CENTRAFRIQUE: JOURNALISTE EN DANGER

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Analyse

« Affaire OCRB contre Jean-Paul Naiba et le journal Le Démocrate »: L’OCRB, ses commanditaires et les ennemis de la presse se sont lourdement trompés de cible et d’adversaire

         L’Office central de répression du banditisme (OCRB), qui faisait la fierté de tout un peuple et singulièrement des forces de défense et de sécurité du temps des célébrissimes commissaires Mazangué (†), Likoundou (†), Patchianga et du jeune Yves-Valentin Gbéyoro, pour ne citer que ceux-ci, est en train de tomber bas et de perdre son aura d’antan et son sens en se trompant de cible sinon d’adversaire, en se battant comme un beau diable pour arrêter d’une manière arbitraire et honteuse un journaliste à son lieu de travail sans aucun mandat, en violant le siège d’un organe de presse pourtant protégé par la loi, et en mettant à la trousse de «son journaliste recherché» des individus dont la place même est en prison, les gens comme les tristement célèbres Pablo et autres.

En effet, s’il s’agit d’un délit de presse présumé commis par Jean-Paul Naïba, journaliste analyste au quotidien Le Démocrate et directeur de publication de la presse en ligne « La voix des sans voix », la procédure légale doit être respectée, au lieu de se comporter comme des hors-la-loi, ce qui déshonore souvent nos porteurs de tenue. Car nous sommes dans un Etat de droit et les journalistes ont aussi des droits, contrairement à ce que croient les ennemis de la presse et leurs commanditaires, prêts à utiliser la justice et les forces publiques pour sévir contre les journalistes et les organes de presse.

Depuis la tentative échouée d’arrestation du journaliste Naïba (photo ci-contre) à son lieu de travail (acte que nous dénonçons vigoureusement et condamnons avec la dernière énergie), la cote de popularité du commissaire Bienvenu Zokouè, ci-devant directeur de l’OCRB est tombée en chute libre et l’homme est carrément vomi dans le milieu de la presse et même dans certains milieux judiciaires et diplomatiques. Car se déplacer lui-même avec un bataillon de policiers antigangs pour aller arrêter un journaliste à son lieu de travail, un journaliste sans arme et qui n’a que sa plume pour écrire, alors que le wanted « Force » est là à côté et nargue tous les jours l’OCRB, le GIGN, la MINUSCA, les FACA et insulte même le président de la République, il y a là quelque chose de totalement illogique dans le modus vivendi et le modus operandi de l’OCRB.

Le colonel Zokouè peut-il nous dire le nom d’un seul bandit qui existerait au sein du journal Le Démocrate ou de tout autre organe de presse de la place, et qui ferait pire que les bandits du Km5?

       L’OCRB a-t-il été créé pour s’occuper des journalistes qui donnent des informations vraies et vérifiables, ou pour traquer et mettre hors d’état de nuire des bandits comme « Force », Ali Darass, Al-Khatim, Abdoulaye Hissène, Nourredine Adam et consorts?

Lorsqu’il aura réussi l’exploit d’arrêter le journaliste Jean-Paul Naïba pour se voir décerner le grade de général de police, le grand banditisme n’existera-t-il plus à Bangui et en provinces?

Le journaliste qu’il recherche est-il celui là qui empêche les policiers de l’OCRB de dormir aux côtés de leurs femmes la nuit?

 Lorsque le commissaire Louis Mazangué était nommé chef de service pour lutter contre le grand banditisme dans tout Bangui, il avait réussi, en moins d’un (1) an, à démanteler les différents réseaux des grands bandits de Bangui, Bégoua et Bimbo, et à mettre hors d’état de nuire les tristement célèbres Bélla, Tchözö, Camille, Gondo, Petit Chinois, Tanaka, et autres. Mais depuis deux (2) ans que Zokouè est à la tête de l’OCRB, a-t-il réussi à démanteler un seul réseau de malfrats de Bangui et à ne plus faire entendre parler d’eux? Si oui, lequel? Un seul exemple, si modeste soit-il.

La guerre que l’OCRB est en train de mener contre le journaliste indépendant Jean-Paul Naïba et, partant, contre la presse privée et indépendante de Centrafrique, n’a aucun sens et n’a aucune chance d’aboutir parce qu’ils se sont trompés d’adversaire et de cible. Elle est perdue d’avance parce que:

-d’abord, elle n’a aucun fondement juridique, éthique et historique. Aucun texte de loi n’autorise le directeur de l’OCRB à violer le siège d’un organe de presse pour aller « cueillir » un bandit créé de toutes pièces, pour ne pas dire imaginaire. Le directeur de publication du journal Le Démocrate est en mesure de déposer plainte contre M. Zokoué et l’OCRB pour violation de siège de son journal, violation de domicile privé, terrorisme, et abus de pouvoir. Car le siège d’un organe de presse n’est pas un lieu de démonstration de force des commandos de la police;

-ensuite, il y a vice de forme et de procédure dans la manière de gérer « son affaire » de délit de presse présumé. La loi est claire en la matière et ne prévoit que la procédure de citation directe (cf. Article 114 de l’Ordonnance n°05.002 du 22 février 2005 relative à la liberté de communication en République centrafricaine). Et d’ailleurs, s’agit-il réellement de délit de presse qu’on reproche à Jean-Paul Naïba? Sinon, que viennent faire des affaires de quartier dans une rédaction de journal? Aucun chef ou gradé de l’OCRB n’a le droit de transposer des affaires de quartier dans les rédactions des organes de presse. Il n’a non plus le droit de marcher sur la loi sur la liberté de la communication qui prévoit les délits de presse et la procédure de traitement judiciaire desdits délits. S’il est un bon OPJ, il doit apprendre à respecter la loi, sinon la loi le rattrapera un jour. Qu’il sache qu’en droit, la forme tient le fond en l’état. Donc si la forme est viciée au départ, il n’aura que ses yeux pour pleurer;

-on ne tue jamais la vérité;

-enfin, la question de l’opportunité de son action se pose sérieusement. Est-ce vraiment le moment d’arrêter des journalistes pour des affaires bidon, sans intérêt pour le pays, alors que la Cour pénale spéciale (CPS) et les partenaires au développement sont en train de former les journalistes pour accompagner la longue session criminelle qui s’annonce, et contribuer au rétablissement d’un climat de paix et de cohésion sociale dans le pays? Pourquoi ne va-t-il pas arrêter «Force» qui déclare depuis longtemps l’attendre là-bas, là où il sait déjà?

On le voit, le directeur de l’OCRB est en train de faire une très mauvaise publicité de son autorité de nomination, le président Faustin Touadéra, et on peut se demander si, à travers son comportement, il n’est pas en train de tendre une peau de banane sous les bottes ou sur les routes du président Touadéra, lui que justement les journalistes et professionnels des médias reprochent pas mal de choses par rapport à leur secteur d’activité et n’attendent qu’une occasion en or pour décocher. Eh oui !!!

Si Touadéra a le sens de responsabilité et est un bon stratège politique, il doit prendre incessamment des mesures contre ce comportement de l’OCRB digne des régimes de triste mémoire.

 Pédagogie journalistique oblige, lorsqu’on veut reprocher un grief à quelqu’un, il faudrait que le juge qui a la compétence du délit soit saisi par une plainte et une convocation judiciaire doit parvenir à la personne mise en cause au moins deux (2) jours avant la date de comparution. Cela n’est malheureusement pas le cas dans cette « Affaire OCRB contre le journaliste Jean-Paul Naïba ».

Selon la procédure de citation directe prévue à l’article 114 de l’Ordonnance du 22 février 2005: «La citation doit, à peine de nullité, préciser et qualifier les faits incriminés. Elle doit indiquer le texte de loi applicable à la poursuite ». La journaliste Jean-Paul Naiba n’a malheureusement reçu à ce jour une citation directe en bonne et due forme comme le prévoit la loi.

A y voir donc de près, il s’agit d’un abus d’autorité grave et un acte de terreur exercé par le directeur de l’OCRB, lequel s’est permis de débarquer au siège du journal « Le Démocrate » avec ses éléments (plus de 20, paraît-il, puisqu’il y en avait qui étaient positionnés à l’entrée de la concession qui abrite Le Démocrate) dans le but avoué de traquer et arrêter un journaliste, comme si c’était « Force » qu’on allait traquer pour livrer à la justice de notre pays.

Il convient de rappeler aux policiers, militaires et gendarmes de ce pays  « l’inviolabilité du domicile et des lieux de travail» qui est un sacro-saint principe. La constitution, qui est la loi fondamentale et la loi suprême du pays, stipule en son article 19 que «Le domicile est inviolable. Il ne peut y être porté atteinte que par une décision de justice et, s’il y a péril en la demeure, par les autres autorités désignées par la loi, tenues de s’exécuter dans les formes prescrites par celle-ci».

 A la lumière de cet article, on est obligé de dire que le premier responsable de l’OCRB et ses éléments ont violé la constitution pour faire ce qu’ils veulent.

Manque-t-il de gens qui méritent d’être traqués de force et mettre en geôle dans ce pays? C’est sous la barbe et le nez de l’OCRB qu’au Km5, le général « Force » continue de tuer et de défier les autorités du pays, y compris les forces de sécurité intérieure. Pourquoi ne pas se déporter au Km5 avec ses gardes du corps pour traquer « Force » qui se fait parler de lui toujours en mal? La situation du camp Béal qui est devenu actuellement le réceptacle des bandits de grand comme de petit chemin, n’interpelle-t-elle pas le colonel Zokoué?

La population centrafricaine se réjouirait de voir l’homme fort de l’OCRB libérer le Camp Béal, l’enclave musulmane du Km5 et autres villes occupées par les seigneurs de guerre. Hélas !

Si la direction du journal Le Démocrate accepte cette violation de son siège par des policiers, gradés et hauts gradés pourtant tenus de part les devoirs de leur charge de respecter les textes juridiques en vigueur, le quotidien MEDIAS+ pour sa part ne tolérera jamais cela. Pour rien au monde ! Car nul n’est au-dessus de la loi.

Damoclès Diriwo

Source: Médias Plus N°1993 du Vendredi 05 Octobre 2018

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