Centrafrique : le jeu dangereux de l’ambassadeur des Etats – Unis Patricia A. Mahoney pour la survie de notre Démocratie

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Dans un post publié le mardi 12 juillet 2022 sur la page Facebook « U.S Ambassy Bangui », l’ambassadeur des Etats – Unis près la République centrafricaine avec résidence à Bangui Patricia A. Mahoney a bien voulu formuler des remerciements à l’endroit du ministron de l’administration du territoire Bruno Yapandé, « pour l’occasion donnée de discuter des priorités de son ministère – de l’organisation des élections locales et du processus de la paix en RCA ».

Sans pour autant prétendre jouir du pouvoir des prédictions comme Zeus dans la mythologie grecque, le Dieu de la divination et celui des oracles, les deux sujets à l’ordre du jour de cette rencontre ont sans doute été abordés sous l’angle du rapport du secrétaire général de l’Onu Antonio Guterres sur la République centrafricaine, présenté au conseil de sécurité le 16 juin 2022.  Pour rappel, le rapport en question a fait le point sur les principaux faits survenus dans ce pays depuis le précédent rapport, en date du 16 février 2022 (S/2022/119), et contenait une évaluation de l’efficacité globale et de la configuration de la MINUSCA comme demandé dans ladite résolution. Le dialogue politique républicain et exclusif, et les préparatifs des élections locales qui finalement ont été reportées jusqu’au début 2023, ont dominé la période considérée, détournant l’attention de la mise en œuvre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine et de la feuille de route commune pour la paix en République centrafricaine de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL).

Il a donc été question, en ce qui concerne les élections municipales, pour la diplomate américaine d’être informée de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire, et s’agissant du processus de la paix, de la suite à réserver aux 600 recommandations du fameux dialogue républicain et à l’Accord de Luanda dans le contexte actuel de résurgence des hostilités entre les Faca soutenues par leurs supplétifs russes et rwandais et les rebelles de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC), dans une bonne partie majeure du pays. Mais, s’il ne souffre d’aucune contestation que l’ambassadeur Patricia A. Mahoney a le plein droit de recevoir et échanger avec un membre du gouvernement, à sa demande ou si elle en manifeste le désir afin de recueillir certaines informations, il n’en reste pas moins dans le contexte actuel de chaos politique, institutionnel, sécuritaire, socio – économique et humanitaire qu’il est plus impératif que les armes se taisent et que toutes les forces vives de la nation y compris tous les groupes armés et les pouvoirs publics puissent se parler, avant d’entrevoir toutes discussions sur les préparatifs des élections locales.

De facto, devant le refus catégorique de l’Imposteur de Bangui de respecter la déclaration de cessez – le – feu, annoncé dans son discours à la nation du 15 octobre 2021, et d’ouvrir le dialogue inclusif, gage du retour définitif de la paix, le peuple centrafricain attend de la part de la communauté internationale, en général, et du représentant du peuple américain, en particulier, plus de fermeté, plus d’incisivité dans ses relations avec le gouvernement et plus de vérité, quant à l’observation stricte du protocole de sortie de crise adopté par les pays des Grands Lacs,  et tant souhaité par les partis politiques, les groupes armés et la société civile. Comme la chargée d’affaires de l’ambassade des Etats-Unis au Tchad, avait en effet rappelé aux membres du Conseil militaire de transition leur engagement de passer dans les meilleurs délais le pouvoir au civil à travers des élections auxquelles ils ne seront pas candidat. Comme son compatriote, le sénateur Bob Menedez qui avait déposé au sénat pour approbation un projet qui a pour but d’infliger des sanctions si la junte au pouvoir n’organise pas les élections dans le délai fixé par l’Union africaine, suite aux propos indélicats et peu appropriés par le président du conseil militaire de la transition. C’est cette posture, celle visant à cibler par des sanctions draconiennes tous ceux qui s’opposent à toutes les initiatives en faveur de la paix, qui alimentent et soutiennent les appels à la haine et à la violence et qui entretiennent et financent le regain des hostilités, que le peuple centrafricain de l’est à l’ouest du sud au nord souhaite impatiemment voir l’ambassadeur Patricia A. Mahoney adopter vis – à – vis du régime de Bangui.

Agir de la sorte, c’est marcher inexorablement sur les pas de l’un de ses prédécesseurs feu Daniel Simpson qui, lors de la marche pacifique du 1er août 1992, avait pris fait et cause pour l’opposition démocratique centrafricaine, allant jusqu’à assister aux obsèques du Dr Conjugo, lâchement assassiné par les gendarmes du général Kolingba, et qui par ce fait avait opté accompagner le peuple centrafricain dans sa lutte pour la Démocratie. Le faire, c’est aider le peuple centrafricain à se réconcilier avec lui –même après les scrutins truqués du 27 décembre 2020, desquels plus de 300.000 Centrafricains ont été délibérément exclus et à l’issue desquels l’Imposture nous a été imposée, avec la déclaration par l’ANE d’un candidat élu seulement par 17% du corps électoral. Le faire enfin c’est contraindre le pouvoir de Bangui à auditer tout le processus électoral qui a abouti au hold-up du 27 décembre 2020, qui a été contesté par tous et qui est aujourd’hui la principale cause de la crise actuelle, d’une part, et à asseoir de manière pérenne la notion de l’intégrité électorale dans les mentalités et les mécanismes électoraux, d’autre part.

Cela est un impératif pour la République centrafricaine, car l’intégrité électorale est l’indicateur le plus sûr de la bonne santé de la démocratie dans un pays donné. C’est pour cela que dans le monde de la recherche et des politiques, le terme fait l’objet d’un débat de plus en plus animé. La Commission mondiale sur les élections, la démocratie et la sécurité a notamment apporté à ce sujet une contribution majeure avec la publication d’un rapport intitulé « Renforcer la démocratie : une stratégie destinée à améliorer l’intégrité des élections dans le monde » (septembre 2012).

Pour définir la notion d’« élections menées avec intégrité », le rapport de la Commission prend pour point de départ les significations les plus courantes. Ainsi relève-t-il que l’intégrité correspond à « l’incorruptibilité ou une adhésion stricte à un code de valeurs morales », suggérant que cela suppose, dans le cas d’élections, d’adhérer à des principes démocratiques. Le terme peut également désigner, de manière générale, « l’état de ce qui est sain, qui n’a subi aucune altération ». Évoquer des élections menées avec intégrité reviendrait dès lors à faire référence à des élections menées « de façon compétente et professionnelle ». Enfin, toujours selon ce rapport, l’intégrité signifie aussi « l’état de ce qui est complet, qui a toutes ses parties », ce qui, associé aux élections, suggèrerait que « la rigueur et les pratiques éthiques doivent être appliquées tout au long du cycle électoral, et pas uniquement le jour du scrutin ». En conséquence, les auteurs du rapport définissent une élection menée avec intégrité comme « toute élection reposant sur les principes démocratiques de suffrage universel et d’égalité politique tels qu’ils figurent dans les normes et accords internationaux, et menée de façon professionnelle, impartiale et transparente dans sa préparation et dans sa gestion, tout au long du cycle électoral ».

Fort de tout ce qui précède, les États-Unis par l’entremise de son ambassadeur ne doivent pas mettre les charrues avant les bœufs en allant trop vite en besogne sur ce dossier des élections locales ! Le faire reviendrait à cautionner l’illégitimité de l’Imposteur de Bangui, le hold-up électoral du 27 décembre 2020 et l’exclusion de 300.000 Centrafricains du processus et de la Centrafricanité. C’est un jeu dangereux pour la survie de notre Démocratie.

Jean – Paul Naïba

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