Centrafrique : Aujourd’hui, il y a suffisamment d’éléments pour traduire le Président de la République devant la Haute Cour de Justice pour haute trahison, dixit AKM

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INTERVIEW EXCLUSIVE : KARIM MECKASSOUA : « JE SUIS PRÊT POUR LE COMBAT »

« La Centrafrique est gouvernée à 80% par les groupes armés »

  

Abdou Karim Meckassoua, Ministre sous la présidence de François Bozizé pendant 6 ans, Directeur de cabinet de Jean-Paul Ngoupandé. Karim Meckassoua était depuis deux ans, le président de l’Assemblée nationale avant qu’il ne devienne, le 26 octobre 2018 l’homme à abattre. Rencontre.

Priscilla Wolmer : Vous avez été victime d’un empoisonnement confirmé par le rapport de l’hôpital Cochin (Paris). Qui a voulu faire de vous un homme mort et pourquoi ?

Karim Meckassoua : À qui aurait profité le crime ? Le 16 avril 2019, j’ai été foudroyé par un mal que je n’arrivais pas à identifier. Je souffrais énormément avec des douleurs ressenties dans tout le corps et je ne pouvais pas mettre le pied au sol. Le 17, j’ai été conduit à l’Institut Pasteur qui est un laboratoire à Bangui. Les médecins biologistes ont effectué un bilan complet, avec les prises de sang à réaliser. Ils m’ont conseillé de prendre le premier avion pour Paris. Le 18, j’étais conduit en ambulance de Roissy Charles de Gaulles à l’hôpital Cochin. Je suis resté à l’isolement pendant deux semaines. Ma mort a été annoncée prématurément à Bangui. Ma famille a dû se barricader pour éviter que l’on installe une place mortuaire mais je suis bel et bien vivant. Et ça vient de loin. Ceux qui ont planifié ma mort l’ont fait de main de maître. Les résultats des analyses à Cochin faisaient peur mais croyez-moi, je suis prêt pour le combat !

Priscilla Wolmer : Vous êtes député de la 3ème circonscription de Bangui, depuis que vous êtes sorti de votre convalescence, vous arpentez énormément l’Afrique centrale, notamment l’Angola ou encore le Congo Brazzaville, et vous voici, ici à Paris. Comptez-vous revenir au sein de l’hémicycle pour les sessions ordinaires et extraordinaires ?

Karim Meckassoua : Evidemment pour ce qui est de l’Assemblée Nationale. S’agissant de mes déplacements, vous savez sans doute que j’avais été élu président du Forum des Parlements des États Membres de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (FP-CIRGL), qui regroupe nos 12 pays des Grands Lacs. Or, j’ai été à l’origine d’une importante initiative de ce Forum – la première du genre – dont l’objet était, d’une part, de construire une réponse commune au terrorisme et à la prolifération des groupes armés et, d’autre part, de fixer un cadre commun pour le statut d’ancien chef d’Etat. Je suis encore consulté sur ces questions et ce n’est que normal.

Priscilla Wolmer : Pourquoi avoir lancé une telle initiative ?

Karim Meckassoua : On dit souvent que la RCA est un laboratoire. On dit cela en pensant aux maux qui gangrènent l’Afrique. Pour ma part, je préfère en faire un laboratoire des solutions. C’était cela cette initiative. L’extrémisme violent à connotation religieuse est, hélas, le nouveau fléau non seulement en Centrafrique, mais aussi dans d’autres pays des Grands Lacs. Les djihadistes sont présents désormais en RCA, en RDC, au Tchad, au Soudan, et j’en passe. Il nous faut nous entendre pour éradiquer cette violence terroriste, et dans cette lutte les Etats qui n’ont pas de terroristes sur leur sol sont tout autant concernés, ne serait-ce que parce qu’ils subissent les conséquences des exactions des groupes terroristes, notamment avec l’afflux massif de réfugiés et personnes déplacées.

Sur l’autre volet de l’initiative, c’est le même souci qui nous a guidé. Nous constatons en Centrafrique que l’absence de statut d’ancien Chef d’Etat est un vecteur de frustrations qui génèrent de la tension et peut même déboucher sur de la déstabilisation. Nous faisons le même constat ailleurs dans la Région des Grands Lacs. Là aussi, l’action collective pour prévenir les troubles nous a paru la meilleure voie à suivre pour stabiliser nos pays.

Priscilla Wolmer : La Centrafrique est un pays de 5 millions d’habitants. C’est un pays complexe. Avec 600 000 déplacés internes soit 13% de la population. Que faut-il pour arriver à la cohésion et à l’unité nationale ?

Karim Meckassoua : La bonne gouvernance. D’après notre feu père fondateur, Barthélemy Boganda, la Centrafrique est considérée comme le berceau des Bantus, comme le creuset de plusieurs cultures qui englobent l’ouest, l’est, le nord et le sud. Et, nous nous sommes retrouvés avec la langue véhiculaire de la République centrafricaine, langue nationale et officielle désormais, le Sango. Il est le ciment de notre unité.

 Barthélémy Boganda. © DR  

La devise de la République centrafricaine est « Unité – Dignité – Travail ». La notion d’unité est citée en premier. Malheureusement, la mauvaise gouvernance a entraîné pas mal de divisions et un État divisé est un État qui court à sa perte. Seule une bonne gouvernance permettra de forger à nouveau ce vivre ensemble dans la dignité qui n’aurait jamais dû quitter la République centrafricaine.

Priscilla Wolmer : En Centrafrique, il y a des musulmans au Nord, à la frontière du Tchad, et des chrétiens. Il y a des Bantus, et d’autres ethnies, comment vous définissez-vous ?

Karim Meckassoua : Je suis un centrafricain, bantu, musulman. Je cohabite avec des chrétiens et mon épouse est chrétienne. Cela n’a jamais posé de problème. Malheureusement, quand ceux qui veulent conquérir le pouvoir n’ont ni arguments, ni projets, ils attisent la haine en utilisant la religion. J’en suis convaincu : le sentiment national demeure plus fort que ces agitations confessionnelles.

Priscilla Wolmer : Une nouvelle équipe gouvernementale conduite par le Premier ministre Firmin Ngrebada a été formée. Plusieurs portefeuilles ministériels confiés à des représentants de groupes armés, à l’opposition mais rien pour la société civile. Qu’en pensez-vous ?

Karim Meckassoua : J’en pense le plus grand mal. Si, pour participer au gouvernement, il faut prendre les armes, alors on court à notre perte ! Nous ne devons jamais favoriser la violence comme moyen pour conquérir le pouvoir, comme moyen pour siéger à la table du Conseil des Ministres. C’est extraordinairement difficile, dangereux. Aujourd’hui, que constate-t-on ? Je n’ai rien contre « X » ou « Y », mais entrer au gouvernement, cela veut dire diriger le pays. Pour diriger un pays, il faut respecter l’éthique, tenir un comportement, avoir des valeurs, et des compétences. En Centrafrique, certains qui n’ont aucun sens de l’État siègent au Conseil des ministres. Quelqu’un qui n’a aucun sens de l’Economie est responsable du développement du secteur économique. Quelqu’un qui sait à peine lire et écrire se retrouve porteur de messages à la jeunesse. Comment prendre au sérieux un tel gouvernement ? Comment les autres peuvent-ils prendre au sérieux notre Etat ?

Priscilla Wolmer : Nous ne pouvons pas imaginer que le président Faustin-Archange Touadéra aurait laissé son Premier ministre Firmin Ngrebada placer des illettrés au sein du gouvernement.

Karim Meckassoua : Faustin-Archange Touadéra est Président de la République. Il est le Chef de l’Etat. Il ne peut pas ne pas être tenu pour responsable. J’estime même qu’il porte une lourde responsabilité dans ce que nous sommes entrain de vivre en Centrafrique. Notamment la responsabilité d’avoir légitimé la violence et le crime en les mettant au Gouvernement, d’avoir fait des centrafricains et des victimes de la crise des sans droits dans leur propre pays, d’avoir fait de nos institutions des coquilles vides et de l’Assemblée nationale en particulier son marche-pied. Il faut sortir de cet engrenage, de cet enfer. Et en sortir par le droit. Il n’y a pas d’autre solution que de restaurer notre ordre constitutionnel !

Priscilla Wolmer : Rappelons que vous étiez Président de l’Assemblée nationale pendant deux ans, avant d’être destitué le 26 octobre 2018 par une large majorité de député.

Karim Meckassoua : Je n’ai pas été destitué. J’ai été victime d’un putsch, d’un coup d’Etat parlementaire. Je m’explique. Il y a destitution quand les choses sont faites comme le Peuple centrafricain à travers la Constitution l’a voulu. Notre Constitution retient des raisons très précises comme étant les seules pour lesquelles un Président d’Assemblée nationale peut être démis de ses fonctions. Or, j’ai prouvé devant la nation tout entière lors de cette farce qu’on a appelé « débat de destitution » que non seulement les accusations portées contre moi n’avaient rien à voir avec les motifs de destitution prévus par notre Loi fondamentale, mais encore que ces accusations ne reposaient sur rien. La destitution a quand même été votée. C’est donc, je le répète, un putsch.

On a voulu et on a eu ma peau parce qu’on ne supportait pas que l’Assemblée nationale joue son rôle démocratique de contrepoids

On a voulu et on a eu ma peau parce qu’on ne supportait pas que l’Assemblée nationale joue son rôle démocratique de contrepoids, qu’elle contrôle le gouvernement, qu’elle prenne des initiatives comme l’initiative de paix que nous avons adopté en mai 2017, qu’elle contrôle la signature des contrats miniers à travers la procédure d’autorisation préalable que prévoit la Constitution. Pour tout dire, ce que vous appelez ma « destitution » est symptomatique d’un régime qui n’avance qu’à coup de violations de la Constitution. Voilà pourquoi j’appelle et appellerai encore à la restauration de l’ordre constitutionnel dans notre pays. Revenir au respect des textes, à commencer par la Constitution. Nous serons alors sur la voie de la bonne gouvernance.

Priscilla Wolmer : L’ancien Premier ministre Nicolas Tiangaye déplore l’absence de membres de l’opposition et de la société civile au sein de cette nouvelle équipe et affirme que : « Ce gouvernement n’est pas suffisamment inclusif en ce sens qu’il n’est pas représentatif des forces politiques et sociales du pays ». Il estime qu’en réalité : « il s’agit juste d’un partage de postes entre les partisans du président Touadéra et les groupes armés « .

Karim Meckassoua :

La Centrafrique est gouvernée à 80% par les groupes armés

Le président Touadéra a fait un choix. Partant du constat que la Centrafrique est gouvernée à 80% par les groupes armés, il a fait le choix des armes ou plus exactement le choix de la soumission aux armes et de l’alliance avec les groupes armés. Il y a là dessous des calculs électoraux évidents. Il s’est dit qu’en composant avec les groupes armés sa réélection en 2021 serait facile. Au prix de combien de destructions, au prix de combien de morts ? On nous dit, du camp Touadéra, que la paix n’aurait pas de prix. Pourquoi le peuple et le pays seraient-ils les seuls à payer le « prix » de la paix ? Pourquoi serait-il normal que tout soit fait à la gloire et pour le bénéfice des groupes armés ? Moi je dis, cela n’est pas normal, il n’y a pas de raison. Je le répète, le Président Touadéra a fait un choix. Un choix contraire à l’intérêt national. Il était possible de faire autrement.

Priscilla Wolmer : C’est à dire ?

Karim Meckassoua : Je veux dire que le choix des seuls groupes armés est un choix à très très court terme et qu’il est dangereux pour le crédit national. Et quand je dis qu’il était possible de faire autrement, je pense aux recommandations que l’Assemblée nationale sous ma Présidence avait faite au Président Touadéra à travers l’initiative dont j’ai déjà parlé. S’il avait suivi ces recommandations, on aurait eu affaire à un processus de paix conçu par les Centrafricains eux-mêmes, conduit par leurs institutions républicaine en impliquant les forces vives de la Nation, conduit dans le respect de notre Constitution et, enfin, ne perdant pas de vue le droit des victimes à la justice et à la réparation. Touadéra a balayé tout cela d’un revers de la main, pour privilégier son intérêt personnel à court terme. Qu’il en assume la responsabilité.

Priscilla Wolmer : Le président est-il conseillé par Sani Yalo, le président du Conseil d’Administration du BARC ?

Sani Yalo, le président du Conseil d’Administration du BARC 

Karim Meckassoua : Sani Yalo est le moteur économique du président Touadéra. C’est Sani Yalo qui lui a montré toutes les voies mafieuses pour pouvoir accumuler des richesses.

Priscilla Wolmer : Certains affirment qu’il est le propriétaire d’une société de transport au Cameroun, vous confirmez ?

Karim Meckassoua : C’est exact.

Priscilla Wolmer : Son frère Ahmed Yalo est-il un Général des armées proche du Tchad ?

Karim Meckassoua : Vous êtes très bien informé. Je peux confirmer que Sani Yalo est bien impliqué dans une tentative de renversement du président Obiang.

Priscilla Wolmer : Cela est une accusation très grave.

Karim Meckassoua : Ce n’est pas une accusation. J’étais président de l’Assemblée nationale de RCA. Des missions équato-guinéennes se sont rendues en Centrafrique pour faire le point sur ce dossier. Je les ai reçues. Par ailleurs, vous avez cité tout à l’heure l’ancien Premier ministre Nicolas Tiangaye. Vous pouvez le lui demander. C’est Nicolas Tiengaye, l’ancien Premier ministre qui m’a alerté avant le coup d’État. Pour ce coup, des personnes ont été arrêté. Pour se dédouaner, Sani Yalo s’est cru obligé de dénoncer ses propres parents. La famille est désormais divisée et les gens ne comprennent pas. Celui qui a organisé est pris la main dans le sac et il dit : « ce n’est pas moi, c’est eux. »

Priscilla Wolmer : Excusez-moi de revenir sur ce que vous venez d’affirmer. Comment expliquez-vous qu’un homme responsable d’une tentative de coup d’État contre le président Obiang soit toujours Conseiller de son homologue Touadéra, en Centrafrique ?

Karim Meckassoua : J’ai lu des documents. J’ai lu des témoignages. La famille de Sani Yalo est encore là. Sani Yalo a accordé des interviews. En ma qualité de Président de l’Assemblée jusqu’en octobre 2018, j’ai reçu du monde. Les choses sont claires. Je m’étonne moi-même que Sani Yalo soit toujours maintenu dans ses fonctions de Conseiller le plus proche du chef de l’État. Ce qui est certain, c’est que le Président ne peut pas l’ignorer. Quoiqu’il en soit, il y a eu pas mal d’interventions dans cette affaire et, à Bangui, des partisans de Sani Yalo et du président Touadéra, disent ouvertement à qui veut les entendre : « nous avons les Russes aujourd’hui avec nous, nous avons les moyens, rien ne peut nous arriver ». C’est peut-être là une piste de réponse à votre question.

À mes yeux, l’essentiel est ailleurs. Il est que la République Centrafricaine ne doit pas être utilisée comme plateforme pour aller déstabiliser d’autres Etats, et encore moins des Etats frères. Nous sommes tellement faibles. Nous n’avons pas d’armée structurée. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous immiscer dans les problèmes internes de la Guinée équatoriale ou d’autres pays. Nous ne pouvons pas construire de solidarité régionale sur cette base.

Priscilla Wolmer : Il y a un intérêt croissant de la Russie pour la Centrafrique et son secteur minier (diamants, or et uranium). Intérêt qui s’est manifesté par l’envoi d’armement et d’instructeurs militaires. Ils assurent la protection de la présidence et ils font partie de la Minusca également.

Des consultants militaires russes ont mis en place une formation pour les forces armées centrafricaines après avoir livré des armes au pays. Ici, le premier secrétaire de l'ambassade de Russie remet les diplômes de fin d'études à des recrues à Berengo, le 4 août 2018. FLORENT VERGNES/AFP 

Karim Meckassoua : Les militaires russes que vous mentionnez sont ceux qui font désormais partie de la Minusca (la Mission des Nations unies en RCA). Ce sont là des militaires officiels, et on ne peut que se réjouir d’un tel développement des relations d’Etat à Etat entre la Russie et la RCA. Non seulement je n’ai rien contre la Russie, je suis un fervent partisan des relations d’Etat à Etat. Or, en Centrafrique aujourd’hui l’essentiel des relations avec la Russie passe par des accords signés entre notre Etat et une société privée qui est aussi une société militaire. Je me dois d’ajouter que ces accords sont soustraits au regard de l’Assemblée Nationale. C’est à l’égard de cette relation-ci que j’émets les plus vives réserves. Je suis contre le fait que des personnes viennent massivement et en catimini, qu’ils pillent nos richesses, et que des individus dont on ne connaît ni le pedigree ni les antécédents soient chargés de former nos militaires sans qu’on nous dise en contrepartie de quoi. Nous avons dans notre mémoire collective en Centrafrique un spectre que personne ne veut voir ressurgir, celui du colonel français Jean-Claude Mansion. À l’époque, il faisait tout. Il était le Conseiller très spécial du président André Kolingba. C’était le grand Manitou, le « proconsul ». Aujourd’hui, le nouveau Mansion de Centrafrique s’appelle Valerii Zhakarov. Il est le Conseiller très spécial du président Touadéra en matière de sécurité, et ce n’est même pas un officiel russe. Il intervient à l’Assemblée nationale, convoque les députés, distribue de l’argent ça et là, jusque dans les quartiers. C’est scandaleux !

Valerii Zakharov (au centre) exerce les fonctions de "conseiller à la sécurité" de Touadéra. On le voit ici en compagnie du ministre centrafricain de la Communication, Ange-Maxime Kazagui (à droite). FLORENT VERGNES /AFP 

Priscilla Wolmer : Voilà là, une offensive tous azimuts qui n’a pas manqué d’irriter à plusieurs reprises la diplomatie française. À l’automne dernier, la ministre de la Défense Florence Parly avait ainsi dénoncé  « des initiatives opportunistes et intéressées » dans une allusion à peine voilée à la diplomatie russe.

En une image, l'histoire d'une idylle militaro-économico-politique, incarnée par ses acteurs-clés. De droite à gauche, le président Touadéra (chemise blanche), sa ministre de la Défense Marie-Noëlle Koyara, et le premier conseiller de l'ambassade de Russie. A l'extrême-gauche, un mercenaire de Sewa. FLORENT VERGNES/AFP 

Karim Meckassoua : Moi, je ne suis pas français. Je suis centrafricain. Ce que je sais, c’est que quand on vote le budget, nous regardons les pays qui sont contributeurs de notre budget national. Ce que je sais, c’est que bon an mal an, la France et l’Europe injectent plus de 100 millions d’euros par an dans notre économie ; et quand je regarde à la contribution russe, elle n’atteint pas 0,5% de ce montant.

Priscilla Wolmer : Connaissez-vous le Général Abdoulaye Miskin, le rebelle qui opère vers le tronçon Bangui-Douala et que l’on accuse souvent de bloquer les gros porteurs à la frontière.

Karim Meckassoua : Parfaitement. En 2014, j’avais été sollicité par des amis français à propos d’un prêtre polonais qui, disaient-ils, avait été kidnappé par la bande d’Abdoulaye Miskine. Je n’ai jamais accordé d’interview sur cette affaire. C’est la première fois aujourd’hui, sur votre média, 54 ÉTATS. J’avais tout fait pour faire libérer ce prêtre. Il y avait en tout 23 otages dont le prêtre polonais, des camerounais et des centrafricains. La libération a eu lieu. Et finalement les services spéciaux polonais qui voulaient intervenir pour libérer seulement leur ressortissant ne sont pas intervenus.

Priscilla ­­Wolmer : Quel est le but d’Abdoulaye Miskin ? Quel est le lien ? Que fait-il en Centrafrique ?

Karim Meckassoua : Abdoulaye Miskin n’est pas en Centrafrique. Il a été en prison au Cameroun pendant un temps. Il a été libéré en même temps que les otages dont nous avons parlé, puisque c’était la condition. Le médiateur de l’époque dans ce dossier centrafricain était le Président de la République du Congo, Denis Sassou Nguesso. Il a alors accepté de l’accueillir dans son pays. Il y a eu récemment des négociations et, ce que je sais c’est que le Congo demande à Abdoulaye Miskin de rentrer en Centrafrique. Il a cependant un dossier médical en suivi au Congo. Je ne sais pas où on en est de ces négociations mais ce qui est sûr, c’est que Abdoulaye Miskin a été invité par le Premier ministre centrafricain a entrer au gouvernement comme Ministre de la modernisation de la Fonction publique. Ce à quoi il a répondu, semble-t-il, qu’il n’était pas spécialiste de la question mais plutôt du métier des armes.

Priscilla Wolmer : Préparerait-il encore un coup ?

Karim Meckassoua : Je ne suis pas dans la tête ni dans le corps d’Abdoulaye Miskin. Je suis donc incapable de répondre à cette question. Je connais la plupart les groupes armés, et particulièrement certains à des occasions où j’ai eu à être en contact avec eux. C’était le cas pour le groupe d’Abdoulaye Miskin, dans les circonstances que je vous ai décrites. Pour ce qui est des autres groupes armés, membres de la Séléka, le contact le plus intime a pris la forme d’une attaque armée de mon domicile au km5 en 2016. Ils ont envoyé des hommes pour me kidnapper. Cela s’est fait au grand jour, aux yeux et au vu de tout le monde. Pendant le vote pour le référendum constitutionnel, on m’a encore tiré dessus. Cela a été commandité par les mêmes groupes. Il y a eu un mort à côté de moi. Je sais que derrière cette violence et derrière les groupes armés qui la commettent, il y a des gens, et je sais précisément qui. La volonté des groupes armés d’arriver au pouvoir ou de conserver le pouvoir n’est pas seulement la volonté de ceux que nous voyons comme groupes armés. Et je n’ai eu de cesse de dénoncer ce fait d’instrumentaliser les groupes armés pour conquérir ou conserver le pouvoir.

Priscilla Wolmer : Comment voyez-vous l’avenir de la Centrafrique ?

Karim Meckassoua : Il est compromis aujourd’hui mais il sera forcément radieux demain.

Priscilla Wolmer : Avec vous ?

Karim Meckassoua : Je suis un acteur politique. Pendant la campagne électorale, je suis allé à Bambari pour discuter avec les groupes armés, la deuxième ville de la République centrafricaine était divisée. Il y a un quartier centrafricain et un quartier musulman. J’ai discuté avec tout le monde au grand jour. Au km5, on considérait que c’était une zone de non droit. J’ai réussi à pacifier le km5. Il y a eu le vote au km5. J’ai donc quelques atouts pour pouvoir jouer un rôle dans la construction d’un meilleur devenir pour mon pays. Mais pas seul, avec d’autres.

Priscilla Wolmer : Avez-vous l’intention de vous présentez en 2021 aux élections présidentielles ?

Karim Meckassoua : Dans un premier temps, je vais repartir en République Centrafricaine, siéger comme député du 3èmearrondissement et mener la lutte politique. Aujourd’hui, il y a suffisamment d’éléments pour traduire le Président de la République devant la Haute Cour de Justice pour haute trahison, et notamment pour violation caractérisée du serment qu’il a prêté le 30 mars 2016. Il faut pour cela utiliser la voix politique et judiciaire en respectant notre Constitution.

Priscilla Wolmer : Avez-vous peur ?

Karim Meckassoua : Pas du tout. Tout ce qui se passe dans mon pays ne fait que me renforcer dans mes convictions. J’ai passé du temps sur mon lit d’hôpital à réfléchir. Personnellement, je n’ai aucune crainte. Je n’ai ni peur, ni rancœur et j’espère qu’avec de nombreux Centrafricains qui n’en peuvent plus de cette situation, on va se lever pour changer le sort de notre pays.

Priscilla Wolmer : Affaire à suivre.

54ETATS.FR

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