Centrafrique: Chemin d’Addis Abeba ou l’inévitable recomposition du gouvernement Ngrébada

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Aujourd’hui 18 mars 2019 s’ouvre à Addis Abeba, capitale d’Ethiopie où se trouve le siège de l’Union africaine (le syndicat des chefs d’Etat d’Afrique), le nouveau pourparler entre le président centrafricain Faustin Archange Touadéra et les 14 groupes armés signataires de l’Accord politique de paix et de réconciliation en République Centrafricaine dit « Accord de Khartoum », paraphé à Khartoum le 04 février et signé à Bangui le 06 février dernier, sous l’égide de la commission de l’Union africaine et les  Etats et organisations internationales et régionales garants dudit Accord. Les participants de la rencontre politique d’Addis-Abeba vont discuter du grand couac dans le processus de formation du gouvernement du 03 mars, ce qui met déjà à mal la mise en œuvre de l’Accord de Khartoum.

L’impasse politique

En effet et comme on le sait, la quasi-totalité des groupes armés et des partis politiques aussi bien de la majorité présidentielle (cas du KNK, de l’UNDP et autres) que de l’opposition démocratique (cas de l’URCA, de la CPRS et autres) reprochent à Touadéra et à son Premier ministre Ngrébada:

-la non prise en compte des portefeuilles ministériels et des noms des ministrables qu’ils ont présentés au Premier ministre pour la composition  du gouvernement;

-le grand déséquilibre régional, politique et géopolitique dans la composition du gouvernement, ce qui lui ôte tout caractère inclusif pourtant prévu à l’article 21 de l’Accord de Khartoum.

-le débauchage de certains éléments des groupes armés et leaders politiques pourtant non proposés par les leaders de leurs entités respectives (cas de l’aide-boucher et chuiyatier Amadama Chaïbou au niveau du MPC, et d’Augustin Yangana-Yahoté de l’UNDP, débauchés par le pouvoir);

-la reconduction de plusieurs membres du gouvernement sortant dont les noms sont associés à des pratiques qui sont éloignées de la paix, la réconciliation, la justice et la bonne gouvernance recherchées.

La démission des ministres issus du KNK et de l’URCA, la séquestration de ceux issus de certains groupes armés qui sont placés dans l’impossibilité d’exercer les fonctions de ministre, l’indignation et la dénonciation populaires des ministres  criminels, sans niveau, incompétents, politiquement et administrativement incultes et marchant à contre-courant de l’histoire et des attentes du peuple, sont autant de faits qui seront intégrés  dans les débats d’Addis-Abeba, si l’on souhaite sincèrement trouver une issue durable à la crise actuelle qui ne profite à personne.

Oú est l’inclusivité?

Comment par exemple un petit village comme Gordil à Birao, qui compte moins de 100 habitants, peut avoir à lui seul deux (2) ministres, alors que la sous-préfecture  de Mbaïki, la deuxième sous-préfecture la plus peuplée de la RCA avec plus de 180.000 habitants, n’a aucun ministre?

Comment des préfectures entières comme la Sangha-Mbaéré, la Nana-Mambéré, la Haute Kotto et le Haut Mbomou n’ont  aucun ministre, alors que des petites sous-préfectures comme Rafaï et Satéma ont 2 ministres, et les sous-préfectures de Kaga-Bandoro (dont serait originaire le père biologique de Touadéra) et Paoua ont chacune 3 ministres?

Inclusif est un terme mathématique inclus dans la théorie des ensembles. Le président-professeur de mathématiques ne peut être taxé d’incompréhension du mot. Cette crise maladroitement engendrée par le couple Touadéra /Sarandji découle de la ferme volonté des deux hommes d’affecter la part léonine au parti MCU en passe d’être un parti-Etat avec 11 portefeuilles.

En plus des 11 ministères donnés à la majorité présidentielle et 4 autres à des proches de Touadéra, le camp présidentiel détient à lui seul 26 postes ministériels, chiffre qui démontre bien le caractère exclusif du gouvernement du 03 mars.

Gouvernement inclusif veut dire que les 14 groupes armés géniteurs de la crise persistante devaient chacun faire partie de l’équipe gouvernementale, y compris la société civile et les autres partis politiques, de l’opposition comme du centre. Le problème aurait dû être réglé en amont si on avait fixé un quota à chacune des parties  (Pouvoir, opposition démocratique, société civile et groupes armés) ou alors si le terme inclusif n’y figurait pas.

L’article 21 a placé la balle dans le camp Touadéra qui s’est précipité de donner le coup d’envoi sans mûre réflexion.

Aujourd’hui, le camp Touadéra – MCU – et le G14 se regardent en chiens de faïence.

L’Accord de Khartoum est une corde à pendaison. Addis-Abeba (énième médiation, 18 mars 2019) indiquera qui du M.C.U ou du G14 sera le bourreau.

Comment débloquer l’impasse?

Pour débloquer l’impasse politique et institutionnelle ainsi créée, Touadéra doit s’inspirer de la sagesse de Patassé pour:

1/ dégager un consensus préalable sur: le format du gouvernement, le profil des ministrables, la lettre de mission de chaque ministre;

2/ confier certains ministères clés à l’opposition armée et l’opposition démocratique. Patassé l’avait fait en 1996-1997 en confiant les ministères des Finances, de l’Economie et du Plan, des Mines, de la Défense nationale, de la Fonction publique et du Travail, de l’Enseignement supérieur… à l’opposition démocratique et aux mutins;

3/respecter les propositions des différentes entités relatives aux noms des ministrables et éviter le débauchage (cas du député UNDP de 4è2  Augustin Yangana-Yahoté nommé ministre de l’Administration du Territoire au lieu de Samuel Bissafi qui a été la vraie proposition du parti UNDP);

4/cesser de manipuler les médias publics et privés à des fins de règlement de compte.

L’avenir de la paix en RCA est à ce prix.

Si Touadéra n’entend pas la voie de la sagesse, l’après-Addis-Abeba risquera d’être encore plus dur à gérer par lui.

Damoclès Diriwo

Source: MEDIAS+ N°2100 du Lundi 18 Mars 2019

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