Centrafrique : Décryptage de la procédure de destitution de l’honorable Méckassoua : Acte 2 : De l’irrecevabilité de la requête

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DÉCRYPTAGE DE LA PROCÉDURE DE DESTITUTION DE L’HONORABLE MECKASSOUA : ACTE 2. DE L’IRRECEVABILITÉ DE LA REQUÊTE
Mercredi 4 Août 2021
1. Dans l’Acte 1 de notre aventure juridique sur le dossier de « destitution » par la Cour Constitutionnelle de l’Honorable Député Abdou Karim MECKASSOUA, nous avions montré avec une précision chirurgicale l’incompétence notoire de la Cour Constitutionnelle comme de toute autre juridiction centrafricaine à destituer un Député quel qu’il soit. Mais comme nous sommes dans les hypothèses d’école, supposons que par une magie ou une folie sans nom, nos Sages de la Cour Constitutionnelle se soient tous shootés au crack, à la cocaïne, à l’héroïne, au PCP et autres drogues dures de synthèse au point d’altérer complètement leur raison et qu’ils considèrent contre toute espèce de bon sens que la Cour Constitutionnelle serait quand même compétente à « destituer un Député ». C’est une supposition !
2. Je sais que c’est une hypothèse complètement loufoque, tirée par les cheveux, impossible à réaliser mais quand même faisons l’effort intellectuelle d’imaginer qu’il serait possible (dans un monde irréel) que la Cour Constitutionnelle serait compétente malgré tout à « destituer » un Député de la Nation. Mais même dans ce cas absolument irréaliste il y a encore une barrière de corail juridique que la requête de Me Anatole Max MAÏTOVO, avocat du faire-valoir du « Sultan », doit surmonter à tout prix : celle de la recevabilité de la requête.
3. Et pour ce faire notre cher Me Anatole Max MAÏTOVO, avocat du faire-valoir du « Sultan », se fonde sur deux arguments juridiques :
• La question préjudicielle
• L’inéligibilité de Karim MECKASSOUA
Une fois de plus, nous allons voir que le conseil de notre cher « Sultan » fumeur de longs cigares cubains a été très mal inspirée en optant pour ces deux angles d’attaque.
Premièrement qu’est-ce que les praticiens du droit entendent par « question préjudicielle » ? Le « Lexique des termes juridiques » (Dalloz, 18ème édition, 2011) nous apprend que la question préjudicielle est « celle qui oblige le tribunal à surseoir à statuer jusqu’à ce qu’elle ait été soumise à la juridiction compétente qui rendra, à son sujet, un acte de juridiction ». En langage moins sibyllin compréhensible par une paramécie, disons que si nous l’on devait juger un dossier A et que dans ce dossier A il y a un dossier B qui doit d’abord être jugé par une autre juridiction, la juridiction saisie pour juger le dossier A doit d’abord attendre que la décision de la juridiction qui juge le dossier B tombe. Une fois le dossier B (question préjudicielle) vidée, on peut enfin juger le dossier principal (dossier A).
4. Et la fausse bonne idée de Me Anatole Max MAÏTOVO, avocat du faire-valoir du « Sultan », c’est d’invoquer l’article 85 de la loi N° 17.004 du 15 février 2017 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle de la République Centrafricaine qui dispose que « Dans tous les cas où une requête implique une solution préjudicielle, la Cour Constitutionnelle est exceptionnellement habilitée à la trancher au fond ». En gros, même s’il y avait un dossier B qui devait d’abord être jugé, quand c’est la Cour Constitutionnelle qui est saisie pour le dossier A, elle peut exceptionnellement trancher le dossier dans le fond sans attendre la décision pour le dossier B encore en standby.
5. L’argument de notre cher avocat est comme le MCU de Faustin Archange TOUADERA, à savoir plein de promesses mais encore plus de désillusions et de déceptions. Je ne sais pas pourquoi Me Anatole Max MAÏTOVO, avocat du faire-valoir du « Sultan », est tout le temps comme ça. Il commence toujours bien avec de belles citations de dispositions de la Constitution, de Lois Organiques, etc., mais quand vient l’heure d’appuyer son argumentaire par des éléments factuels…patatra il tape toujours à côté ou comme dirait ma fille, « Lo tï gi vatata ». Dans l’Acte 1, il nous avait brandit un « rapport », désolé mais j’en ris encore, pour que la Cour Constitutionnelle juge de sa constitutionnalité. Mais dans l’Acte 2, il brandit un « avis » de poursuite judiciaire établi par le 1er juge d’instruction à l’encontre de l’Honorable Karim MECKASSOUA et d’autres Députés en date du 2 avril 2021. Je vous assure, je n’invente rien, c’est bien ce qu’il a fait !
6. Très mauvais choix tactique me diriez-vous. Erreur monumentale, je dirais même ridicule erreur de débutant, que nous allons décortiquer pas à pas. On se rappelle que le « saigneur » de guerre, le chef Séléka surveillé de près par la CPI et accessoirement ministre de la justice (sic), Arnaud Djoubaye-Abazène, inventeur de la notion de « présomption de culpabilité », avait introduit auprès de l’Assemblée Nationale une demande de levée d’immunité parlementaire de l’Honorable Député Karim MECKASSOUA et de trois autres honorables députés. Annexé à cette malheureuse demande nous trouvions le réquisitoire introductif du procureur de la république avec ce fameux « avis de poursuite judiciaire ».
7. Sauf que, eh oui, il y a toujours un « sauf que » avec notre très cher Me Anatole Max MAÏTOVO, avocat du faire-valoir du « Sultan » … Il se trouve que le Tribunal Administratif (TA) avait déjà tranché ce problème soulevé ici. En effet, dans l’Ordonnance de référé du 25 mai 2021 concernant cette affaire, le juge administratif avait reconnu que non seulement l’immunité parlementaire desdits députés n’avait pas été levé, que le procureur de la république dans son réquisitoire introductif avait été incapable de produire le moindre début de l’ombre d’une preuve incriminant MECKASSOUA et les trois autres députés pour les crimes de complicité d’atteinte à la sureté intérieure de l’Etat, de complicité d’association des malfaiteurs, de complot et de de complicité de vol à main armée, que ces derniers étaient empêchés dans l’exercice de leur fonction, que, poursuit l’acte de juridiction, « la voie de fait administrative est constituée, lorsque dans l’accomplissement d’une activité matérielle d’exécution, l’administration commet une irrégularité grossière, portant atteinte à une liberté fondamentale qui est constitutionnellement protégée ».
8. Réduits en bouillie par le jugement du TA, les pouvoirs publics sont repartis tout penaud la queue entre les jambes. Le procureur de la république a alors été obligé de produire le message porté n°031/TGI BGI/PP/21 du 31 mai 2021 qui annule les effets de l’avis de poursuite judiciaire en son troisième visa qui lève l’interdiction de sortie du territoire contre les quatre mousquetaires de l’Assemblée Nationale. Le proc’ a dû amèrement regretté d’avoir suivi « bovinement » voire « ovinement » le chef Séléka Arnaud Djoubaye-Abazène dans son intifada acéphale contre les baobabs de l’Assemblée Nationale. L’humiliation étant grande, au final. Mais je me pose la question : ignorait-il qu’un avis de poursuite n’est pas un mandat d’arrêt encore moins une décision judiciaire ayant acquis « autorité de la chose jugée » ? Mystère.
9. Toujours est-il que le Tribunal Administratif (TA) a balayé cet avis qui a fini au fond d’une poubelle. Mais comme si cette première leçon ne suffisait pas, le candidat malheureux Ibrahim Ould Hissène Algoni à travers sa requête introduite par Me Mandjé-Ndjapou contre la victoire au 2nd tour de MECKASSOUA a jugé intéressant de s’appuyer à nouveau sur ce roseau fragile qu’est l’avis de poursuite judiciaire. Mal lui en a pris car la Cour Constitutionnelle a littéralement piétiné cet argument et a renvoyé ce document fumeux à son auteur intellectuel le chef de guerre Séléka à la tête du ministère de la justice. C’est pour ça que je me dis qu’il faut être carrément masochiste pour oser réintroduire devant la Cour Constitutionnelle ce même avis de poursuite judiciaire que la haute juridiction avait déjà une première fois jeté à la poubelle. Est-ce que notre très cher Me Anatole Max MAÏTOVO, avocat du faire-valoir du « Sultan », pense-t-il que la Cour Constitutionnelle peut se déjuger sur le même dossier à deux mois d’intervalle ?
10. En résumé, l’avis de poursuite judiciaire n’a plus à être évoqué nulle part car il a été balayé par l’ordonnance de référé du TA, par le procureur de la république à travers son message-porté et par la Cour Constitutionnelle elle-même lors de l’examen des requêtes du 2nd tour. En clair, IL N’Y A PAS DE QUESTION PRÉJUDICIELLE. On se demande sur quelle planète vivait notre très cher Me Anatole Max MAÏTOVO, avocat du faire-valoir du « Sultan », ces six derniers mois ? N’était-il pas au courant que l’interdiction de voyager des quatre mousquetaires de l’Assemblée Nationale était tombé à l’eau ? Ce que je veux dire c’est que tout le monde est courant de cette farce d’interdiction de sortie du territoire. On en a parlé sur Radio Ndêkê Luka, Bangui FM, RDJH, et même Radio Centrafrique et Radio Lëngö songo des Russes. Partout, tous les médias en ont parlé. Même ces sauvages et barbares de mercenaires russes de Wagner qui ne pipent pas un traître mot du sängö ou du français le savent.
11. Etant donné qu’il n’y a pas de question préjudicielle, l’argument de Me Anatole Max MAÏTOVO, avocat du faire-valoir du « Sultan », a autant de valeur que le propos d’une personne qui viendrait demander qu’on lui rembourse son argent alors qu’il n’a jamais rien prêté à personne. Comment demander à rembourser une dette qui n’existe pas ? Invoquer l’article 85 de la loi N° 17.004 du 15 février 2017 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle de la République Centrafricaine aurait pu être astucieux si au moins il existait une question préjudicielle. Mais quand celle-ci n’existe pas on se ridiculise. J’ai hâte de voir Me Anatole Max MAÏTOVO, avocat du faire-valoir du « Sultan », devant les Sages de la Cour Constitutionnelle quand ils vont lui demander « Okay, très cher Maître, vous dîtes que votre requête est recevable en la forme en invoquant la question préjudicielle. Quelle est-elle cette question préjudicielle ? ». Silence radio. Mort de rire. Moi à sa place je ne me rendrais même pas devant la Cour Constitutionnelle…l’honneur avant tout.
12. Déjà là, la Cour Constitutionnelle ne peut pas se hasarder à perdre son temps précieux à juger au fond UNE REQUETE QUI EN ELLE-MEME EST ABSOLUMENT IRRECEVABLE au motif de la « question préjudicielle ».
13. Pour ne pas surcharger la publication, nous traiterons du second argument (la prétendue inéligibilité de MECKASSOUA) dans l’Acte 3. Là, la faiblesse de l’argumentaire de Me Anatole Max MAÏTOVO, avocat du faire-valoir du « Sultan », est bien pire, plus affligeante encore, plus criante. Restez donc branchés.
14. A SUIVRE…
Fari Tahéruka SHABAZZ

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