Centrafrique : « Covid – 19 »: la levée partielle des restrictions, un remède contre des remous sociaux ?

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L’allègement des restrictions est employé par les autorités centrafricaines comme un remède contre des  remous sociaux alors en phase 2 de la pandémie?

Comme nombreux d’entre vous, j’ai été surpris par la décision du Président de la République Faustin Archange Touadéra, du 12 Juin 2020, annonçant la réouverture des lieux de cultes, restaurants et caves dans un contexte où le pays se trouve dans la phase 2 de la pandémie.

Cette même décision intervient à une période où des remous sociaux sont palpables : les difficultés de transport contre la poursuite de collecte des impôts et autres taxes avec la contraction de l’économie portée par la rareté de certains produits sur le marché ainsi qu’une diminution de transaction financière de l’extérieur vers le pays; vice versa.

Même s’il n’y a pas eu un confinement général déclaré en Centrafrique, le ralentissement des mouvements constitue une double menace pour les autorités : premièrement, la menace d’un soulèvement de la population face aux conséquences socio-économiques et deuxièmement, l’incapacité révélée du gouvernement à fournir une assistance ponctuelle aux différents ménages contraints au respect des mesures barrières.

En effet, les activités ciblées par l’allègement des restrictions ne concernent rien d’autres que des espaces de jouissance populaire qui satisferaient l’instinct primaire de l’homme pauvre (centrafricain) qui n’a pas grand chose à faire que de prier, manger et se soûler la gueule… pour qui dans sa tête, le port de masque est un luxe, qu’être en famille ou entre collègues est synonyme d’immunité collective.

Ne soyons pas dupes !  aucun masque ne sera porté pendant les Cultes, aucun masque ne sera porté dans un restaurant ou cave. C’est quasiment pas possible car la pratique religieuse et culinaire est contraire au mode d’emploi d’un masque. Et un simple lavage de main ne suffit pas. Bref…

Dans son discours de circonstance, le président a consacré plus de 4 paragraphes pour remercier les partenaires (c’est légitime…). Car, « la main qui donne… », Voilà !

Cependant, on ne retrouve aucun mot de remerciement/d’encouragement à l’égard des personnels soignants parmi lesquels, on note déjà une quinzaine de contamination, pourtant exposés en première ligne de la riposte.

Le Président avait bien fait de souligner l’absence de respect des gestes barrières et de regretter la flambée de nombre des cas. Toutefois, bizarrement, il a jugé nécessaire d’alléger les restrictions en annonçant la réouverture des lieux de cultes, restaurants et les caves, comme susmentionné.

En relisant ce discours, je me suis rendu compte que, sa décision n’a pas pris en considération les conseils scientifiques. Je peux me tromper,mais les faits sont plus que parlants :

1) Le président dans son discours a salué la guérison de 459 personnes. Un chiffre qui existe nulle part ailleurs sauf dans ce discours. Car, officiellement: en RCA, il y a 2057 contaminés, 363 guérisons, 7 décès et seulement 19006 tests réalisés pour une population estimée à 4.829.767 en 2020;

2). Le plan de riposte en RCA repose sur 4 piliers : Dépistage, isolement, traitement et suivi des contacts. Or, les deux laboratoires (Institut pasteur et ministère de la santé) ont une capacité faible soit 350 à 400 tests à réaliser par jour, pour un territoire plus grand que la France et la Belgique réunies.

Pour des raisons techniques et aussi à cause de la rupture des tests récemment enregistrée quelques jours avant l’arrivée des 30. 000 autres, le dépistage avait été suspendu. En outre, des fiches sont arrivées au laboratoire sans les prélèvements et des prélèvements envoyés sans les fiches d’identification. Ce qui signifie « manque de coordination et caducité du comité en charge de la riposte ».

3) Le pays est dans une phase exponentielle de la pandémie, d’après les sources scientifiques. En raison de la fragilité du système sanitaire en RCA, des dons ont été faits par plusieurs partenaires afin d’éviter le risque d’une phase plus sévère. Malheureusement, ces dons n’ont pas profité à la majorité pauvre; Les traitements médicaux sont payés par les parents des malades. Le suivi des patients reste sélectif et en fonction de cercle social des personnes…

Ajoutant à cela, la précarité de la population centrafricaine. Selon le plan de réponse humanitaire 2020 de l’OCHA, validé par le gouvernement centrafricain, plus de 2,6 millions de personnes sont dans un besoin urgent de l’aide humanitaire. Et, 1,6 millions de personnes ne mangent pas à leur faim en RCA.

Cette population, jeune, enfant ou adulte, est déjà très vulnérable à cause des antécédents sanitaires : plus de 160.000 personnes (âge, sexe confondu) vivaient avec le VIH, le taux de prévalence de la diabète se rapproche de 20%, alors que l’hypertension, le paludisme et la faim se sont installées au même titre que les conflits armés. Ces éléments accélèrent la contamination et favorisent la mortalité chez les personnes touchées par le Covid-19, comme a alerté l’OMS à maintes reprises.

4). Cette cérémonie dédiée au lancement officiel de port obligatoire des masques, sonne comme la fin de la course contre la pandémie. Alors que 5 jours bien avant, des FSI, et des FACA ont saccagé des caves qui fonctionnaient dans l’illégalité. Des pertes matérielles et financières ont été enregistrées par les propriétaires, comme si le gouvernement avait fourni des mesures d’accompagnement et que ces gens se sont entêtés… Cette nouvelle décision, provoque un sentiment de honte et de colère. C’est une grosse erreur de jouer sur l’instinct primaire de la population pour se mettre à l’abri des critiques.

Mais rien d’étonnant, cette démarche est à l’image d’engagement politique de nos autorités qui préfèrent leur fonction plus que l’intérêt du peuple.

Rosmon Graine de Champion

Lu Pour Vous

La rédaction

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