Centrafrique : Dondra ou l’autre Corleone, le parrain des parrains

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 Dans notre article intitulé « Et Dondra fait main basse sur la CBCA », paru le 12 décembre 2019, nous avons cru le moment venu pour informer le grand public, d’une part, et attirer une nouvelle fois la haute attention du président Touadéra et du premier ministre Ngrébada, d’autre part, sur la volonté de plus en plus grandissante, envahissante et manifestement étouffante de leur ministre des finances et du budget, en la personne de M. Henri Marie Dondra, de passer toute la République au fil de l’épée. Pour la mettre, tel le chef de la mafia sicilienne, en coupe réglée et pour mieux la siphonner, comme il l’a si bien allègrement fait avec les crédits de l’Etat ouverts dans la loi de finances de 2017 à ce jour.

En une seule phrase, dans l’article sus – évoqué, selon laquelle « du ministre au directeur général en passant par le PCA, la CBCA sera désormais une vache à lait et une machine à fabriquer de l’argent entre les mains d’un groupuscule d’individus, issu d’une même ethnie, d’un même clan et d’une même famille, parlant la même langue « vernaculaire », nous nous sommes évertués à  démontrer, sans complaisance et sans parti pris, à travers la nomination d’un de ses parents au poste de PCA, le degré de l’entente mafieuse et criminelle de cette manœuvre de patrimonialisation d’un bien public au profit de particuliers, utilisant leurs positions au sein de l’État pour mettre à sac le pays.

N’en déplaise aux thuriféraires du régime et aux fanatiques fieffés de l’homme, à l’exemple de ce qui vient de se passer à la CBCA, il ne fait désormais aucun doute que Dondra, depuis sa nomination au poste de ministre des finances et du budget, a travaillé inlassablement à la mise en place d’une puissante organisation criminelle, comme l’a si bien défini Wikipédia, dont les activités sont soumises à une direction collégiale occulte et qui repose sur une stratégie d’infiltration de la société civile,  des régies financières, de l’administration publique, des sociétés d’état, des institutions républicaines, des entités périphériques et des collectivités territoriales. En l’espèce, on ne peut évidemment parler, sans gros risques de nous tromper,  que d’un système mafieux. De ce fait et dès cet instant, ce membre du gouvernement et tous les siens doivent être appelés « mafieux » (sans distinction de nombre), ou parfois « mafiosi », d’après le nom italien (au singulier : « mafioso »), solidement installés et tapis dans l’âme de la République et dans tout l’appareil d’Etat, avec des conséquences incalculables pour la vie de la nation tout entière.

Afin de permettre à nos lecteurs et nos lectrices de mieux comprendre le bien – fondé et la raison d’être de cet article, au – delà du langage métaphorique utilisé ici, et avant de revenir sur la suite à y réserver dans notre prochaine parution, nous avons jugé fort utile de revenir sur l’histoire vraie de la mafia sicilienne, celle de Corleone, le parrain des parrains :

 « Anaïs Kien nous parle aujourd’hui d’un documentaire sur la mafia, disponible sur Arte, il s’agit de « Corleone » de Mosco Levi Boucault.

Le documentaire Corleone, le parrain des parrains raconte la traque de Salvatore Riina, dit Totò, qui n’est évidemment pas l’inventeur de la mafia sicilienne mais qui lui a sans doute fait franchir un seuil de violence inédit, jusqu’à la terreur. C’est lui aussi qui a rebattu les cartes des relations de Cosa Nostra avec l’état et l’aristocratie italienne. Car c’est bien une pratique aristocratique, légale et reconnue, qui est à l’origine de l’invention de la mafia, comme le raconte un commissaire de police sur l’ancien territoire de Riina :

Nous sommes ici au cœur du latifondo sicilien. C’est ici que naît la mafia rurale, des grands domaines agricoles. (Dans ces fermes vivaient des paysans qui cultivaient cette terre du matin au soir, qui s’échinaient sur cette terre du matin au soir). Et les patrons étaient 4 ou 5 barons pour toutes ces terres. Comme ils demeuraient à Palerme, ils confiaient le contrôle des paysans à quelques hommes de main. (Ces hommes faisaient la pluie et le beau temps, ils embauchaient, licenciaient, distribuaient récompenses et châtiments. Des châtiments parfois physiques, durs.) Ils géraient d’une main de fer les paysans qui n’osaient pas protester parce qu’ils devaient nourrir leur famille. Les nobles restaient à Palerme où ils jouaient aux cartes Piazza Marina. De ces « gardiens », ces premiers mafiosi, Ils recevaient l’argent provenant de la culture de ces terres. Extrait du documentaire « Corleone » de Mosco Levi Boucault.

Totò Riina se présente d’ailleurs avec l’humilité d’un fils d’agriculteur de Corleone, orphelin de père à cause d’un obus de la Première Guerre mondiale qui avait attisé sa convoitise pour sa poudre et son métal. Assassin précoce, Riina prend le pouvoir à 19 ans, après s’être patiemment débarrassé de ceux qui gênaient son ascension, quitte à dénoncer, discrètement son patron, Liggio. Puis le meurtre devient la règle. Mosco Levi Boucault déploie les photos de scènes de voitures mitraillées, de cadavres abandonnés sur les trottoirs, toujours plus nombreux. Le témoignage de Laetizia Battaglia, photographe de presse, décrit l’avènement d’un quotidien morbide dans l’espace public en commentant ses photos  pour déceler ses propres seuils de conscience face au déchaînement de violence saisi à travers l’objectif jusqu’au moment où la théâtralité devient la règle, effaçant presque les victimes. Une représentation à la fois banalisée et mythifiée de la mafia que l’on retrouve dans les témoignages d’anciens commandos de la mort de Riina, d’anciens tueurs à sa solde, aujourd’hui repentis et protégés qui parlent sous couvert d’anonymat. On voit se déployer toutes les stratégies de dissimulation face à la caméra, une belle collection de cagoules et de jeu de clairs-obscurs : 

Vous avez vu le parrain ? La scène où on les voit réunis, le gros qui prépare les pâtes à la sauce tomate et aux saucisses ? Chez nous c’était pareil. Dans notre repaire, il y avait un homme qui cuisinait, un autre qui faisait les courses, et nous prêts à bondir dans une voiture pour aller tuer ceux qu’on avait balancés. Pour moi à l’époque c’était comme partir en promenade. J’étais content. Extrait du documentaire « Corleone » de Mosco Levi Boucault.

Les juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino qui vont parvenir à déstabiliser le système Riina – avant d’être assassinés en 1992 – étaient eux aussi des Siciliens aux origines modestes. Grâce au témoignage d’un repenti, avide de vengeance après l’exécution de sa famille, les deux juges sont les premiers à saisir le fonctionnement de Cosa Nostra lorsque la violence du réseau de Riina atteint son paroxysme dans les années 1970. 

Ce témoignage leur permet d’arrêter plus de 400 personnes et d’instruire un « Maxi-Procès » qui se tient à Palerme de 1986 à fin 1987. Riina échappe au coup de filet mais c’est sa première défaite judiciaire, la première faille qui va alimenter encore davantage la machine de mort contre tous les obligés qui n’ont pu empêcher sa condamnation par contumace. Finalement arrêté en 1993, après 24 ans de cavale, Totò Riina est condamné à perpétuité.

Mais peut-on attribuer à un seul homme un tel déchaînement de violence ?  Ce que l’on entend dans les témoignages de ces anciens tueurs, c’est aussi l’espoir que représente la mafia quand elle apparaît comme un ascenseur social, plus accessible que d’autres, pour certains. La conclusion de ce documentaire passionnant revient au procureur Giuseppe Ayala, proche des juges Falcone et Borsellino : « Si  l’âge d’or de la mafia sicilienne est derrière elle, elle n’a pas dit son dernier mot. »

Pour plus d’information : Le documentaire Corleone, le parrain des parrains, de Mosco Levi-Boucault, disponible sur Arte.tv

Source : Journal de l’histoire

 

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