Constitution et cacher cette Constitution au peuple. C’est inédit de rendre public un texte d’une Constitution la veille d’une campagne. Ça veut dire qu’on n’a aucun respect pour son peuple, c’est même qu’on a du mépris pour son peuple.

Et alors pourquoi, à votre avis, n’est-il pas utile de changer de Constitution ?

Déjà, parce que le président veut changer de Constitution pour de mauvaises raisons. La première, c’est que, contrairement aux deux fois où il a prêté serment, où il s’est engagé à ne pas modifier le nombre et la durée des mandats – c’est particulier dans notre Constitution parce que le jour de la prestation de serment, le président prononce ces phrases-là -, donc contrairement à ce qu’il a pris comme engagement, il est en train de vouloir changer ces articles et rester au pouvoir. Et la seconde chose, c’est que, manifestement, il ne veut plus m’avoir en face de lui. Donc du coup, tous les binationaux seront éliminés de la course à la présidentielle.

Donc pour vous, il ne fait aucun doute que cette nouvelle Constitution, c’est pour permettre au président actuel de briguer un troisième mandat en 2025 ?

Uniquement pour ça, sinon, comment expliquez-vous qu’il ait pu renvoyer l’ancienne présidente de la Cour constitutionnelle, uniquement parce qu’elle a indiqué qu’il n’était pas possible ni de modifier l’actuelle Constitution, ni d’aller à une nouvelle Constitution ? Derrière cette brutalité qui est utilisée, on voit très bien qu’il y a un calcul très précis, c’est celui d’un troisième mandat.

Dans cette nouvelle Constitution, pourrait être écarté tout candidat ayant une double nationalité. C’est votre cas, vous avez un passeport centrafricain et un passeport français. Est-ce que vous vous sentez visé ?

Oui, je pense que, malheureusement, en voulant me viser, le président Touadéra vise beaucoup de Centrafricains très brillants, qui ont toutes les capacités d’être président de la République, députés, sénateurs, et qui ont le droit de le faire. Donc, on ne peut pas vouloir, juste pour écarter un seul adversaire, s’attaquer à des centaines, voire des milliers de jeunes Centrafricains qui sont en capacité de donner le meilleur d’eux-mêmes pour leur pays.

Quelle est votre stratégie au niveau du Bloc républicain de défense de la Constitution, le BRDC, pour ce référendum du 30 juillet ?

Nous n’avons pas l’intention de participer à ce référendum et nous comptons bien expliquer à la population centrafricaine qu’il ne faut pas prendre part à ce référendum.

Mais pourquoi n’appelez-vous pas à voter « non » ?

Mais parce que ça ne sert à rien. Vous avez vu que toutes les institutions de la République sont parties prenantes à la campagne du « oui », et donc ça veut dire que les résultats seront connus d’avance. Vous savez qu’il est impossible d’organiser un référendum dans un pays comme la République centrafricaine en quelques semaines et en saison des pluies. Ça veut dire qu’il n’y aura pas du tout de référendum, que les résultats sont connus d’avance, que les urnes seront bourrées ici à Bangui et les résultats proclamés ici à Bangui. Donc ce n’est pas la peine de participer à ce type de mascarade.

Depuis cinq ans, la Centrafrique a noué une alliance militaire avec la Russie et, malgré la tentative de coup de force de Wagner samedi dernier contre le pouvoir russe, les autorités centrafricaines continuent d’espérer que les liens de coopération entre Moscou et Bangui vont demeurer comme à l’accoutumée. Est-ce que vous partagez leur optimisme ? 

Ici, en Centrafrique, nous voyons plutôt des liens de coopération entre certains individus au gouvernement et le groupe Wagner. Nous n’avons pas trop le sentiment d’une relation d’État à État avec la Russie. En tout cas, ça ne se vit pas ici. Donc nous espérons que cesse toute la brutalité que les Centrafricains vivent au quotidien de la part des soldats de Wagner, et que cesse tout cette prédation sur les ressources du pays. Le peuple a besoin de vivre sans avoir peur des gens qui sont réputés venir nous protéger.

Donc vous souhaitez le départ de Wagner de Bangui ?

Exactement.

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