Centrafrique : Entre Touadéra et Bozizé, un dernier round avant un nouvel exil ?

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POLITIQUE

Entre Touadéra et Bozizé, un dernier round avant un nouvel exil ?

L’ancien président centrafricain François Bozizé va-t-il devoir quitter N’Djamena ?
Faustin-Archange Touadéra semble en tout cas décidé à l’éloigner définitivement de
son pays, et même de la région.

LE MATCH – En ce 14 décembre 2022, à Washington, la Maison-Blanche a revêtu ses habits de fête. Dans l’East Room, un sapin de près de quatre mètres de haut, tout enguirlandé, illumine les lieux, signe de l’approche des célébrations de Noël. La grande salle de réception est bondée. Il est un peu plus de 19h, et le président américain, Joe Biden, s’apprête à prendre la parole. Il la cédera ensuite au Sénégalais Macky Sall, puis offrira un dîner de gala à ses homologues africains venus prendre part au sommet États-Unis-Afrique. Champagne, chandelles… L’ambiance est détendue.

L’encombrant Monsieur Bozizé

Le long de l’une des tables de réception, deux hommes sont assis côte à côte. Le militaire de carrière tchadien Mahamat Idriss Déby Itno et l’ancien professeur de mathématiques centrafricain Faustin-Archange Touadéra n’ont que peu en commun. Mais les deux chefs d’État n’en ont pas moins, depuis plusieurs mois, un même sujet de préoccupation : le sort de François Bozizé. L’ancien président de la Centrafrique vit en effet toujours à N’Djamena, d’où l’actuel détenteur du pouvoir à Bangui l’accuse de vouloir le renverser.

À Washington, Touadéra a donc pris le dossier en main. Lors d’un échange informel avec son pair tchadien, il a réaffirmé son souhait de voir son prédécesseur (et opposant) quitter le Tchad et les environs de la Centrafrique afin de limiter sa capacité de nuisance. Mahamat Idriss Déby Itno, qui cherche à soigner ses relations avec son voisin du Sud, l’a aussitôt
rassuré : il est sur la même longueur d’onde. Pour le fils de feu Idriss Déby Itno, François Bozizé est devenu un fardeau, dont il espère se débarrasser dans les plus brefs délais.

Depuis quand « Boz » est-il devenu si encombrant ? Après avoir échoué à se présenter à la présidentielle de décembre 2020, l’ancien chef de l’État a rejoint la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), un mouvement armé dont il a ensuite pris la tête en devenant son coordinateur. Réfugié dans le maquis, il a revêtu une nouvelle fois les habits de rebelle avant de rentrer quelque peu dans le rang en acceptant de partir en exil à N’Djamena, sous surveillance tchadienne et dans la perspective d’une médiation de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).

François Bozizé est toutefois resté en contact avec les principaux leaders de la CPC, dont Noureddine Adam et Ali Darassa. Persuadées que l’ex-président, renversé en mars 2013, se livre à un double-jeu, les autorités centrafricaines l’ont alors accusé d’entretenir des troupes à la frontière entre le Tchad et la Centrafrique, en particulier grâce à ses fils, Jean-Francis et Kévin. Puis, le 28 novembre 2022, une base de l’armée centrafricaine et de
ses supplétifs russes du groupe Wagner a été attaquée à Bossangoa. Un tournant.

Le tournant de Bossangoa

Que s’est-il réellement passé à Bossangoa ? Selon le rapport d’enquête établi à la fin de décembre par le ministère centrafricain de l’Intérieur, un petit avion a largué une bombe artisanale sur ce camp, sans faire de victimes. D’après les données recueillies par l’Agence pour la sécurité et la navigation aérienne en Afrique, cet appareil, venant du sud du territoire tchadien, a fait une boucle autour de Bossangoa avant de repartir vers le Tchad. L’identité des commanditaires fait, elle, l’objet de spéculations.

Les autorités centrafricaines soupçonnent Jean-Francis et Kévin Bozizé d’être impliqués. Elles sont, selon nos informations, en possession de conversations téléphoniques, dont il ressort que ce dernier aurait reçu des financements importants, serait présent « à la frontière » et insisterait pour que des attaques aient lieu sur le sol centrafricain. Bangui s’intéresse également aux déplacements de Jean-Francis et de son frère dans la sous-
région, et notamment au Congo-Brazzaville, où ils auraient pu entrer en contact avec des émissaires de la CPC.

João Lourenço en arbitre

François Bozizé est-il aussi derrière l’attaque de Bossangoa ? Si le rapport d’enquête ne permet pas de l’affirmer, Touadéra semble en tout cas bien décidé à utiliser l’événement pour faire basculer le sort de son prédécesseur et l’éloigner de la région. Selon nos sources, le président centrafricain compte aborder une nouvelle fois le sujet avec Mahamat Idriss Déby Itno lors d’une rencontre qui pourrait avoir lieu à la fin de janvier, à Bangui.

João Lourenço, très impliqué dans le règlement de la crise en Centrafrique, pourrait participer à ce mini-sommet, que prépare Sylvie Baïpo-Temon, la ministre centrafricaine des Affaires étrangères. Ces deux dernières années, le président angolais avait plusieurs fois évoqué la possibilité de se rendre sur place, mais, préférant se concentrer sur sa campagne électorale (il a été réélu en août 2022), il avait différé sa visite. Des discussions sont en cours entre la partie centrafricaine et Téte António, le ministre angolais des
Relations extérieures.

Le sort de François Bozizé sera-t-il scellé à Bangui à la fin de janvier ?

L’éventualité d’un exil au Gabon ou au Bénin a été évoquée, ces derniers mois, par Mahamat Idriss Déby Itno avec les chefs d’État concernés. Pour le moment sans effet. L’Angola a également été sollicitée, João Lourenço ayant promis qu’il donnerait une réponse sitôt après sa réélection. L‘Angolais s’annonce donc comme potentiel arbitre dans cette fin de match qui oppose encore Faustin-Archange Touadéra à son prédécesseur.

Jeune Afrique

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