Centrafrique : Batangafo met en doute l’importance de l’ONU

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Des hommes armés ont pillé et incendié le 31 octobre, le site de déplacés de Batangafo dans le nord-ouest de la Centrafrique, sous le regard impassible des Casques bleus. « Il n’y a même pas eu de tirs de dissuasion », explique Patrick. Le peu qu’il possédait est parti en fumée.

Quelques habits, une bâche et une hutte: c’est tout ce qu’il possédait dans ce camp, depuis qu’il avait fui sa maison pour y trouver refuge.

Il a assisté à l’incendie du camp, trop âgé pour fuir dans la brousse avec le reste des déplacés: « les véhicules des Casques bleus Pakistanais étaient sur les axes, et ils regardaient les rebelles des ex-Séléka dans le site, en train d’incendier les huttes », raconte-il.

En octobre et novembre, les camps de déplacés d’Alindao dans lesud-est et de Batangafo ont été la cible d’attaques de groupes armés.

Une femme en pleurs devant le siège de la Minusca, Bangui, le 11 avril 2018
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Les deux ont été brûlés, des dizaines de civils tués, et des milliers d’autres de nouveau obligés de fuir la violence.

A chaque fois, des Casques bleus étaient présents et leur passivité a été critiquée.

« On a aussi vu la même situation à Alindao, où la Minusca (mission de l’ONU en Centrafrique) n’était pas capable de protéger la population civile contre les groupes armés », explique Jesùs Toro, coordinateur des activités de Médecins sans frontières (MSF) à Batangafo.

Dans cette ville, « le personnel de MSF a pu voir des soldats de la Minusca se tenir, tels des spectateurs passifs, à proximité des assaillants », a indiqué l’ONG dans un rapport publié lundi.

– « Ils souriaient » –

Jean Michel Gondo, maire par intérim de Batangafo, a du mal à trouver ses mots lorsqu’il raconte la journée du 31 octobre, au cours de laquelle au moins 15 personnes ont été tuées, 29 blessées et 20.000 déplacées.

Manifestation d'habitants du PK5 devant la Minusca à Bangui le 11 avril 2018.
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Les Casques bleus du bataillon pakistanais sont venus le chercher, lui et le sous-préfet, pour les mettre à l’abri dans leur base, quelques minutes avant le début des violences.

« On les voyait à la guérite, ils se contentaient de prendre des films et souriaient! », affirme-t-il.

« J’ai vu de mes propres yeux comment la Minusca suivait les ex-Seleka sans rien faire », explique Pierre, un autre résident du site de déplacés, assis sur les gravats du presbytère de la ville.

De l'herbe est brûlée pour faire de la place aux nouvelles tentes dans le nouveau camp de personnes déplacées à Kaga Bandoro, le 19 octobre 2016.
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Le bâtiment a été incendié durant cette attaque menée par les rebelles du Mouvement pour la paix en Centrafrique (MPC) et du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), issus de l’ex-rébellion à dominante musulmane de la Séléka, qui avait renversé le président François Bozizé en 2013.

En Centrafrique, où une quinzaine de groupes armés combattent pour le contrôle des ressources minières, l’autorité de l’Etat est quasi-inexistante dans les provinces pour la plupart contrôlées par ces groupes.

– Connivence –

« Quand nous parlons en tant qu’autorité, la population ne nous écoute pas », reconnaît M. Gondo.

Depuis 2014, la Minusca tente de protéger les civils de ces groupes armés, en appui d’une armée nationale décimée par des années de guerre.

La Minusca est régulièrement accusée de passivité, voire même de connivence dans certaines zones du pays.

Le camp des déplacés de PK3 à Bria, le 12 juin 2018. (VOA/Freeman Sipila)
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Après l’attaque d’octobre, des éléments du contingent camerounais ont été déployés à Batangafo, remplaçant les Pakistanais.

« J’ai confiance dans le contingent camerounais », explique Pierre, corroborant le discours de plusieurs autres habitants qui estiment qu’ils sont plus neutres.

Pourquoi alors, ne pas avoir déployé les Camerounais plus tôt? « On ne peut pas être partout », avait plaidé fin janvier le chef d’état-major de la Minusca, le général Remi Seigle, ajoutant: « La force de la Minusca, c’est 11.000 soldats, soit un soldat pour 400 habitants ».

Réunion du Conseil de sécurité des Nations Unies, New York, États-Unis, le 26 janvier 2019.
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En sous-effectif, la Minusca doit en plus composer avec certains bataillons qui ont reçu l’ordre de leur pays d’éviter avant tout des pertes dans leurs rangs, selon une source onusienne.

Un accord de paix négocié à l’initiative de l’Union africaine (UA) entre le pouvoir à Bangui et 14 groupes armés, signé le 6 février, a relancé les espoirs de paix dans ce pays meurtri par les violences depuis des années.

Source : VOA

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