Centrafrique : Décryptage de la procédure de destitution de l’honorable Méckassoua : Acte 4. Conséquences apocalyptiques d’une décision politique et non juridique de la cour constitutionnelle

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DÉCRYPTAGE DE LA PROCÉDURE DE DESTITUTION DE L’HONORABLE MECKASSOUA : ACTE 4. CONSÉQUENCES APOCALYPTIQUES D’UNE DÉCISION POLITIQUE ET NON JURIDIQUE DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE
Dimanche 8 Août 2021
1. Partis d’une forte conviction au début de notre épopée, nous sommes arrivés à la fin à la ferme certitude, après une étude minutieuse et très serrée de ce dossier fabriqué de toute pièce autour d’une putative destitution de l’Honorable Député Abdou Karim MECKASSOUA, que la Cour Constitutionnelle doit se déclarer doublement incompétente, à destituer un Député de la Nation et à juger de la constitutionnalité d’un rapport, et que la requête à fin de destitution de MECKASSOUA est doublement irrecevable, aux motifs de la question préjudicielle et de l’inéligibilité.
2. Au niveau purement juridique ce dossier est une coquille vide, ce qui signifie que toute décision autre que le rejet pur et simple de cette requête devrait être considérée comme directement dictée par le politique. Les conséquences d’une telle décision politique et non pas juridique seraient catastrophiques pour la démocratie centrafricaine en gésine.
Tant à l’échelle de la Cour Constitutionnelle elle-même, de la légalité du pouvoir du Chef de l’Etat actuel, de la légalité des Députés validés par la Cour Constitutionnelle, des relations de la République centrafricaine et de la Fédération russe, de la sécurité du pays, de l’économie nationale et des enquêtes de la CPI.
AU NIVEAU DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE
3. La Cour Constitutionnelle s’est grandement décrédibilisée, nous l’avons dit ici à plusieurs reprises, preuves à l’appui, sans que personne ne puisse nous contredire avec une argumentation solide jusqu’à aujourd’hui. Cependant, nous avons toujours tous accepté sans broncher ses décisions, même les plus incompréhensibles, les plus absurdes, les plus partisanes, les plus cyniques voire les plus iniques. Mais si d’aventure la Cour venait à se déjuger, à se parjurer, en piétinant allègrement l’article 19 de la Loi N°17.004 du 15 février 2017 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle et qui dispose que « les décisions de la cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours ». Et que celles-ci « s’imposent aux pouvoirs publics, a toutes les autorités politiques, administratives et juridictionnelles, et a toutes personne physique ou morale » ; alors dans ce cas, nous serions tous fondés à remettre en cause toutes les décisions de cette haute juridiction. Si la Cour Constitutionnelle se contredit elle-même et nous montre que ses décisions peuvent être remises en cause, alors tous les déçus que nous sommes (et nous sommes nombreux) iront à bon droit déposer des recours et des requêtes contre l’ensemble des décisions de la Cour Constitutionnelle depuis le 30 mars 2016 jusqu’à aujourd’hui.
4. De plus, une décision politique et non juridique de la Cour Constitutionnelle accréditerait et confirmerait l’idée, très répandue dans les médias, les réseaux sociaux et parmi la population, selon laquelle cette Cour serait complètement inféodée et aux ordres du pouvoir exécutif voire de forces obscures, mafieuses représentées par le pouvoir de l’argent. Et si véritablement la Cour Constitutionnelle est tenue par les pouvoirs de l’argent (corruption) et/ou exécutif (caporalisation), dans ce cas cela signifierait que ceux des juges constitutionnels qui auront voté contre MECKASSOUA ou qui se seraient abstenus ou absentés lors du vote sont à n’en pas douter ceux-là même qui auront été soudoyés, corrompus, pervertis par les pouvoirs de l’exécutif ou de la haute mafia pour faire le sale boulot. Des noms circulent déjà dans certains médias de la place et en ligne. Nous y reviendrons.
5. À partir du moment où nous nous trouverions devant la certitude que la Cour Constitutionnelle ne jugerait plus selon le droit mais d’après les injonctions de la politique et du pouvoir de l’argent (même sale), dans ce cas la seule conclusion à tirer serait de fermer cette Cour et de forcer tous ses juges ainsi corrompus à déposer leur démission. Ce serait là un grand coup de tonnerre ! Une première dans l’Histoire.
AU NIVEAU POLITIQUE
6. En se parjurant et en piétinant l’article 19 de la loi régissant son fonctionnement et son organisation, la Cour Constitutionnelle ne peut pas destituer MECKASSOUA sans ouvrir non pas la boite de Pandore mais « les » boites de Pandore. Car une première conséquence politique immédiate d’une telle décision serait la remise en cause totale de l’élection du Chef de l’Etat et de tous les députés fraîchement élus. A partir de cette jurisprudence, la Cour Constitutionnelle ouvre la voie à tous les déçus qui dès lors pourraient demander, à leur tour, sur la base d’un rapport, d’un avis de poursuite judiciaire, d’un article de presse, autres documents quelconques la destitution de TOUADERA comme de tous les élus à l’Assemblée Nationale. Première boite de Pandore.
La deuxième boite de Pandore est quant à elle liée au fait que la Cour Constitutionnelle par une telle décision politique donnerait force de loi au rapport des experts des Nations Unies sur la République Centrafricaine. Si sur la base d’un rapport, pourtant rejeté par le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, la Cour venait à destituer MECKASSOUA en alléguant que les accusations sans fondements portées contre lui seraient vraies alors qu’il a apporté dans ce même rapport un démenti sans tâche, dans ce cas les déclarations documentées du même rapport contre le pouvoir de Bangui et ses alliés russes ont également force de loi.
7. Or cette riche documentation des experts internationaux contre le régime de TOUADERA cible des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des crimes contre le droit humanitaire international, des crimes de génocide, des crimes économiques, etc… La Cour Constitutionnelle signifierait par là qu’il faudrait impérativement et sans délai activer les articles 123 à 127 de la Constitution de 30 Mars 2016 sur la mise en accusation pour haute trahison devant la Haute Cour de Justice du Chef de l’Etat, Faustin Archange TOUADERA, du Chef du Gouvernement, Firmin NGREBADA, des membres du Gouvernement, des responsables politiques du parti-Etat (le MCU) et leurs alliés à l’Assemblée Nationale. Et dans le même sens cela signifierait que la Cour Constitutionnelle inviterait à activer la Cour Criminelle, la CPS ou la CPI pour les responsables politico-militaires qui eux ne peuvent pas être traduits devant par la Haute Cour de Justice. Il s’agit notamment du Chef d’Etat-Major des armées et la haute hiérarchie militaire, des chefs politiques du parti-Etat et ses alliés (notamment ceux des cabinets présidentiels, ministériels et de l’Assemblée Nationale) impliqués de près ou de loin dans ces exactions. Vu la nature et la qualité des mis en cause, ni la Cour Criminelle, ni la CPS ne pourraient les juger car le climat de panique qui pourrait être créé autour des juges instructeurs, des enquêteurs, des témoins seraient tel que seule la CPI pourrait se saisir du dossier.
8. Ainsi, en voulant s’appuyer sur ce rapport, la Cour Constitutionnelle ne ferait que donner les armes à la justice internationale pour juger toutes les personnes incriminées par les experts des Nations Unies sur la RCA. En voulant toucher MECKASSOUA la Cour abattrait d’une traite tout le régime TOUADERA, direction la Haye.
AU NIVEAU DIPLOMATIQUE
9. Dès lors que ce rapport est reconnu comme un acte de juridiction, cela signifie que la Russie a obligation de livrer à la fois ses « instructeurs », son ambassadeur en RCA (M. TITORENKO) et le monsieur sécurité de TOUADERA (M. ZAKHAROV). Vu que la Fédération de Russie dit qu’elle n’a envoyé que des « instructeurs » et non des mercenaires et que le rapport indexe particulièrement ces « instructeurs » de nationalité russe qui répondent à une chaine de commandement militaire russe et des responsables politiques russes, ces derniers, qu’ils soient à Bangui ou à Moscou, sont passibles de la CPI sur la base des exactions consignées dans le rapport que la haute juridiction centrafricaine en matière constitutionnelle a validé et utilisé pour destituer MECKASSOUA.
10. En plus des « instructeurs » russes et de leur chaine de commandement politico-militaire, il faut également ajouter dans le même lot la complicité des troupes rwandaises et de la MINUSCA qui ont collaboré avec ces « instructeurs » russes pour élaborer des plans communs de sécurisation et combattre/repousser la CPC. Comme on le voit la déflagration judiciaire d’une telle décision n’épargnerait personne. La Cour Constitutionnelle donnerait à la CPI et aux juridictions centrafricaines une arme atomique pour neutraliser tout cet écosystème sécurocrate (Etat centrafricain, alliés russo-rwandais, MINUSCA).
AU NIVEAU SÉCURITAIRE
11. Il est évident que dans le cas de figure du parjure de la Cour Constitutionnelle, le climat sécuritaire déjà très précaire pour ne pas dire exécrable s’aggraverait pour basculer dans le mode de la guerre chaude à haute tension à Bangui comme en province. Tous les déçus (candidats, électeurs, soutiens et autres) qui auront compris que la Cour Constitutionnelle les a floués pour des raisons politiques seraient contraints d’user de la violence même armée pour s’exprimer. Dès lors que la loi, le droit n’existe plus et que ceux qui sont chargés de garder le temple de la loi se font dicter leurs décisions par les puissants du monde politique et de l’argent, la violence se présente comme la seule alternative pour se faire entendre et respecter.
AU NIVEAU ÉCONOMIQUE ET SOCIAL
12. Le mercredi 4 août 2021, lors de l’atelier de dissémination de la 4ème édition des Cahiers économique de la Banque Mondiale, M. Han FRAETERS, représentant résident de la Banque Mondiale en RCA, rappelait dans son discours les trois conditions nécessaires pour « mener le pays vers une reprise [économique] robuste, résiliente et inclusive ». La première d’entre elles c’est, dit-il, de « promouvoir la paix, mettre fin à l’insécurité et promouvoir un dialogue inclusif ». La 2ème circonscription du 3ème arrondissement de Bangui dans laquelle est élu Député l’Honorable Karim MECKASSOUA est le poumon économique de la capitale, donc du pays. C’est avec le soutien et les voix de ces commerçants, exportateurs, entrepreneurs, grossistes, artisans et autres qu’il a été élu. Mais à partir du moment où la Cour Constitutionnelle conteste le choix du souverain primaire, du peuple, pour nommer à sa place le choix du pouvoir de Bangui et de la mafia, quel est le message que les juges constitutionnels veulent transmettre à ces électeurs et plus précisément à ceux qui tiennent l’économie du pays dans leurs mains ? En quoi la déflagration sécuritaire à Bangui, subséquente à une décision politique de la Cour Constitutionnelle, pourrait rétablir la paix, la sécurité et le dialogue ?
13. Quand la confiance est rompue entre le pouvoir légal représentée par les gardiens de la Constitution et le monde des affaires, c’est l’accélération de récession économique qui pointe aussitôt le bout de son nez. Surtout en cette période de déficit de liquidités, de tensions de trésorerie, de croissance négative, d’inflation galopante, de baisse des revenus des ménages et de contraction de la consommation. L’impact social de cette décision politique de la Cour Constitutionnelle serait une juxtaposition hystérisée de fragilité, de conflits et de violence. Et personne ne souhaite cela.
14. A SUIVRE…
Fari Tahéruka SHABAZZ

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