Centrafrique : De Bangui à Douala, comment l’ex-groupe Wagner continue d’étendre sa toile

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De Bangui à Douala, comment l’ex-groupe Wagner continue d’étendre sa toile

Toujours aussi actifs en Centrafrique, les mercenaires russes de l’ancien groupe d’Evgueni
Prigojine ont fait de la capitale économique du Cameroun une plaque tournante de leurs
activités d’affaires. Enquête.

Ils ont pignon sur rue à Bangui, où leur alliance avec le président Faustin-Archange Touadéra n’est plus un secret, depuis longtemps. Malgré la disparition, en août 2023, de leur financier, Evgueni Prigojine, les hommes de Wagner, aujourd’hui repris en main par les renseignements militaires russes sous l’égide du « corps africain », afrykanski korpus, poursuivent en effet en Centrafrique leurs activités militaires et économiques.

Les Russes continuent ainsi d’exploiter l’or de la mine de Ndassima, mais aussi le diamant et le bois centrafricains, notamment via l’entreprise Wood International. Celle-ci est venue remplacer Bois Rouge, une autre de leurs sociétés, placée sous sanctions de l’Union
européenne. À la tête de ce système, deux hommes : Dmitri Sytyi et Dmitri Dredneyi.

Dredneyi, nouveau dirigeant à Bangui

Le premier est présent de longue date dans la capitale centrafricaine, où il a débuté au côté de Valery Zakharov, ancien conseiller de Faustin-Archange Touadéra en matière de sécurité.
Blessé dans une attaque au colis piégé en 2022, Dmitri Sytyi souffre toujours d’une grave blessure au bras, qui l’oblige à de fréquents séjours médicaux en Russie. Ces derniers mois, c’est donc Dmitri Dredneyi qui s’est imposé à Bangui à la tête des réseaux russes.

Très discret, cet homme à l’air martial a remplacé en Centrafrique Vitali Perfilev, ancien codirigeant de Wagner dans le pays, rappelé en Russie fin 2023, quelques mois après la mort de Prigojine. Depuis le début de l’année, il codirige les opérations des anciens du groupe Wagner en lien, notamment, avec un certain Nikolaï, dont le nom de famille reste à ce jour inconnu et qui est plus précisément chargé des activités économiques russes.

C’est ce Nikolaï qui est responsable des sociétés créées au Cameroun, où les Russes ont fait du Port autonome de Douala (PAD) une véritable plaque tournante, grâce à laquelle ils importent du matériel ou exportent des marchandises. Déjà à la tête d’une usine de torréfaction de café dans la banlieue de la capitale économique camerounaise, ils ont créé plusieurs autres sociétés pour soutenir leurs activités.

Selon nos sources, Dmitri Sytyi, Dmitri Dredneyi et Nikolaï contrôlent au Cameroun une entreprise dénommée Ripperwood, spécialisée dans le commerce du bois. Celle-ci aurait obtenu un permis d’exploitation dans la région camerounaise de l’Est, principale province forestière du pays et frontalière de la Centrafrique. Domiciliée à Abong-Mbang, dans l’Est, elle bénéficie des capacités d’exportation du PAD.

Plusieurs sociétés créées au Cameroun

D’après une source à Douala, Ripperwood s’appuie sur une autre société contrôlée par les Russes et baptisée Sobro SARL. Cette entreprise dispose d’un terrain sur le port de Douala et a obtenu l’autorisation d’aconage, c’est à dire de transport, de manutention, de chargement ou de déchargement des marchandises entre les navires et les quais. En plus de gérer les importations et exportations russes, elle vend ses services à d’autres entreprises.

Contactés par Jeune Afrique, les services du Port autonome de Douala et le Groupement professionnel des aconiers du Cameroun n’ont pas donné suite à nos demandes d’informations. Depuis plusieurs années, les Russes du groupe Wagner bénéficient de
l’assentiment officieux des autorités camerounaises pour utiliser le port de Douala, où ils ont également contrôlé une autre société, International Global Logistic (IGL), laquelle était gérée par le Centrafricain Anour Madjido.

Si les agissements de ces Russes sont suivis de près par les services de renseignement camerounais, une source sécuritaire avait résumé ainsi la situation à Jeune Afrique, début 2023 : « Leurs marchandises ne font que traverser notre territoire et elles bénéficient
d’autorisations centrafricaines en règle. Nous ne nous en mêlons donc pas. » La donne pourrait toutefois changer si les mêmes Russes venaient à exporter des grumes camerounais.

Certains partenaires du Cameroun ont aussi fait savoir à Yaoundé qu’ils verraient d’un mauvais œil que le pays laisse l’ex-groupe Wagner se développer via ou sur son territoire. En octobre 2023, le directeur de la CIA, l’Américain William Burns (en pointe des opérations visant à affaiblir les mercenaires russes), a ainsi effectué une visite au Cameroun, où il s’est entretenu avec les chefs de la Direction générale de la recherche extérieure (renseignements camerounais).

JA

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