Centrafrique, la difficile conciliation d’Addis-Abeba

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L’Union Africaine est au chevet de l’Accord de Paix et de Réconciliation de Khartoum, signé à Bangui le 6 février 2019 entre le pouvoir centrafricain et les groupes armés et qui est aujourd’hui en panne.

Les parties contractantes de l’accord de Khartoum ne lisent pas le document de la même façon et contestent la version qui n’est pas la leur. A partir du 18 mars 2019, l’Union africaine pourra-telle arrondir les angles et sauver l’Accord ?  Déjà bien chiffonné, ce document pourrait bien être jeté dans la corbeille à papiers, comme les sept précédents accords.

L’Accord de Khartoum maltraité

La nomination du Gouvernement de Firmin Ngrebada est loin de satisfaire les quatorze  groupes armés signataires de l’accord ainsi que les nombreux partis politiques qui comptent, hors évidemment le mouvement « Coeurs Unis » du président Touadera et de son fidèle allié Martin Ziguele avec son parti le MLPC, créé par feu Ange-Félix Patasse.  De nombreux représentants de la société civile se sont aussi élevés contre cette nouvelle mascarade du président Touadera et de son fidèle conseiller spécial, « le Chegue » Gouandjika.
En reprenant, à leur poste et selon le même ordre protocolaire, les vingt-et-uns ministres du précédent gouvernement, celui de Mathieu SimpliceSarandji, les groupes armés estiment avoir été dupés. Leurs représentants au gouvernement auraient été marginalisés à des postes non régaliens. Seuls cinq groupes armés y étaient représentés pour six postes ministériels. D’ores et déjà le FPRC de Nourredine Adam, l’UPC de Ali Darassa, le MPC de Al-Katim se sont retirés du gouvernement. D’autres ont renoncé à l’accord de Khartoum et à sa conciliation, comme le FDPC d’Abdoulaye Miskine, le protégé du président congolais, Denis Sassou-Nguesso.

Des partis politiques ont aussi quitté le gouvernement, et non des moindres, comme le KNK de l’ancien président Bozize, furieux contre le président Touadera, son ancien Premier ministre et l’URCA d’Anicet-Georges Dologuele, le challenger du second tour de l’élection présidentielle de 2016.
La réaction des groupes armés ne s’est donc naturellement pas fait attendre. Des combats sont, à nouveau, signalés et un blocus du corridor vital Bangui-frontière camerounaise menace d’asphyxier Bangui. La plupart des régions de l’arrière-pays vivent déjà en quasi autarcie et dans le dénuement.

« Addis-Abeba » pourra-t-il sauver « Khartoum »

En application de l’article 34 de l’Accord de Khartoum, certaines Parties se retrouvent donc à Addis-Abeba au siège de l’Union africaine. Il est peu probable que le Premier ministre et le Président Touadera acceptent de modifier en leur défaveur la composition du Gouvernement avec des postes régaliens offerts à des rebelles repentis.

En l’absence de toute politique de justice transitionnelle, en dehors de quelques colloques et discours de circonstances, on peut se demander si les Centrafricains s’accommoderaient aussi facilement d’une telle institutionnalisation de l’impunité.

De leur côté, les mouvements rebelles sont-ils vraiment prêts pour lâcher la proie pour l’ombre ? Un poste de ministre de l’Élevage vaut-il l’abandon de la taxation des transhumances et le vol des zébus ? Un poste irréel de modernisation de l’Administration voire même de la decentralisation viendrait-il satisfaire les comzones qui n’ont de comptes à rendre à personne ? Des postes de conseillers placardisés à la présidence, à la primature, des préfets, des directeurs sans moyens financiers et des responsables d’institutions cosmétiques seront-ils la dernière proposition de Bangui ?

Sahle-Word Zewde pourrait être de bons conseils

Les membres des délégations présentes à Addis-Abeba et les conciliateurs de l’Union africaine auraient peut-être intérêt à prendre conseil auprès de la présidence éthiopienne. Sahle-Work Zewde est Présidente de la République démocratique et fédérale d’Éthiopie depuis octobre 2018. Cette éminente personnalité était auparavant la Représentante du Secrétaire général de l’Onu auprès de l’Union africaine, après avoir été la Directrice de l’Office des Nations unies à Nairobi en 2011. Cette diplomate hors pair, d’une intégrité qui force le respect n »a-t’elle pas été une remarquable Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU à Bangui de juin  2009 à mars 2011 ?

Cheffe du Bureau Intégré des Nations Unies pour la Centrafrique ( BINUCA), le prédécesseur de la MINUSCA, madame Sahle-Work Zewde connaît toute la problématique de la crise centrafricaine et évidemment tout le personnel politique centrafricain et notamment le président Touadera et son Premier ministre. Durant son séjour centrafricain, elle a aussi pu rencontrer les chefs rebelles signataires de l’Accord de Khartoum. Il serait dommage de se passer de ses conseils aux uns et aux autres.

Mais n’est-il pas déjà trop tard ?

Mondafrique

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