Centrafrique : de quoi est mort ce milicien antibalaka à Bouar après son enlèvement par les mercenaires russes du Groupe Wagner ?

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S’il ne fait plus aucun doute qu’un commerçant connu à Bambari sous l’appellation de « Abou – Houreira », traînant un bras et une jambe fracturés après un accident de moto et immobilisé chez lui pour des soins, a été enlevé le 23 février 2021 dans sa boutique par les mercenaires russes et conduit vers une destination inconnue pour y être ensuite assassiné avec d’autres personnes, chacune une balle dans la tête, à Bouar, c’est plutôt un milicien antibalaka dont nous ignorons le nom qui a été enlevé pendant cette même période, détenu, torturé et tué par ces « affreux blancs » suite à l’inhalation d’un produit toxique et chimique dont ils lui ont fait enduire la tête. Les images que nous avons reçues à ce sujet sont effroyables, parlent d’elles – mêmes et obligent les organisations non – gouvernementales de défense des droits de l’homme à se saisir de ce dossier et à s’y appesantir très sérieusement, car elles constituent une preuve incontestable de l’utilisation, en terre centrafricaine, des armes chimiques par les hommes de Evgueni Prigojine. Mieux, elles viennent soutenir et donner du crédit à nos articles et aux nombreux témoignages que nous avons enregistrés.

En effet, dans un article intitulé « Centrafrique : les « affreux blancs » du Groupe Wagner ont – ils fait usage des armes chimiques à Bambari ? », publié le 17 février 2021, nous avons jugé important de relayer la libre opinion du compatriote Fari Tahéruka Shabazz dans laquelle il avait fait mention, au lendemain des violents affrontements ayant opposé les FDSI appuyées par les forces non – conventionnelles russes du Groupe Wagner et rwandaises, de ce que « les informations de sources humanitaires et hospitalières à Bambari pointent du doigt le recours aux armes chimiques dans la bataille de Bambari. En effet, les professionnels de la santé de la ville attestent que les corps sans vie des combattants de la CPC que les ONG humanitaires ont récupéré sur les champs de bataille ne portaient aucune trace de balles. Certains des prisonniers ont des séquelles physiques suite à l’inhalation de ces gaz toxiques ». Et celui de poursuivre en affirmant que « c’est là une grave violation de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction (encore appelée Convention sur les armes chimiques) qui avait été ouverte à la signature lors d’une cérémonie qui a eu lieu à Paris le 13 janvier 1993 ». « Sachant que la République centrafricaine a ratifié cette Convention le 20 Septembre 2006, les autorités politiques et militaires centrafricaines en acceptant que leurs mercenaires de WAGNER fassent usage de ces armes chimiques s’exposent ouvertement à être inculpées par les tribunaux nationaux et internationaux de CRIME DE GUERRE ».

Quelques jours plus tard, précisément le 25 février 2021, dans un communiqué rendu public, Amnesty International a non seulement plus ou moins confirmé les graves accusations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, dénoncées dès les premiers instants de la fin des combats par Letsunami.net et corroborées par la sortie médiatique du compatriote Fari Tahéruka Shabazz, mais surtout a révélé l’horreur de violences liées au conflit et aux élections, faisant suite à une enquête diligentée par ses soins. « Amnesty confirme que des civils ont été tués dans ce contexte. En effet, Crisis Evidence Lab, une équipe d’Amnesty International spécialisée dans l’analyse des éléments de preuve a reçu et analysé plusieurs images et une vidéo datées du 16 février 2021 pouvant être géolocalisées dans un site religieux à l’est de Bambari.Les images montrent les corps de personnes qui auraient été tuées le même jour. En tout, 14 cadavres sont visibles sur le sol, la plupart partiellement ou entièrement couverts de tissus. Pour les parties visibles, les personnes ne portaient pas de tenues militaires. La vidéo a également permis de voir en gros plans certains de ces cadavres dont une femme et un enfant. Les photos reçues par Amnesty International montrent des dégâts sur le même bâtiment. Une image montre ce qu’Amnesty International a confirmé être des dégâts causés par l’explosion d’une arme, de même que d’autres dégâts visibles sur le sol et des trous sur un mur adjacent correspondant au résultat de la détonation d’une munition produisant des fragments. Les blessures provenant sans doute de fragments de munitions reflétant les dégâts observés sur le mur sont également visibles sur les photos d’au moins trois cadavres. Par ailleurs, Médecins Sans Frontières (MSF) a annoncé le 22 février 2021 qu’un centre médical soutenu par ses équipes avait été endommagé avec des balles et des explosifs lors de ces mêmes combats. L’organisation a confirmé avoir traité une trentaine de blessés dont huit femmes et neuf mineurs âgés entre 17 mois et 17 ans blessés par des balles et des éclats d’obus », pouvait –on lire dans ce communiqué.

Malheureusement, la publication de ce communiqué n’a donné lieu à aucun commentaire et à aucune réaction officielle. Ni de la part des autorités nationales, ni de la part du G5, ni de la part de la Minusca. Les effroyables, choquantes et révoltantes images de cette barbarie bestiale, entre autres celle de ce garçon et de cette fille assassinés dans leur lit aux côtés de leurs parents enfumés et carbonisés, diffusées par notre rédaction, n’ont ému personne. Si le journal « Le Figaro » en a fait écho dans l’un de ses articles, tous les organes de presse internationaux dont les journalistes sont accrédités en République centrafricaine et dont le devoir d’informer leur recommande de ne jamais hésiter à aller à contre-courant, «là où leur conscience les guide, là où ils peuvent donner une voix aux sans voix, débusquer les ombres des pouvoirs, là où les autres médias ont déserté», comme aimait si bien le dire un certain Albert Camus, sont restés fort étonnement silencieux sur cette tragédie de Bambari.

Tout comme leurs confrères centrafricains, dans un contexte de crise sécuritaire élevée, caractérisé par l’instauration de l’état d’urgence et de couvre – feu, ils n’ont jamais voulu prendre le risque d’oser parler de ces atrocités commises tous les jours que Dieu fait par ces « affreux blancs » du Groupe Wagner sur les populations civiles à Boali, Boda, Mbaïki, Bossembélé, Yaloké et dans toutes les localités où ils sont déployés. Comprenez – les ! Ils ont tout simplement peur comme tout journaliste dans une république caucasienne, de traiter de ces tueries et de ces actes de graves atteintes aux droits humains. Trois journalistes russes qui enquêtaient sur la présence de ces hommes de Evgueni Prigojine, en Centrafrique, n’ont – ils pas été froidement abattus dans la préfecture de la Kémo, le 18 octobre 2018 ? N’est –ce pas dans ce pays où la photographe de guerre et journaliste française Camille Lepage avait trouvé la mort en 2014 dans des circonstances obscures et non encore élucidées jusqu’à ce jour ? Les fantômes du journaliste du journal « Le Démocrate » Désiré Sayenga, lâchement et mortellement poignardé dans la nuit du 26 au 27 avril 2014 à Bangui par des hommes armés et de Blanche Elisabeth Olofio, journaliste à la radio Bé Oko de Bambari décédée à Bangui en juin 2014, après son agression par les éléments de la Séléka en janvier 2013, rôdent et militent en faveur de cette atmosphère de peur individuelle et collective.

De ce fait, il est tout à fait « normal » que personne ne peut accepter d’enquêter sur ce délicat dossier d’utilisation d’armes chimiques, sur les théâtres des opérations et dans les combats en cours, par les mercenaires du Groupe Wagner, c’est – à – dire des Tchétchènes, des Ukrainiens, des Libyens, et des Syriens qui ont acquis de solides expériences en la matière. Mais, comme il s’agit de notre pays et de la vie des Centrafricaines et des Centrafricains que nous sommes, il ne pourra avoir de plus noble et grand devoir que celui d’en parler dans l’espoir in fine d’attirer l’attention des hommes de bonne volonté sur cette situation combien apocalyptique et cette crise oubliée. Et cela est d’autant plus vrai que la dernière sortie médiatique du ministre français Jean – Yves Le Drian sur la situation politique au Tchad, au lendemain de la tentative d’arrestation de l’opposant Yaya Dillo, a été rendue possible grâce au professionnalisme du journaliste – reporter de RFI et à la mobilisation des Tchadiennes et des Tchadiens pour l’avènement d’une vraie démocratie et de la liberté dans leur pays.

Jean – Paul Naïba

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