Centrafrique :  la garde présidentielle et les russes bloquent l’exécution d’un jugement dans l’affaire Uncmca contre Li Chun Hua

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Alors que, le lundi 2 août 2021, aux environs de 11 heures, Me Daniel Apatio, agissant dans l’exercice de ses fonctions de huissier de justice près le Tribunal de Grande Instance de Bangui, qu’assistaient des officiers de police judiciaire relevant de l’OCRB et mis à sa disposition par le procureur de la République, était en train de procéder à la saisie des biens corporels, dans le cadre de l’exécution d’une décision de justice, au siège d’une société d’exploitation minière, sis derrière Air France, il a été stoppé brusquement par des éléments de la garde présidentielle et les mercenaires russes du Groupe Wagner. Sans aucune forme de procédure et de procès, il a été sommé de déguerpir, selon des informations de sources proches des milieux judiciaires, en notre possession. Aussitôt dit, aussitôt fait. Voilà encore un acte de flagrant délit d’interférence dans la mise en œuvre d’un jugement réputé contradictoire, dans lequel sont directement impliqués des forces de défense et leurs alliés, qui doit interpeller le ministre d’état à la justice Dr Djoubaye et le premier magistrat qui s’appelle Faustin Archange Touadéra. De quoi s’agit – il ?

Conformément aux termes de l’article 2 de l’arrêté portant agrément de l’organisation non – gouvernementale dénommée « Union Nationale des Coopératives Minières de Centrafrique », en abrégé Uncmca, ce groupement a pour buts de mettre en œuvre des actions propres à garantir la promotion des coopératives en les aidant à accroître leur production et leur compétitivité, à sensibiliser, organiser les exploitants artisans miniers en coopératives et défendre leurs intérêts matériels et moraux, et à lutter contre la pauvreté, les MST/VIH/SIDA, la fraude et la contrebande qui gangrènent le secteur minier. Pour atteindre ces objectifs, l’Uncmca dispose de moyens financiers constitués de bonus de signature à prélever sur les signatures de contrat de partenariat d’exploitation et d’excavation. Le montant de ces bonus est fixé à 500.000 Fcfa, et dès les démarrages des activités d’excavation, un pourcentage de 5% est imposé sur les productions réalisées.

Mais, au lieu de se soumettre à l’observation stricte de cette réglementation, non seulement le chinois Li Chun Hua a superbement ignoré et contourné l’UNCMCA, mais surtout ce dernier n’a pas daigné régulièrement informer les autorités étatiques, pour signer un contrat manifestement illégal et non valable, le 26 août 2020, avec la coopérative minière de Gaga « CAMGA ». L’objet dudit contrat étant d’appuyer matériellement et financièrement, en sa qualité d’acheteur de diamant et d’or, Li Chun Hua a versé à la coopérative CAMGA représentée par Sieurs Pierre Senguémo et Elie Yéni la somme de 250 millions de Fcfa et leur a livré trois (3) véhicules de marque Toyota Hilux 4×4 et sept (7) motocyclettes. Toutes ces transactions ont été opérées dans le dos de l’Uncmca et à l’insu des autorités compétentes en la matière. Ces actes de flagrante violation de la réglementation a tout naturellement porté de graves préjudices à l’Union Nationale des Coopératives Minières de Centrafrique, en ce qu’ils l’ont empêchée de bénéficier de ses droits au bonus de signature de contrat de 500.000 FcFA et aux prélèvements de 5% sur les productions réalisées. D’où sa plainte contre Li Chun Hua devant le Tribunal de Commerce.

C’est ainsi que les 1er et 25 février 2020, par l’entremise de Me Daniel Apatio, l’Uncmca a fait assigner et réassigner à domicile Sieur Li Chun Hua devant le Tribunal de Commerce afin de paiement des bonus et des prélèvements de 5% sur les productions avec dommages – intérêts. En date du 04 mai 2021, le Tribunal de Commerce de Bangui, statuant publiquement par décision réputée contradictoire à l’égard de Li Chun Hua qui a mené des activités frauduleuses d’exploitation et d’excavation pendant plus de treize (13) mois, a condamné ce dernier à verser à l’Uncmca, la somme de 500.000 Fcfa à titre de bonus de signature, 305.250.000 Fcfa à titre de pourcentage de 5% sur les productions réalisées et 15.000.000 de Fcfa à titre de dommages – intérêts. Cette décision a été signifiée par la suite aux deux parties, le 1er juin 2021.

Le 13 juillet 2021, faisant suite à une requête de l’Uncmca, consécutivement à un procès – verbal de saisie conservatoire des biens meubles corporels en date du 14 juin à l’endroit de Li Chun Hua, Me Daniel Apatio a prévu la vente. En l’absence de Li Chun Hua, cette procédure a été reportée au 28 juillet 2021. C’est donc en se rendant, ce lundi 26 juillet 2021, pour  procéder à la saisie d’autres biens et à la notification d’une sommation d’assister à la vente que Me Daniel Apatio qu’accompagnaient des OPJ, a été obligé de quitter les lieux, suite à des injonctions à lui faites par des éléments de la garde présidentielle et les russes, dépêchés par Mr Dahirou,  centrafricain d’obédience musulmane, proche de Li Chun Hua en sa qualité d’interprète, qui dispose des réseaux au sein de la garde rapprochée des éléments de la sécurité présidentielle.

Aussi invraisemblable et révoltant que cela puisse paraître, nous sommes là devant un cas de flagrant délit d’entrave à l’exécution d’une décision de justice et d’interférence dans le travail de policiers, magistrats ou tout autre agent dépositaire de l’autorité publique qui est ici représenté par un huissier de justice, en la personne de Me Daniel Apatio. Il soulève une fois de plus l’épineuse question de l’indépendance de la justice et de l’état de droit, et sape dangereusement les efforts du gouvernement visant à œuvrer pour la consolidation des  valeurs démocratiques dans notre société, particulièrement celles de l’impartialité de la justice. Il confirme de manière incontestable que la justice n’est pas la même pour tous, du fait de la souillure morale de certains acteurs judiciaires, à savoir magistrats, parquetiers, juges et avocats ; elle est dite et exécutée seulement dans notre pays pour une catégorie de justiciables, proches du pouvoir. C’est ce qui nous a été rapporté par certaines sources, selon lesquelles cette entrave à l’exécution de la décision du Tribunal de Commerce aurait été l’œuvre de l’avocat de Li Chun Hua, Me Zakouangui. C’est lui qui aurait négocié et obtenu l’intervention des éléments de la garde présidentielle, par l’entremise de M. Dahirou. C’est encore lui qui aurait tenté de manipuler le directeur général des services judiciaires contre le président de l’Uncmca, aux fins d’ordonner et obtenir son arrestation.

Quelques jours seulement après la Déclaration du ministre d’état à la justice Dr Arnaud Djoubaye Abazene, lors des travaux de la 47e Session du Conseil des Droits de l’Homme à Genève le 9 juillet 2021, dans laquelle il s’est évertué à « porter à la haute attention du Conseil des avancées remarquables relatives à la situation des Droits de l’Homme en RCA et à préciser que le président de la République Chef de l’Etat, Professeur Faustin-Archange TOUADERA a placé la justice à l’épicentre de sa vision de politique publique pour un Centrafrique paisible et prospère », l’affaire UNCMCA contre Li Chun Hua a tout simplement le mérite de révéler à tous les justiciables, à l’opinion nationale et internationale et à toutes les victimes de la crise centrafricaine que l’écart du fossé entre les belles paroles du ministre et l’acte se mesure en milliards d’années – lumières. « J’ai le sentiment que notre justice est désarticulée. Elle est vraiment mal portante. Je ne pense pas que la façon dont Me Daniel Apatio, un huissier de justice, a été empêché d’exécuter une décision de justice par des hommes en tenue, soit une façon non seulement élégante, mais aussi, une façon civilisée, car nous sommes dans un Etat de droit, les institutions ont une certaine indépendance et les juges, les procureurs, les avocats comme les huissiers de justice ont droit à un respect », a martelé un avocat.

Comme l’a souligné cet avocat sous couvert d’anonymat, assurément l’acte posé par les éléments de la garde présidentielle et leurs alliés russes constitue une gifle et une humiliation envers quelqu’un qui servait et sert l’Etat. Du fait de ce qu’il remet dangereusement en cause l’engagement solennel du premier magistrat à faire de la lutte contre l’impunité et l’injustice la trame ou la colonne vertébrale de son nouveau quinquennat, il lui incombe donc  impérativement la responsabilité de réagir. En demandant des comptes à ces éléments de la garde présidentielle qui relèvent de son autorité, qui tiennent leurs ordres de lui et qui lui rendent directement compte.

La rédaction

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