Centrafrique : après les élections, le Congo se retrouve cerné par la guerre

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A_LA_UNE13/01/2024
AFRIQUE
Après les élections, le Congo se retrouve cerné par la guerre
COLETTE BRAECKMAN

Sauf si un miracle de la diplomatie réussissait à calmer le jeu, une nouvelle guerre régionale est à craindre.

REUTERS.

Après le temps des félicitations, les pays amis du Congo devraient, de toute urgence, recourir aux leviers de la diplomatie pour prévenir un embrasement régional.
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C’est le 20 janvier prochain que le mythique stade des Martyrs à Kinshasa, où Mohamed Ali remporta le « match du siècle » contre l’Américain George Foreman, accueillera la prestation de serment de Félix Tshisekedi, réélu pour un deuxième mandat à la présidence de la République démocratique du Congo. Si le score de sa victoire, plus de 70 %, a été terni par les fraudes et le détournement des machines à voter de la Ceni qui a dû annuler l’élection de 82 députés, la victoire du chef de l’Etat est bien réelle et la Belgique, sans états d’âme, a été le premier Etat à lui adresser ses félicitations.
Cependant, les lampions de la fête risquent de ne pas briller longtemps : non seulement Kinshasa, et plus largement tout le bassin du fleuve Congo, fait face à la montée des eaux et à des inondations catastrophiques, mais les pays voisins sont pratiquement tous sur pied de guerre. Sauf si un miracle de la diplomatie réussissait à calmer le jeu, une nouvelle guerre régionale est à craindre.
Une montée des périls
Tout au long de sa campagne électorale, Félix Tshisekedi a tenu des discours martiaux, dénonçant le soutien apporté par le Rwanda aux rebelles du M23 et soulignant la détermination des forces armées congolaises à récupérer les zones occupées du Nord-Kivu et à défendre l’intégrité du territoire. Sa détermination patriotique lui a certainement valu des voix mais, sur le terrain, on ne peut que constater une montée des périls. En effet, c’est à Nairobi qu’a été proclamée une nouvelle coalition armée, l’AFC (Alliance Fleuve Congo), dirigée par Corneille Nangaa, qui présidait la Commission électorale indépendante sous le mandat de Joseph Kabila. Natif de l’Ituri, une province voisine de l’Ouganda, Nangaa n’est pas un inconnu en Afrique de l’Est et il n’a pu faire sa proclamation sans l’assentiment du Kenya, dont les troupes avaient été priées de quitter la RDC. L’AFC est en contact avec les rebelles du M23, plus que jamais soutenus par le Rwanda ainsi que vient encore de le souligner un dernier rapport de l’ONU. En outre, selon nos informations, Laurent Nkunda, un rebelle « historique » du Nord-Kivu, jusque-là hébergé par le Rwanda, aurait repris du service.
Des rebelles burundais appartenant au mouvement Red Tabara, ainsi que le général burundais Nyombare, appuieraient également cette rébellion enracinée dans la région et dotée d’équipements sophistiqués dont des drones.
D’autres sources font état du discret encerclement de la RDC : Kigali se serait rapproché du Congo Brazzaville, appuyant le président Sassou Nguesso désireux d’assurer la succession confiée à son fils, et 8.000 Rwandais se trouveraient sur l’autre rive du fleuve, militaires ou exploitants de concessions agricoles. Quant à la Centrafrique, où sont déployés des casques bleus rwandais, ce sont aussi des hommes de confiance de Paul Kagame qui assurent la protection rapprochée du président Touadéra.
Pour sa part, Félix Tshisekedi, déçu par ses voisins de la Communauté de l’Afrique de l’Est, s’est tourné vers les pays d’Afrique australe (Afrique du Sud, Malawi, Tanzanie) et surtout il a eu recours à des instructeurs privés, dont le groupe Agemira, et appuyé les wazalendos ou « enfants du pays ». Parmi ces derniers se retrouvent des milices congolaises Mai Mai, mais aussi des Hutus rwandais appartenant aux FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) que Kigali dénonce toujours comme « génocidaires ».
Le Burundi ferme sa frontière
Le président burundais Evariste Ndayishimye, lui-même un ancien rebelle hutu, jadis réfugié en Tanzanie, aurait rejoint cette coalition hostile à Kigali et, avec le soutien financier de Kinshasa, aurait envoyé deux bataillons sur le front congolais, déployés au Sud-Kivu. En outre des terres cultivables auraient été concédées à des agriculteurs venus du Burundi.
Cette interpénétration des conflits explique pourquoi le ministre burundais de l’Intérieur a décidé de fermer sa frontière avec le Rwanda, accusant Kigali d’« héberger des ennemis du pays ».
Si les voisins de l’Est, Rwanda, Ouganda sinon Kenya soutenant désormais des forces hostiles à Kinshasa devaient faire leur jonction avec des Congolais déçus par le déroulement des élections, les fraudes et la mainmise croissante des Kasaïens sur les leviers de l’économie, la victoire électorale de Félix Tshisekedi apparaîtrait bien fragile, et bien insuffisant l’appui des militaires du Burundi.
Après le temps des félicitations, les pays amis du Congo devraient de toute urgence recourir aux leviers de la diplomatie pour prévenir un embrasement régional.

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