Il s’appelle Wamoustoyo Germain. De grade contrôleur général des finances, il assumait jusqu’ au mercredi 5 avril 2023, les nobles fonctions d’inspecteur général des finances au ministère des finances et du budget. Ce jour – là, alors qu’il était au bureau en train de vaquer à ses occupations quotidiennes, épluchant les parapheurs, lisant des rapports et apposant sa signature au bas de certains dossiers, quelqu’un est venu toquer à la porte pour lui annoncer la triste nouvelle. Son sang n’a fait qu’un tour. Quel coup de poignard dans le dos ? Et pourtant, il était avec son ministre, le « Brouteur d’Abidjan », à un atelier à Boali tout le week-end jusqu’à son départ aux assemblées annuelles des institutions financières internationales de Bretton – Woods. Pourquoi ne lui en avait – il pas parlé, comme cela se passe entre des gens sérieux et des collaborateurs confiants ? Après tous les loyaux et dignes services rendus à l’Etat, était – ce de cette manière qu’il devait être remercié ? Que s’est – il passé ? Voilà des questions qui se bousculaient dans la tête de l’homme, très sérieusement atteint moralement et dépité.
Intégré le 27 octobre 1993 dans le corps des contrôleurs financiers par un arrêté dûment signé par le ministre de la fonction publique feu Ismaël Nimaga, M. Wamoustoyo Germain appartenait à une bande de copains décidés à apporter leur pierre à la construction de leur pays. Ils avaient saisi l’opportunité qui leur avait été offerte par l’inscription dans la loi de finances rectificative de l’exercice 92 d’une disposition relative à l’octroi au ministère de la fonction publique de 1.000 quotas à éclater entre tous les départements ministériels pour l’intégration de jeunes diplômés. Alors que l’ensemble du corps social était préoccupé par l’organisation des élections présidentielle et législatives, ils s’étaient donné rendez – vous tous les lundi, les mercredi et les vendredi sur le terrain du Basket – Ball au stade municipal dans le 1er arrondissement de la ville de Bangui, à côté du ministère de l’agriculture. Contre vents et marées et après plusieurs rencontres avec le premier ministre de la transition feu Timothée Maléndoma et plus tard avec son successeur Enoch Dérant Lakoué, et ayant réussi entretemps à braver les menaces d’arrestations proférées à l’encontre de certains membres du Comité des demandeurs d’emploi par feu Christophe Grélombé et le fameux général Komélot des EBA, ils finiront par obtenir gain de cause, le 27 octobre 1993.
Finalement, ils étaient au nombre de seize (16) demandeurs d’emploi à figurer sur leur arrêté d’intégration, au ministère des finances et du budget. Suite à un stage d’imprégnations de quatre (4) mois, passé successivement à la direction des ressources humaines, la direction de la solde, la direction générale du budget et à la direction du contrôle financier, Wamoustoyo Germain sera affecté à la direction de la prévision et des études économiques, placée sous la responsabilité de feu Serboua André. Là, tandis que ses collègues seront nommés à divers postes de responsabilité dans certains départements ministériels, il occupera successivement les fonctions de chef de section, de chef de bureau, de chef de service à la direction de la prévision et des études économiques, de directeur du budget et puis du directeur général du budget. Ce parcours élogieux se terminera à l’inspection générale des finances, suite à un passage au cabinet au poste de chargé de mission en matière de politique budgétaire et dépenses.
C’est par conséquent, un véritable expert en techniques de préparation et d’exécution du budget qui a été formaté par de grands commis de l’Etat et qui a servi de porte – plume à ses supérieurs directs, notamment à un certain Henri – Marie Dondra et un certain Hervé Ndoba qui vient d’être relevé de ses fonctions, un expérimenté dans son domaine qui est remercié comme un mal- propre, et le « Dernier des Mohicans » qui s’en va. Pour votre gouverne, cette expression provient d’un célèbre roman de la littérature américaine du XIXe siècle. En 1826, Fenimore Cooper retrace une histoire tragique dans son ouvrage Le Dernier des Mohicans. Il y met en scène un combat entre Magua, un guerrier de la tribu indienne des Hurons, et Uncas, le dernier des Mohicans. Celui-ci, ultime descendant de son ethnie, aura un destin aussi tragique que celui du peuple indien en Amérique. Plusieurs fois porté à l’écran, le roman a donné naissance à cette expression qui désigne ceux qui osent porter une cause alors même qu’elle semble perdue. Et la façon dont Wamoustoyo Germain a été limogé, ressemble fort étrangement à l’histoire de Uncas, celle d’une lutte implacable menée depuis le 30 mars 2016 par une génération de délinquants à col blanc contre les détenteurs du savoir et de la maîtrise réelle de la technicité.
Et justement, selon des sources policières et militaires, c’est parce que ce dernier voulait user de ses pouvoirs régaliens de gendarmes des finances publiques qu’il a été viré. C’est ce qui ressort d’une confidence faite à l’intéressé, quelques jours après son limogeage, par une jeune connaissance de l’Imposteur de Bangui qui ne comprenait pas pour quelles raisons l’inspecteur général des finances a été relevé de ses fonctions pour être remplacé par un homme de paille. A sa question à Touadéra, celui – ci lui dira que Wamoustoyo ne faisait jamais les comptes – rendus de ses missions et que, d’après des informations à lui parvenues, il travaillerait à être nommé au Fonds Mondial parce qu’il serait actif au CLNS. Sans fioritures, son interlocuteur du soir lui répondra que s’il y a dans ce pays un fonctionnaire qui fait son travail consciencieusement, c’est bel et bien ce Monsieur. Comme il fallait s’y attendre, l’Imposteur de Bangui ne dira plus aucun mot.
En réalité, Wamoustoyo a été relevé de ses fonctions tout simplement parce qu’il avait sommé la Société Al – Madina de régulariser sa situation fiscale. Dans ce même registre, lors d’une mission de contrôle a posteriori à Douala, il avait demandé à l’administrateur – gérant d’une Société qui, mandatée par l’Etat centrafricain et spécialisée dans l’émission et la gestion du Bordereau Électronique de Suivi de Cargaison (BESC) en Afrique, avait accumulé des arriérés dus, de s’acquitter de ses obligations dans les meilleurs délais. Seulement, Wamoustoyo Germain ignorait superbement que le propriétaire de ces deux sociétés était bel et bien un certain Touadéra ; comme convenu, ses gestionnaires lui ont fidèlement rendu compte de l’Epée de Damoclès brandie par le gendarme des finances, et surtout du refus de ce dernier de se laisser corrompre par le fils d’un certain Aziz Nassour, l’administrateur – gérant de la Société Al – Madina. Très rancunier et en fin mafioso, l’homme a usé in fine de ses pouvoirs constitutionnels de nominations à des hautes fonctions civiles et militaires pour régler ses comptes avec ce gentleman financier qui voulait lui ravir ses succulents plats de gombo avec de la viande de singe.
Sacré Touadéra !
La Rédaction