Centrafrique : « Hé vous, que faites – vous ici ? Dégagez ! »

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M. Flavien Mbata, qui est autorisé à utiliser les menottes  dans l’exercice de ses fonctions ?

Il y a quelques jours dans la capitale centrafricaine, plusieurs corps sans vie ont été découverts dans les eaux de l’Oubangui, non loin du Camp de Roux, l’un des hauts lieux sécurisés de la République. En état de décomposition suffisamment avancé, certains ont eu la tête décapitée, d’autres des mains « ligotées ou menottées ». C’est l’odeur nauséabonde qu’ils dégageaient du fait de la putréfaction qui avait fini par attirer l’attention des passants et des petits commerçants qui se rendaient au Centre – ville ou qui en repartaient tout simplement vers Kassaï et Ouango.

Avec des piroguiers, ils ont alerté les éléments des forces navales et ont demandé leur aide pour les évacuations des corps, mais ceux – ci, fort étonnement, ont prétexté de manque de carburants pour pouvoir effectuer le déplacement. Pis, ces derniers n’ont même pas daigné prendre leurs responsabilités, selon des informations en notre possession, afin de tenir immédiatement informées les autorités judiciaires pour des dispositions pratiques et l’ouverture d’une enquête. Tout compte fait, c’est avec le concours de la Croix Rouge que certaines de ces dépouilles ont été enlevées et inhumées plus ou moins dignement. Seulement, l’une d’entre elles, celle de Peggy, en état de biodégradation totalement achevé, qui  ne pouvait pas être transporté, a été mise en terre à la hâte quelque part aux abords de la route, au bas de la colline.

Cette situation ne peut tout naturellement, s’agissant des vies humaines brutalement arrachées et des destins de leurs familles brisés à jamais, sans que l’on ne sache ce qui leur est reproché, suite à d’atroces actes de tortures et des traitements inhumains, humiliants et dégradants, que nous émouvoir et faire brûler en nous l’impérieux devoir d’interpeller le ministre de la justice Flavien Mbata, le procureur général près la cour d’appel de Bangui Didier Eric Tambo et les autorités judiciaires à ce sujet. Cette démarche par la force des mots est d’autant plus justifiée que certains de ces corps sans vie que charriaient les eaux en crue de l’Oubangui, avaient les mains menottées. Ce qui nous oblige à nous poser la question de savoir quel corps de fonctionnaires et agents de l’Etat est autorité par la loi à utiliser des menottes.

La réponse de Wikipedia est sans appel : « Les menottes sont des sortes de bracelets souvent métalliques reliés par une chaîne ou une charnière, servant à entraver les mains d’un individu, restreignant ainsi partiellement ou totalement les gestes. Chaque bracelet se décompose de deux parties dont une, amovible, s’engage avec un cliquet dans la première refermant ainsi le mécanisme autour du poignet. Le cliquet peut ensuite être verrouillé. Cela empêche les bracelets de se serrer davantage sur les poignets de la personne (risque de lésions). Il faut une clef pour débloquer le mécanisme et libérer les mains. Certaines menottes nécessitent une deuxième clef pour être ouvertes. Les menottes sont souvent utilisées par les policiers et autres gendarmes. »

Ainsi donc, les fonctionnaires et agents qui ont le droit de se servir de ces instruments sont des policiers et des gendarmes et relèvent des institutions nationales communément appelées «  la police nationale et la gendarmerie nationale ». Depuis l’avènement du Gangster de Bangui au pouvoir, le 30 mars 2016, placées sous l’autorité du ministre de l’intérieur, le général Wanzet Linguissara qui prend ses instructions directement de ce dernier et lui rend fidèlement compte, pour l’accomplissement des missions de sécurité intérieure et agissant dans le respect des règles du code de procédure pénale en matière judiciaire, la police nationale et la gendarmerie nationale ont pour mission d’assurer la défense des institutions et des intérêts nationaux, le respect des lois, le maintien de la paix et de l’ordre publics, la protection des personnes et des biens.

Mieux, selon le Code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale, il est expressément fait mention de ce qui suit : « Toute personne appréhendée est placée sous la protection des policiers ou des gendarmes et préservée de toute forme de violence et de tout traitement inhumain ou dégradant. Nul ne peut être intégralement dévêtu, hors le cas et dans les conditions prévus par l’article 63-7 du code de procédure pénale visant la recherche des preuves d’un crime ou d’un délit. Le policier ou le gendarme ayant la garde d’une personne appréhendée est attentif à son état physique et psychologique et prend toutes les mesures possibles pour préserver la vie, la santé et la dignité de cette personne. L’utilisation du port des menottes ou des entraves n’est justifiée que lorsque la personne appréhendée est considérée soit comme dangereuse pour autrui ou pour elle-même, soit comme susceptible de tenter de s’enfuir ».

Fort de tout ce qui précède, les questions suivantes méritent bien d’être posées aux autorités en charge de l’exercice du droit de la justice  dans notre pays : D’abord, M. le ministre de la justice et garde des sceaux Flavien Mbata, que dites – vous de ces nombreux cas d’assassinats dont sur certains corps il a été observé l’usage des menottes ? Ensuite, M. le procureur général près la cour d’appel de Bangui, Didier Eric Tambo, vous qui êtes totalement disposés à envoyer en prison de simples leaders d’opinion, n’avez – vous pas été informés des cas de ces corps mutilés et retrouvés dans les eaux de l’Oubangui ? Enfin, M. Laurent Lengandé, le cliché en vigueur dans toute société démocratique comme la nôtre n’est – il pas de faire des procureurs de la République des accusateurs publics, qui ne sont satisfaits qu’en cas de condamnation, de préférence lourde, tout comme l’avocat ne se réjouit que de l’acquittement, de la relaxe et du non lieu, tout autre résultat étant invariablement qualifié d’échec ? Le ministère public ou procureur de la république ou les parquetiers ne représentent –ils pas, au sens juridique, la société, comme l’avocat représente son client ? Le client du procureur, c’est la République, n’est – ce pas ? Pourquoi alors êtes – vous restés si silencieux après ces macabres découvertes ?

Les réponses à ces interrogations tant légales que légitimes, manifestement fondées et incontestables sont à rechercher et décortiquer dans le silence ambigu et gênant des éléments des forces navales qui, en avançant maladroitement l’argumentaire du manque de carburants pour se déplacer, ne voulaient pas en réalité s’attirer la foudre de leur hiérarchie. En effet, dans une ville hermétiquement quadrillée par des FDSI et dans une zone où se trouvent les hauts lieux de la République et le Camp de Roux, toute information est immédiatement connue de tous, selon le langage des initiés, mais aussitôt verrouillée au grand public et aux profanes.

Ces hommes et cette femme ont sans aucun été enlevés, torturés et assassinés, et leurs corps jetés ensuite dans les eaux de l’Oubangui. C’est ce qui aurait été confirmé par deux taxis – motos qui, dans les premières lueurs de ce jour – là, auraient vu un pick-up de marque Toyota Nissan de couleur blanche garer au bord de la route dans ce bas – fond de la colline. Alors que des hommes s’activaient à y faire descendre des objets, un autre habillé en boubou qui,  entretemps était descendu, leur avait lancé ces mots pleins de menace, mais curieusement dans une tonalité de centrafricain de souche : « Hé vous, que faites – vous ici ? Dégagez ! »

La rédaction

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