Centrafrique : L’ANE ou la chevauchée suicidaire !

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Dans l’une de ses récentes chroniques pour RFI, Jean-Baptiste Placca rappelait si justement cette citation : « Les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre ». Et d’ajouter ceci : « C’est à se demander si les dieux ne rendent pas d’abord sourds et aveugles les dirigeants politiques qu’ils veulent perdre ».

C’est, en tout cas, le sentiment largement partagé par de nombreux observateurs sérieux de la vie politique centrafricaine devant l’empressement de l’Autorité nationale des élections (ANE) à vouloir satisfaire, même contre le bon sens, les désidératas du régime de Bangui. Tout indique que les membres de cet organe théoriquement indépendant obéissent aux doigts et à l’œil aux tenants du pouvoir. Cette propension de l’instance en charge des élections à s’aplatir devant le pouvoir est un indice, un de plus, sur l’absence d’éthique et le manque d’intégrité de ses animateurs.

À preuve, lorsque que les tenants du pouvoir soutiennent, avec une conviction quasiment religieuse, que les élections doivent être organisées au plus tard le 27 décembre, les commissaires de l’ANE, la présidente en premier lieu, répondent oui seigneur. Quand les hommes du pouvoir, conscients de leur impopularité, rejettent le vote des réfugiés en dépit d’une décision de la Cour constitutionnelle, l’ANE s’incline, dans une procession digne d’une secte.

Or, et comme l’a si bien rappelé le président du Chemin de l’espérance, l’ancien président de l’Assemblée nationale, Karim Meckassoua, cette élection présidentielle « doit consacrer le vœu naturel de notre Peuple à ne former qu’un. Mais, l’acte de citoyenneté est un acte de foi dans l’avenir de notre Nation. C’est pourquoi cette volonté intime de chaque Centrafricain à exprimer dignement son choix doit être entendue, reconnue et respectée. Il ne peut être question de Centrafricains « du dedans » et de Centrafricains « du dehors », ce qui relèguerait les réfugiés et déplacés dans la condition de sous-citoyens, de femmes et d’hommes sans droit. À ceux qui ont perdu leur maison, leur foyer, leur village ou leur quartier, notre devoir est de ne pas leur opposer, par-dessus leur malheur la honte de l’éloignement civique ».

Autrement dit, on ne comprend pas entêtement de l’ANE à organiser les prochains scrutins dans les conditions actuelles ainsi que son refus de tenir compte des propositions pertinentes et des protestations des acteurs de l’opposition pour la tenue d’élections crédibles, c’est-à-dire inclusives et transparentes. Une attitude qui laisse craindre le pire parce que dans les circonstances actuelles, tous les ingrédients d’une crise post-électorale sont réunies.

Et c’est d’autant plus désolant que la communauté internationale de Bangui a choisi de se faire complice de cette mascarade. Sous le prétexte d’éviter un vide constitutionnel que créait la non-tenue des élections à bonne date, la communauté internationale est entrain de saper les fondements de la paix. Et ce, contre l’avis de la quasi-totalité des animateurs de la vie politique centrafricaine.

Sinon, cette communauté internationale de Bangui se serait empressée pour acter la réalisation d’un audit non seulement des listes électorales mais également du serveur informatique de l’ANE afin de dissiper les suspicions de fraudes, ce qui aurait extirpé les racines de la frustration qui conduisent à la contestation. Et nous autres Centrafricains sommes payés pour savoir que les élections bâclées, organisées au forceps, portent les germes d’une déflagration. Celle de 2012, consécutive à la présidentielle de 2011 et ses conséquences sur la stabilité du pays sont encore présentes dans nos esprits.

Mais pas de tout le monde visiblement, puisque, même si, dans l’immédiat, le pouvoir et l’ANE ont le sentiment de gagner la partie et qu’ils savent que le chaos ne surgira pas dès le lendemain de la présidentielle, les problèmes viendront tôt ou tard. Et ils seront surement dramatiques. Car il ne peut s’agir que d’une victoire à la Pyrrhus. Ça va leur profiter un temps mais pas durablement.

 

Rédaction de Bangui FM 

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