Centrafrique, le dialogue de sourds de Khartoum

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Les pourparlers de paix inter-centrafricains vont bon train à Khartoum. Mais sans grand espoir de sortir du statu quo!

Depuis le 24 janvier 2019, les autorités de Bangui et les seigneurs de la guerre, qui contrôlent les trois quarts du pays, confrontent leurs points de vue sur un projet d’accord de paix proposé par l’Union africaine, en droite ligne de la Feuille de route signée le 17 juillet 2017, à Libreville. Khartoum ne devrait être qu’une étape soit vers Bangui soit vers Addis Abeba, pour la signature d’un accord qui se veut définitif. Sera-t-Il le dernier ? On peut craindre que non.

Un nouvel accord mort-né ?

Les « accords de paix » et les « Déclarations de réconciliation « , déjà signés par les mêmes parties prenantes, ne manquent pas. On en dénombre une petite dizaine. A chaque fois, les manifestations de satisfaction des plénipotentiaires ont accompagné ces documents, signés dans des villes différentes, mais toujours à l’extérieur du pays.
Cette fois-ci encore, on imagine mal la délégation gouvernementale et les chefs rebelles quitter Khartoum sans la signature d’un document, de type diplomatique, donc suffisamment alambiqué pour ne pas faire perdre la face aux uns et aux autres, ainsi qu’à l’Union africaine et à l’ONU. Une fois de plus, les félicitations et remerciements ne manqueront probablement pas.

Toutefois, il ne faudrait pas oublier que les liens hiérarchiques n’existent pratiquement plus en Centrafrique. Comment appliquer localement ce qui a été négocié en terre étrangère, très loin des réalités des lambeaux du pouvoir exécutif et des fiefs des groupes armés ?

Un accord tacite pour le statu quo

Si la paix et la réconciliation nationale sont, sans cesse, dans les déclarations des négociateurs, en revanche, on peut se demander si ces professionnels du poker-menteur et du double-jeu ne s’entendent pas, en réalité, pour conforter le statu quo.
Peut-on croire que Faustin-Archange Touadera, son ministre d’État et directeur de cabinet, Firmin Ngrebada, son Premier ministre Simplice Mathieu Sarandji, ses conseillers politiques, Fidèle Gouandjika et le Russe Valery Zakharov, accepteront de partager le pouvoir, notamment dans le gouvernement, l’administration et les Forces armées, eux qui préparent minutieusement la réélection, en 2021, du « président des pauvres » ?
Peut-on encore espérer que les quatorze groupes armés renoncent aussi facilement à leur rente de situation venant des trafics de diamants et d’or et des taxations sur les transhumances du bétail, alors qu’ils devraient, de surcroît, même pas faire prévaloir leur demande d’amnistie ? A l’instar des deux leaders antibalaka, Patrice-Édouard Ngaïssona et Yekatom Rombhot, vont-ils prendre le risque de se retrouver à la Cour Pénale Internationale de La Haye ?
La nomenklatura du régime du président Touadera et les razzieurs de Nourredine Adam, Ali Darass et Mahamat el-Khatim n’entendent pas perdre leurs fonds de commerce. La fin du statu quo ne leur serait-elle pas semblable à une quasi expropriation ?

Le double jeu de Bangui

Alors que le dialogue instauré à Khartoum entrait dans une phase cruciale, le lundi 28 janvier 2019, le pouvoir Banguissois organisait une manifestation populaire pour faire mettre fin à l’embargo sur les armes, alors que le Conseil de sécurité devrait se prononcer, le 31 janvier 2019, sur son maintien ou non. Événement rarissime, le meeting a été rehaussé par une harangue du Premier ministre, pleine de fiel, contre l’ONU et la France, suspectées de faire le jeu des rebelles contre les Forces armées centrafricaines. Les oreilles de Jean-Yves Le Drian ont dû siffler. N’avait-Il pas annoncer le 1er novembre 2018, un don et la livraison de 1400 fusils kalachnikovs ?

Plus grave a dû être la réaction des chefs rebelles présents à Khartoum. Les slogans pour mettre fin à l’embargo sur les armes, criés par des milliers de manifestants à Bangui, ont probablement refroidi les velléités pacifiques des rebelles présents à Khartoum.
En Centrafrique, l’Histoire repasse toujours les mêmes plats. Les mutineries, le népotisme et la corruption quasiment généralisée, les expulsions successives des locataires du Palais de la Renaissance pour mal gouvernance, les boucs émissaires qui assurent pourtant les fins de mois, les « flubustiers » des affaires et les nouveaux amis « qui veulent du bien » font partie du décor d’un pays sans véritable Etat qui est frappé d’une anomie destructrice. On ne peut que s’incliner devant la lucidité du visionnaire Barthélémy Boganda qui avait la prémonition qu’une indépendance du seul Oubangui-Chari serait suicidaire.

Mondafrique

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