Centrafrique : Analyse de la note de service suspendant la délivrance des cartes de séjour

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La note de service n°023/MISP/DIR.CAB/SP.19 du 02 juillet 2019 portant suspension de la délivrance des cartes de séjour, telle que établie et  dûment signée par le ministre de l’intérieur en charge de la sécurité publique,  général de son état et de surcroît appartenant au corps d’élite de la gendarmerie nationale,  n’est ni plus ni moins que la preuve la plus irréfragable de ce que nous avons atteint le fond des abysses de la honte et  de la mal – gouvernance politique et administrative et que la République centrafricaine est gouvernée depuis le 30 mars 2016 par une poignée d’individus  incompétents, médiocres, cupides et foncièrement laids.

Des individus dont la raison d’être au plus haut sommet de l’Etat et à divers postes dirigeants ne se résume qu’à la recherche effrénée de bas et vils intérêts, personnels, égoïstes, partisans, matériels et financiers, au détriment de l’Etat. Des dignes descendants des hommes de la caverne qui ignorent éperdument tout des règles élémentaires qui fondent et déterminent l’existence et la gouvernance d’un Etat, qui n’ont aucune idée des valeurs d’intérêt général, d’impartialité, d’intégrité et de justice sur lesquelles doit reposer toute décision prise par une quelconque autorité publique dans l’exercice de ses fonctions, et qui foulent allègrement aux pieds les nobles vertus de la morale publique, du sens élevé du devoir national et de l’amour pour la patrie jusqu’au sacrifice suprême.

C’est malheureusement en application de ces anti – valeurs qui ne peuvent que contribuer davantage à enlaidir l’image, l’honneur et la dignité du peuple centrafricain dans la société des hommes civilisés et ceux  de la République centrafricaine dans le concert des nations respectueuses et respectées, que notre brave général a pris cette note de service violemment critiquée et querellée par tous ses plus proches collaborateurs, ces derniers jours. Il ne saurait en être autrement, car la gestion des documents administratifs dans tout Etat digne de ce nom  relève exclusivement du domaine des lois et des actes administratifs et réglementaires dont la supériorité dans la stratification des normes juridiques par rapport à une simple note de service ne souffre d’aucune contestation.

Ce qui signifie tout simplement en français facile qu’aucune autorité publique ou ministérielle, si puissante  et si proche parent du président de la République soit – elle, ne peut par une note de service initiée dans son cabinet et dont la formulation est loin de refléter le caractère normatif et réglementaire  auquel est tenue toute note administrative, selon son bon vouloir, ses humeurs et à la demande de ses amis, modifier les conditions de leur traitement  et suspendre leur délivrance, sans courir le risque de porter atteinte aux dispositions légales et réglementaires en vigueur en République centrafricaine et de transgresser certains instruments juridiques, diplomatiques et internationaux auxquels elle a souscrit.

En l’espèce, c’est – à – dire s’agissant des cartes de séjour, selon des informations en notre possession, les conditions et les modalités de leur traitement et de leur délivrance ont été fixées par une loi, suivie par un décret d’application et un arrêté. Leur gestion, quant à elle,  a été définie par un arrêté et leur exécution confiée à la direction générale de l’émigration – immigration. Et les recettes générées par leur fabrication, leur  maniement et leur délivrance aux différents bénéficiaires qui sont des étrangers ayant l’obligation de  se soumettre aux lois de la République centrafricaine et devant  être protégés  par elle, étant des fonds publics, la responsabilité de leur perception, de leur encaissement et de leur affectation ne pouvait qu’incomber, non pas à  un vulgaire individu, mais plutôt à un comptable public, fonctionnaire du ministère des finances et du budget assermenté, c’est – à – dire appartenant au corps des inspecteurs du trésor et  relevant de la direction générale de la comptabilité publique et du trésor.

Fort de ce qui précède et au nom du principe du parallélisme de forme des actes administratifs,  nous ne pouvons malheureusement que constater que le ministre de l’intérieur en charge de la sécurité publique ignore superbement le principe qui veut  qu’un décret ne peut être abrogé que  par un décret, un arrêté par un arrêté et une note de service par une note de service. En s’auto- affectant les pleins pouvoirs de modifier un arrêté par une simple note de service, le parent du président de la République a fait preuve d’une incompétence notoire et du coup l’acte qu’il a pris, étant manifestement illégal et irrégulier, ne peut qu’être nul et de nul effet.

Mais, au – delà de cette mise au point qui était plus que nécessaire, cette violation délibérée des dispositions légales et réglementaires sus – évoquées  doit  tout naturellement susciter de si nombreuses et si étranges interrogations. Quels intérêts donc ce ministre de la République est – il en train de rechercher à travers la suspension de la délivrance des cartes de séjour ? Veut – il contribuer à l’amélioration des conditions de délivrance des cartes de séjour  pour un meilleur rendement au profit du trésor public ? Mais, en faisant preuve d’une telle légèreté et d’une telle incompétence dans la prise de cette décision, ne poursuit – il pas en réalité d’autres intérêts que ceux de l’Etat ? Ne voudrait – il pas  en réalité mettre un terme au fonctionnement des services déconcentrés du ministère des finances et du budget, chargés de collecter et gérer les recettes y relatives ?  N’est – il pas pour cette raison qu’il a déjà  fait nommer au poste de caissière une de ses connaissances, chargée désormais  d’encaisser toutes les recettes générées par la délivrance de ces cartes de séjour et de celles nées des différentes prestations fournies par la direction générale de l’émigration – immigration et la direction générale de la police ? Et si les détenteurs des cartes déjà émises et dont la durée de la validité n’est pas encore expirée, se résolvaient à intenter une action en justice contre l’Etat pour préjudice moral, matériel et financier subi ?  Qu’en pensent donc le gouvernement Ngrébada et surtout le ministre des finances et du budget qui n’a de cesse, dans le cadre des réformes de nos finances publiques, de mettre l’accent sur la rigueur dans le recouvrement des ressources propres et la maîtrise des dépenses ? Cette note de service ne peut – elle pas être interprétée tout simplement comme une remise en cause de cette politique par un ministre de la République, un acte avéré de conspiration contre les institutions et la preuve la plus irréfutable de la consécration des pratiques irrégulières d’extractions des fonds publics, de malversations financières et de mal – gouvernance politique, administrative et financière ?

Voilà des questions qui dérangent et méritent réflexions et réponses adéquates !

Affaire à suivre….. !

La rédaction

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