Centrafrique : jusques à quand l’opposition démocratique abusera – t – elle de la patience de tout un peuple ?

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Centrafrique : jusques à quand l’opposition démocratique abusera – t – elle de la patience de tout un peuple ?

« Quousque tandem abutere, Catilina, patientia nostra ? », s’écriait, en 63 av. J. – C. en pleine séance du sénat, l’avocat romain Cicéron, alors consul, nanti des pouvoirs de chef de l’armée et du gouvernement à Rome, dans un discours appelé « Les Catilinaires » par l’écrivain Salluste, pour dénoncer le coup d’état que préparait Catilina contre la République. En reprenant aujourd’hui ces mots dans cet article, à la manière de Marcus Tullius Cicéro, nous voulons tout simplement interpeller toutes les forces vives de la nation, à savoir les acteurs politiques, les leaders de la plateforme des confessions religieuses, les leaders de la société civile, les groupes armés, les syndicats, les organisations de la femme et de la jeunesse, les étudiants et les élèves sur la situation combien dramatique que vit notre pays et sur leurs responsabilités dans cette tragédie.

Comme à l’époque de Rome, la République centrafricaine est en pleine crise. Suite aux élections catastrophiques du 27 décembre 2020, marquées singulièrement par des actes de graves irrégularités dont l’incontestabilité a fini par leur dénier tout critère de démocratie, de sincérité, de crédibilité, de transparence, d’inclusivité, et de liberté, à l’issue desquels le candidat Touadéra a été déclaré élu par l’ANE par seulement 17% du corps électoral et desquels plus de 300.000 Centrafricains ont été délibérément exclus, l’illégitimité criarde du pouvoir est source de vives contestations politiques.

En outre, le refus systématique et systémique de l’Imposteur de Bangui d’engager un dialogue politique inclusif avec l’ensemble du corps politique et social, les groupes armés y compris, le recours aux mercenaires du Groupe Wagner et rwandais pour combattre les rebelles de la Coalition des Patriotes pour le Changement, les restrictions des libertés individuelles et collectives, suivies de la chasse aux opposants par les milices à la solde du pouvoir, l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques et de règlements de comptes, le rapport très accablant du Groupe des experts de l’Onu sur les graves exactions, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité perpétrés par les Faca et leurs supplétifs russes sur des populations civiles, la suspension de coopération militaire avec la France, le retrait de ses appuis budgétaires et des aides internationales, les discours de haine et d’appels à la violence et la politique de désinformation contre la France, ses ressortissants, ses intérêts, et les autres partenaires occidentaux, ont constitué de riches terreaux de diverses revendications et des montagnes de mécontentements dans tous les compartiments de la société. Avec le limogeage de la présidente de la cour constitutionnelle, le 24 octobre 2022, dans le seul but de s’octroyer une présidence ad vitam aeternam, l’Imposteur de Bangui a franchi le rubicond. Par cet acte de coup d’état constitutionnel, il s’est rebellé contre la République et les institutions nationales, et s’est rendu passible du crime de haute trahison.

Face à la vacance du pouvoir créée par ce coup d’état constitutionnel et afin de rétablir l’ordre constitutionnel dans les meilleurs délais, des Centrafricaines et des Centrafricains de la Diaspora se sont réunis à Paris début novembre 2022 pour créer le Conseil de Résistance et de Transition sous la responsabilité du Pr Jean – François Akandji Kombet. Ayant essentiellement pour mission d’organiser la Résistance, de représenter les centrafricains et la République Centrafricaine et de préparer l’après Touadéra, ce mouvement est venu s’ajouter au Bloc Républicain pour la Défense de la Démocratie regroupant les principaux partis politiques de l’opposition démocratique qui considère Faustin Archange Touadéra comme l’ennemi du peuple centrafricain et qui, depuis lors, ne cesse d’appeler à sa démission ou à sa destitution.

Mais si, en 63 av. J.-C, face à la faillite politique et morale, à la corruption, aux inégalités sociales et à la concentration des pouvoirs et de l’économie entre les mains des privilégiés, les Lucoples, Lucius Sergius Catilina, noble ruiné et corrompu, fomentait clairement, après plusieurs échecs au consulat, le projet de s’emparer de l’État romain par la force, fédérant pour cela divers mécontentements, et envisageait d’incendier la ville de Rome et de massacrer une partie de l’aristocratie, tout en abolissant les dettes, il n’en est absolument rien aujourd’hui pour l’opposition démocratique centrafricaine, toutes tendances confondues. A l’exception de quelques meetings tenus dans la capitale, des communiqués de presse et des déclarations sur la situation politique et socio – économique du pays, l’opposition démocratique n’a jamais fomenté un projet de nature à déstabiliser le régime, à inquiéter et à faire peur à Touadéra, comme il a été reproché à Catilina illo tempore.

En effet, alors que certains acteurs politiques qui ne sont pas des moindres prétendent être toujours entre deux avions, répondent régulièrement absents au téléphone, et ne cessent de dire à leurs proches collaborateurs qu’ils utilisent leurs précieux carnets d’adresses pour attirer l’attention des différents partenaires sur le drame du peuple centrafricain et gérer l’après Touadéra, d’autres affirment et soutiennent à leurs invités de nuit que tout est terminé pour l’Imposteur de Bangui, que seulement le jour et l’heure de son départ ne sont pas connus, et que bientôt on parlera de lui au passé. Cependant, pour la plèbe, rien ne se passe et les jours passent et se ressemblent. Du fait des Faca et leurs supplétifs russes, chaque jour apporte son lot de malheurs, de tueries, d’incendies de maisons et de villages, et de déplacements de populations, sans aucune lueur d’espoirs pour la mise en exécution « ad litteram » de la feuille de route de Luanda, le respect strict de la déclaration du cessez – le – feu du 15 octobre 2021, et le retour effectif de la paix et de la sécurité sur toute l’étendue du territoire national. Cette absence de réactivité de la part de l’opposition démocratique permet à Touadéra, quoique démissionnaire « de jure ac de facto » de ses fonctions, isolé diplomatiquement et privé des appuis financiers de la part de la communauté internationale, de continuer d’avancer dans ses entreprises funestes et  de faire dérouler son plan visant à organiser son référendum constitutionnel pour adopter et imposer sa nouvelle constitution à tous.

Afin de briser les élans ubuesques de ce roublard professionnel, il est impératif que l’opposition démocratique puisse désormais faire siennes les méthodes « violentes » de Catilina. Cela voudrait dire que tous acceptent « hic et nunc » de se faire violence, rompre avec leurs égos, taire leurs discordances, cesser de travailler pour leur propre chapelle, à l’exemple de la dernière réaction téléphonique de la présidente de la transition Cathérine Samba – Panza à Touadéra lui demandant de se rendre à Malabo aux fins d’implorer le pardon du président équato – guinéen Théodoro Obiang Nguéma Mbasogo pour ne pas mettre dans le premier courrier sa fille à destination de la République centrafricaine en représailles à la manifestation projetée contre l’ambassade de la Guinée – Equatoriale à Bangui par la bande à Kossimatchi et Autres, et d’enterrer leur hache de guerre pour revêtir le costume de l’unité, de la concorde nationale et de la justice sociale et consensuelle et brandir enfin l’épée de la victoire. En effet, fondée sur les dispositions de l’article 29 de la constitution, selon lesquelles : « En cas de coup d’Etat, d’agression par un Etat tiers ou par des mercenaires, les autorités habilitées par la Constitution ont le droit et le devoir de recourir à tous les moyens pour rétablir la légitimité constitutionnelle, y compris le recours aux Accords de coopération militaire ou de défense en vigueur. Dans ces circonstances, tout citoyen ou groupe de citoyens a le droit et le devoir de s’organiser d’une manière pacifique, pour faire échec à l’autorité illégitime », cette union reste et demeure une redoutable arme pour venir à bout de toutes les pernicieuses manœuvres ourdies par Touadéra contre la République.

Pour ce faire, toutes les forces vives de la nation, la société civile et les groupes armés sans exclusive y compris doivent se retrouver impérativement autour d’une table dans une capitale africaine dans les meilleurs délais pour une rencontre de vérité sur la situation politique de notre pays à l’heure actuelle et sur l’après – Touadéra, sous les auspices de la communauté internationale. Comme Catilina qui, en 63, avait quitté précipitamment le sénat pour aller rejoindre ses lieutenants Lentulus, Cethegus et Autres dans les gorges de l’Etrurie, tout comme les groupes armés tchadiens qui s’étaient retrouvés pendant plusieurs jours à Doha, l’opposition démocratique centrafricaine est tenue de se rassembler pour traiter sans fioritures des causes profondes de la crise centrafricaine et adopter une feuille de route commune, consensuelle et fédératrice, assortie de très fortes recommandations, et suivie d’une chronologie d’actions robustes à mener aux fins de chasser Toudéra du pouvoir, et de gérer la transition pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel, après l’organisation des élections véritablement démocratiques.

De Washington à Bruxelles en passant par Paris, Addis – Abéba, et Luanda, c’est ce que la communauté internationale attend de nous : « Que nous parlions le même langage et que nous unissions toutes nos énergies positives pour définir et adopter ce que nous voulons faire de notre pays, après le départ de ce Monsieur ! » De ce fait, il est grand temps que Méckassoua, Tiangaye, Dologuélé, Ziguélé, Kamoun, Bokassa, Bendounga, Noureidine et Autres acceptent courageusement de passer de leurs statuts des « optimates » au misérable rang des « populares », et de se lever promptement comme un seul homme pour mutualiser leurs forces et extirper la République du fond des abysses de l’enfer, de la tourmente éternelle et des pires humiliations dans lesquels un certain Touadéra l’a plongée depuis plus de sept ans.

Jean – Paul Naïba

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