Centrafrique / Etats – Unis : l’Ami des Centrafricains, l’ambassadeur américain Daniel Howard Simpson est décédé !

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MORT DE L’AMBASSADEUR DANIEL HOWARD SIMPSON (Félix Yepassis-Zembrou)
Bangui, le 06 février 1990. Le grand hall du Palais de la Renaissance richement décoré brille de tous ses éclats. Les drapeaux des USA et de la RCA flottent côte à côte. Les hymnes nationaux des deux pays sont exécutés. Le nouvel ambassadeur des États-Unis d’Amérique, Daniel Howard Simpson a présenté ses lettres de créances au président de la République, André Kolingba. Le lendemain, il s’envole pour la France où il rencontre Libby, qui deviendra son épouse lors d’un mariage sobre célébré à la mairie de Bangui. Madame Simpson est une femme exceptionnelle qui aime la culture et les beaux arts. « Souvent elle organisait à la résidence des États-Unis, des soirées débats et des soirées culturelles auxquelles elle conviait pianiste et autres artistes venus de l’hexagone. D’autre part, elle avait le contact facile notamment avec les femmes leaders du pays. Celles-ci l’aidaient à s’habiller en pagne avec foulard assorti à l’occasion des fêtes du 1er décembre et du 04 juillet », se souvient Guillaumine Gazambeti Willybiro, ancienne attachée aux affaires culturelles à l’ambassade américaine, sise avenue David Dacko à Bangui.
Quant au mari, l’ambassadeur Daniel Simpson (Dan pour les Américains), les Banguissois, particulièrement les chauffeurs des taxis-bus et les piétons étaient habitués à le voir le soir, marcher sans escorte, sur la route menant du centre ville à Ngaragba en bordure de la rivière Oubangui. Il a su tisser des liens étroits avec tous les acteurs de la vie publique ainsi qu’avec les populations de l’arrière-pays où il se rendait régulièrement. Et à chaque visite, il ramenait des commissions voire des provisions (gibier, manioc…) pour son personnel local. Fortune Kinguelewa qui a eu la joie de travailler à ses côtés, garde de lui les souvenirs.d’un homme très attaché à l’Afrique.
Il faut dire que Daniel Simpson est arrivé à Bangui dans un contexte particulier où tous les ingrédients étaient réunis pour l’effondrement de l’ordre mondial. Dans la foulée, sur le continent, la conférence France-Afrique de la Baule a sonné le glas du système du parti unique, ouvrant ainsi la voie à la démocratie avec son corollaire, le multipartisme. Mais si d’autres pays de la sous-région ont adopté, la mort dans l’âme, ce nouveau courant politique, en Centrafrique par contre, le président de la république, André Kolingba a voulu être prudent. Pour lui, « chacun devrait aller à son rythme », c’est-à-dire lentement mais sûrement selon les réalités centrafricaines . Pour cela, il a préconisé une autre forme de multipartisme à la centrafricaine, c’est-à-dire multi tendanciel où toutes les sensibilités seraient appelées à s’exprimer librement au sein d’un seul parti le RDC. Le congrès du parti tenu à Berberati du 18 au 23 octobre 1990 a servi de cadre pour débattre de la question. Les discussions ont été houleuses. Les partisans du maintien du parti unique étant les plus nombreux.
Cependant, pour certains comme Jean-Eudes Teya et Joseph Abossolo, cette nouvelle donne était incontournable tant le vent d’est soufflait avec force sur le continent. Finalement, devant la poussée internationale l’on se résolut à adopter en juillet 1991 le multipartisme. Du coup, une floraison de partis politiques naguère clandestins virent officiellement le jour et les langues se délièrent pour réclamer haut et fort la convocation de la conférence nationale souveraine dont les effets immédiats s’apparentaient quelque peu à un coup d’Etat constitutionnel comme au Bénin, au Togo et au Congo.
De son côté, le pouvoir exécutif fit entendre un autre son de cloche. Le multipartisme, oui. Mais la conférence nationale souveraine telle que préconisée par les CCCCN sous la houlette du Pr Abel Goumba et Aristide Sokambi, il n’en était pas question. Aussi s’employa -t-il à traquer tous les signataires de la lettre ouverte du 20 mars 1990 rédigée sous la plume de l’impétueux ancien ministre de la Justice François Gueret, destinée à recueillir le maximum d’adhésions à la tenue de la dite conférence. Cette mesure augmenta d’un cran la tension sociale, en donnant du champ à l’opposition qui s’employa à multiplier les manifestations de grande envergure : désobéissance civile, grèves, incessantes réunions syndicales à la Bourse du Travail, mettant à contribution une population durement éprouvée par les arrières de salaires, la baisse du pouvoir d’achat et le risque d’une année blanche.
Pendant ce temps, la côte de popularité du chef de l’Etat baissait inexorablement. Ses rares sorties en public donnaient lieu à des huées et des jets de pierre notamment dans les quartiers nord acquis à l’opposition.
Par ailleurs, le pouvoir dut faire face au cours de la même année à une épreuve de force : le décès de docteur Claude Conjugo, le 1er août 1992. L’armée avait violemment réprimé au gaz lacrymogène, matraques et coups de crosse, une manifestation interdite de l’apposition entraînant la mort de ce militant du parti ADP de François Pehoua. Ses obsèques furent un événement populaire sans précédent, mobilisant les formations politiques, la société civile, les associations et syndicats. Une véritable marée humaine accompagna la dépouille à pied, depuis la cathédrale Notre Dame de Bangui où une messe a été dite, jusqu’au cimetière de Ndress en passant devant le palais de la Renaissance fortement gardée par les éléments la sécurité présidentielle armés jusqu’aux dents.
A la tête du cortège, les leaders de la CFD (Concertation des forces démocratiques) aux côtés desquels une présence très remarquée, celle de l’ambassadeur, Daniel Simpson.dont la sympathie pour l’opposition ne faisait l’ombre d’aucun doute. D’ailleurs, on l’a vu à maintes reprises à la veillée mortuaire au domicile du défunt, au quartier Lakouanga (face au Bulding administratif), ce qui confirmait la thèse selon laquelle l’administration américaine apportait un appui inconditionnel à l’opposition démocratique dans sa lutte pour la conquête du pouvoir.
Tandis que le convoi se dirigeait vers le cimetière, mon équipe et moi reçûmes l’ordre de nous infiltrer dans la foule afin de filmer l’ambassadeur américain. L’objectif étant de le discréditer aux yeux de l’opinion publique internationale. Car pour l’Exécutif, en outrepassant ses prérogatives diplomatiques, Simpson devenait un élément subversif dangereux. Je passai la consigne au caméraman Jean de Dieu Poutifalya et au preneur de son, Michel Lingoula. Mais à mon grand étonnement, mes deux collaborateurs refusèrent d’obtempérer, non pour des raisons partisanes mais tout simplement par peur d’être lynchés par une foule en colère qui aurait vu en nous les symboles du pouvoir.
Il est clair que Daniel Simpson n’avait jamais caché son aversion à l’égard du régime d’André Kolingba dont il souhaitait voir la défaite électorale avant de quitter le pays. Malheureusement, il fut rappelé par Washington au lendemain des scrutins ratés du 25 octobre 1992, soit neuf mois avant la présidentielle de septembre 1993 ayant conduit à l’élection d’Ange Félix Patassé. Il aura néanmoins l’honneur d’être représenté par son épouse aux festivités de la « Victoire » le 1er décembre de la même année à Bangui.
Après avoir été l’envoyé spécial du gouvernement américain à Mogadiscio dans la crise somalienne en 1993, Daniel Simpson est nommé en 1995, ambassadeur des États-Unis d’Amérique au Zaïre jusqu’à la chute de Mobutu Sesse Seko en 1997.
Puis, il est resté en RDC une année pendant l’avènement de Laurent Kabila avant de regagner les États-Unis en 1998. C’est en 2001 qu’il a pris sa retraite. L’ambassadeur Daniel Howard Simpson est mort le 06 juin 2022 à Bethesda, dans le Maryland, à l’âge de 82 ans. L’on retiendra de lui l’image de l’homme qui a œuvré dans l’ombre pour l’instauration de la démocratie en Centrafrique, grâce à une diplomatie dynamique et agissante dont il excellait. En outre, il était un grand amoureux de la République Centrafricaine, pays qu’il a parcouru de long en large avec le sentiment d’y avoir trouvé auprès de sa population un trésor inestimable : l’hospitalité.
Nous présentons nos condoléances à son épouse et à sa famille en ayant une pensée pour tous les leaders politiques centrafricains, aujourd’hui disparus, qui ont joué un rôle non négligeable dans le processus démocratique en Centrafrique. Nous citerons entre autres, André Kolingba (RDC) David Dacko (MDD), Ange Felix Patassé (MLPC), Timothée Malendoma (FC), Katossy Simany Dakwani (UPDS), Claude Conjugo (ADP), François Pehoua (ADP), Abel Goumba (FPP). FYZ »
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