Centrafrique : Colonel Ange Gabriel Patassé, comment pouvez – vous piller et proposer d’incendier la résidence du présidence du COFAC Ferdinand Alexandre Nguendet comme celles de votre feu Père en 1982 par l’armée ?

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Le 3 mars 1982, juste avant la fin des émissions programmée à minuit, le général Bozizé se rend à la radio, pour y lire une déclaration à 23h30 dénonçant le « projet du colonel Diallo », la « présence de mercenaires zaïrois » et la « trahison du général Kolingba ». Il affirme qu’il a été informé d’un plan visant à l’élimination physique des officiers et des cadres de l’administration, ressortissants des régions du nord du pays et qu’il dénonce ce complot qui se tramerait avec l’intervention attendue de troupes zaïroises massées de l’autre côté du fleuve Oubangui : « Notre chef actuel, le général André Kolingba a trahi et vendu l’armée et la nation toutes entières. En effet, une nouvelle force étrangère se trouve basée sur le sol centrafricain. Il s’agit d’éléments de l’armée zaïroise installés à Bangui au quartier Ouango. Un coup d’Etat fantoche est préparé en ce moment par le commandant de la gendarmerie nationale. Je vous demande de sauver la République centrafricaine ».

Pour expliquer cette prise de position, Bozizé indiquera dans l’édition du 3 mai 1983 du n°295 du magazine Afrique-Asie les faits suivants qui auraient selon lui précédés cet épisode:

  • 27 février 1982 : dans la matinée, 450 militaires zaïrois arrivent à Zongo. Dans l’après-midi, un important dispositif militaire de sécurité, commandé par le lieutenant-colonel Diallo est mis en place à l’aéroport de Bangui sans que cela ait été discuté auparavant en Conseil des ministres.
  • 28 février 1982 : dans la matinée, une séance secrète du gouvernement parallèle -car les grandes décisions se prennent ailleurs qu’au CMRN réduisant ce dernier au rôle de figurant- a lieu à Zongo. Etaient présents à cette séance les chefs d’Etat zaïrois et centrafricains ainsi que certaines autorités civiles et militaires : Ayandho, Pehoua, Gbeti, Diallo, Miango, Grelombe et Mokalo.
  • 1er et 2 mars 1982 : 75 soldats zaïrois traversent de nuit en amont le fleuve Oubangui et s’organisent en cantonnement dans des pâturages à bœufs situes a Mboko dont Kolingba est propriétaire.

 

Mars : tôt le matin, 75 éléments militaires zaïrois sont rassemblés dans la concession privée du général Kolingba au quartier Ouango où stationnent 12 véhicules militaires et 6 hors-bords. Vers 10h30, 4 officiers supérieurs zaïrois traversent discrètement le fleuve pour venir inspecter leurs éléments lesquels ont été vêtus de vieilles tenues centrafricaines. Vers 19h, une dernière réunion du gouvernement parallèle se tient dans le verger privé de Kolingba dans le quartier de Gbagouma à Bangui pour transmettre les dernières consignes avant l’opération – 83 personnes étaient présentes à cette séance-. Le chef de l’Etat centrafricain, ministre de la Défense nationale et chef d’Etat-major avait consigné tous les quartiers militaires à l’exception du régiment d’intervention parachutiste du camp Kassaï qui, appuyé par un important contingent zaïrois arrivé 5 jours plus tôt à Zongo et par d’autres éléments zaïrois basés dans la concession privé du général Kolingba dans le quartier Ouango à Bangui devait procéder dans la nuit du 3 au 4 mars 1982 à l’arrestation et à l’élimination physique immédiate de responsables politiques gênants pour le régime.

Selon Bozizé, la déclaration du 3 mars de Bozizé à la radio avait « un but informationnel » et  « un caractère de dénonciation, bien que le Président du CMRN se soit évertué à la présenter à l’opinion publique et aux milieux politiques étrangers comme constituant une tentative de coup d’Etat des généraux Bozizé et Mbaïkoua au profit d’un leader politique de l’opposition ». Cette version de Bozizé qui bat en brèche la version officielle sera reprise dans la livre de Roger Delpey paru en 1985 « Affaires centrafricaines ». Celle-ci soutient que cette histoire de « coup d’Etat radiophonique » a été montée de toute pièce pour démanteler l’opposition et en particulier du MLPC.

On ne peut certes pas naïvement prendre pour argent comptant les affirmations de Bozizé et penser qu’aucun plan pour prendre le pouvoir par la force n’ait jamais été échafaudé par l’opposition. Mais, comment sérieusement penser que Patassé ait voulu prendre le pouvoir sans arme ni réelle logistique militaire au moyen d’un simple appel à l’insurrection formulé en nuit par Bozizé ? Comment penser que ce scénario ait été envisagé à la barbe de Jean-Claude Mantion, cet agent de la DGSE qui assurait alors non seulement la sécurité Présidentielle de Kolingba et aussi veillait à la « stabilité de la Centrafrique » ? Il faut souligner que la République centrafricaine avait en ce temps-là une importance stratégique car elle constituait une sortie de « base arrière » pour la France alors que la guerre faisait rage au Tchad. La DGSE soutenait alors activement la rébellion d’Hissène Habré qui prendra le pouvoir à Goukouni Oueddeï début juin 1982. C’est d’ailleurs à partir de la RCA que seront déployées, en août 1983, les forces françaises de « l’opération Manta ». Cette volonté de conserver une « stabilité » en RCA se retrouve alors aussi chez autres pays frontaliers comme le Zaïre et le Gabon qui redoutent alors de voir s’instaurer à leurs frontières un quelconque système multipartiste. Cet appel radiophonique précipité de Bozizé donnera en tout cas un fabuleux prétexte à Kolingba pour démanteler l’opposition et renforcer pour longtemps son pouvoir en République centrafricaine…

Dès le lendemain matin -4 mars 1982-, alors que l’ordre avait été rétabli dans le reste de Bangui, une unité d’une centaine d’hommes se rend à la résidence du général Mbaïkoua dans le quartier Galabadja et fait usage des armes. Au cours de la fusillade, l’épouse du général Mbaïkoua, Agnès Mbaïkoua, son jeune fils Jérôme, Jean Mete-Yapendé et aussi le journaliste français de l’agence gamma Jérôme Chatin sont blessés par balles. Rotoloum, le frère de Mbaïkoua et chef du quartier sera tué au cours de cette intervention qui fera deux morts et une trentaine de blessés. Bozizé qui se cachait entre le plafond et le toit de la maison ne sera pas retrouvés lors de cette intervention. Il se refugiera après l’intervention au cantonnement de l’Elément Français de l’Assistance Opérationnelle -EFAO-. Patassé et Mbaïkoua ont eux trouvé refuge à la maison de formation des petites sœurs du cœur et par l’intermédiaire de la sœur supérieure, ils demandent asile et protection à la France. Au même moment, un conseil des ministres est réuni par Kolingba au siège de l’état-major des armées. Les généraux Bozizé et Mbaïkoua introuvables font l’objet de mandats d’arrêts. Dans l’après-midi, des militants MLPC conduisent Lucienne Patassé à l’ambassade de France avec une vingtaine d’enfants dont 7 lui appartenant afin de demander la protection de la France. Dans la soirée, l’éviction des conjurés du gouvernement militaire est présentée à la radio, comme un « léger remaniement ministériel ». Le nouveau cabinet, présidé par le général André Kolingba, comprend vingt et un membres, dont quinze ministres et cinq secrétaires d’État. Outre les généraux Alphonse Mbaïkoua et François Bozizé, considérés comme les principaux investigateurs du coup d’État manqué, deux ministres, l’intendant militaire Timothée Marboua -économie et finances- et le lieutenant-colonel Martin Dokossi -commerce et industrie- quittent le gouvernement. Aucune référence aux évènements de la nuit n’est faite pendant vingt-quatre heures. L’aéroport n’a pas été fermé, en dépit du fait qu’il est resté coupé quelques heures de Bangui. Ce remaniement s’accompagne parallèlement de nombreuses arrestations -une centaine au total- de militants MLPC dont un certain nombre sont déférés devant le Tribunal Spécial, juridiction d’exception permanente compétente en matière de crimes et délits de nature politique. Sont aussi évincés de l’armée, de la gendarmerie et des administrations certaines personnes soupçonnées d’appartenir au MLPC et leur remplacement.

Le 5 mars 1982, la demande d’asile présentée par Patassé et Mbaïkoua est refusée. Madame Patassé et les enfants qui l’accompagnaient quittent l’ambassade de France.

Afp 19Le 6 mars 1982, les forces de sécurité lance l’assaut et détruisent la concession du km 10 de Patassé recherché pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État. » Patassé qui est resté jusque-là introuvable parviendra à se réfugier sur une mobylette à l’ambassade de France déguisé en commerçant musulman, le boubou flottant en compagnie de deux militants du MLPC : Bernard Seremalet, son aide de camp, Moïse Mandaba, médecin ainsi que du sergent David Madji, aide de camp du général Mbaïkoua. Dans le même temps, Madame Lucienne Patassé et ses enfants -notamment Valentine alors âgée de 17 ans, Patrice, 16 ans, Valérie, 15 ans, Marie-José, 15 ans, Sylvain, 11 ans, Jean-Christian, 11 ans-, de même que Madame Bozizé et son fils -Jean-Francis alors âgé de 12 ans- et Madame Agnès Mbaïkoua et ses fils Jérôme et Jean-Baptiste sont finalement faits prisonniers au camp Kassaï où ils resteront prisonniers pendant quasiment un an -ils seront libérés le 28 février 1983-. Les autorités décident par ailleurs de la dissolution du MLPC ainsi que la fermeture de bars et lieux publics qui servaient de lieux de rassemblement au mouvement. Déjà, de septembre 1981 à mars 1982, les activités des partis politiques avaient été interdites, mais le fait d’être membre d’un parti ne constituait pas en soi une infraction. Cette fois-ci, le MLPC est interdit et dissout. L’appartenance à ce mouvement désormais considérée comme un délit.

Le 7 mars 1982, à l’instigation du lieutenant-colonel François Diallo, commandant de la gendarmerie, du lieutenant-colonel Guillaume Djengbot, sous-chef d’état-major de l’armée centrafricaine, chef du cabinet militaire du Président, du lieutenant-colonel Christophe Grélombé, Ministre et secrétaire général du gouvernement et de Martin Yando, chef du cabinet civil du Président, les forces armées et la gendarmerie procèdent à de nombreuses arrestations de membres ou sympathisants du MLPC.

Seront ainsi arrêtés tous les membres du bureau politique du MLPC y compris Hugues Dobozendi, Vice-Président du MLPC -dont la concession sera brûlée- mais aussi José-Christian Londoumon procureur général de la République, le capitaine Luc Nganafei contrôleur général des armées, le professeur Simon Bedaya-Ngaro, précédent recteur de l’Université, Philémon Lakoué, Directeur général de l’agence de presse de RCA, le Docteur Jean-Luc Mandaba ainsi qu’un grand nombre de fonctionnaires, d’enseignants, d’avocats, de membres des forces armées etc.

Finalement, à la suite de longues tractations entre la France et l’exécutif centrafricain, Patassé est finalement transféré au Togo le 13 avril 1982 où les autorités locales lui ont accordé l’asile politique à condition qu’il s’abstienne de toute activité politique. Bénéficient de la même mesure Bernard Seremalet, aide de camp de Patassé, le docteur Moïse Mandaba, membre du bureau politique du MLPC et le Sergent David Madji, aide de camp du général Mbaïkoua. L’on dénombrait alors 117 personnes incarcérées pour la plupart au camp Kassaï, 18 ayant été transférées à Sibut et 3 autres à Bambari, la quasi-totalité étant soupçonnés d’être des militants ou sympathisants du MLPC. Certains détenus sont déférés devant un Tribunal Spécial. En marge de ces incarcérations, une épuration a lieu dans les administrations et au sein des forces armées évincées de personnes soupçonnées d’appartenir au MLPC. Dans les rangs des FACA, près d’une centaine d’officiers, sous-officiers et hommes de troupes sont rayés des contrôles pour atteinte ou complicité d’atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat.

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