Centrafrique : « Affaire Zingas » : troublant et coupable silence du syndicat des magistrats !

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Par ordonnance de référé en date du 25 mai 2021, le tribunal administratif, statuant en premier ressort dans l’affaire Aurélien Simplice Kongbélé Zingas contre le procureur de la République Laurent Léngandé, a ordonné, en toute indépendance et au nom du peuple centrafricain souverain, la levée des mesures administratives faisant interdiction au requérant de quitter le territoire national et la restitution de ses documents de voyage confisqués. Mais, à la grande surprise de l’intéressé et au grand étonnement du grand public, le ministre intérimaire de la justice et garde des sceaux Arnaud Djoubaye Abazène qui se trouve être un magistrat, un élément de la Séléka, donc un rebelle et un criminel, a refusé de déférer à l’exécution de cette décision de justice. Il l’a dit de vives voix à l’intéressé par l’entremise du procureur général Eric Didier Tambo, lors d’une rencontre le 26 mai 2021 dans un restaurant de la place, et ce, après avoir convoqué la veille le président du TA Georges Jean – Michel Anibié dans son bureau pour le sermonner, quelques instants seulement après le vidé du délibéré.

S’il ne fait plus aucun doute, au moment où mettons sous presse, que le président de la République Faustin Archange Touadéra a donné les instructions, le jeudi 27 mai 2021, à son directeur de cabinet pour que les documents de voyage confisqués lui soient restitués, nous sommes, par contre, très surpris du silence du syndicat des magistrats centrafricains. Un silence troublant. Un silence complice. Un silence qui accuse. Un silence qui signifie tout simplement que tous ces hommes et toutes ces femmes qui appartiennent au corps de la magistrature centrafricaine, qui portent la toge et dont la mission sacrée est de dire le droit, approuvent l’acte posé par leur ministre, de surcroît l’un des leurs. Un acte fondamentalement contraire aux règles de la bonne administration de la justice ; un acte guidé manifestement par la cupidité et l’ingérence politique ; un acte qui pue la corruption, en définitive.

Ainsi donc, comme nous pouvons le constater, si le syndicat des magistrats s’est tu jusqu’à ce jour sur une telle décision qui transgresse violemment l’indépendance, l’impartialité et l’intégrité du juge, qui avilit sa toge, et qui démystifie le mythe du magistrat, c’est parce que le corps de la magistrature est gangréné par la corruption. Infecté par ce virus, il est contraint tout naturellement d’observer scrupuleusement la loi de l’omerta, de peur de porter malheur à la « cosa nostra ». Cette attitude n’est rien qu’un acte de compromission qui porte gravement atteinte aux fondements de la démocratie, car, comme l’a dit Sérigne Saliou Guèye, « la justice est la colonne vertébrale d’un pays. Dès qu’elle se brise pour quelque raison que ce soit, la corruption surtout, on assiste à l’effondrement de tout un système qui garantit l’équité de traitement devant la loi de tous les citoyens justiciables. Si les magistrats qui doivent rendre justice sont gagnés par la corruption, ce sont surtout les citoyens démunis qui sont lésés puisqu’ils n’ont pas les moyens de stipendier leurs juges. Or, c’est l’égalité de traitement devant la loi qui est l’un des fondements des sociétés démocratiques ».

En effet, depuis l’avènement du Gangster de Bangui au pouvoir en 2016, la presse locale n’a cessé de dénoncer l’instrumentalisation des institutions judiciaires à des fins politiques, et faire des révélations sur des pratiques éhontées de corruption. La preuve de cette connectivité et de franche et intime collaboration entre les juridictions nationales et les pouvoirs publics a été établie, lorsque la présidente de la cour constitutionnelle Danièle Darlan a pris part à l’assemblée générale constitutive du parti – Etat dénommé MCU, le jeudi 8 novembre 2018. Tous les avis rendus par la suite par cette cour ne reflèteront jamais la loi, en ce qui concerne le processus électoral, mais seront systématiquement empreints du sceau de la partialité et de la prise en compte des desiderata du pouvoir, à l’exemple de celui relatif à  l’affaire du retrait de Jean – Serge Bokassa de la course présidentielle. Il en est de même pour les décisions de la cour constitutionnelle dans les affaires de la dissolution de l’ANE pour illégalité et illégitimité et de l’annulation de l’arrêté portant création du comité stratégique d’appui au processus électoral. De nombreuses histoires et probants témoignages de corruption de ses membres par des candidats aux élections législatives viendront plus tard assombrir davantage l’image de cette cour, son honneur et toute sa noblesse. D’une manière générale, à l’exception des jugements rendus par le TA, toutes les autres décisions judiciaires sont corrompues et portent la marque de la « Bête », de la tricherie, des arrangements au détriment des plus petits, des plus démunis et des sans – voix.

Ce qui est révoltant et inadmissible, c’est que tous ces forfaits et ces graves abus n’ont jamais fait l’objet d’une enquête de l’inspection générale des services judiciaires, même si elle en a été saisie de manière régulière. Tout est mis en œuvre pour que le justicier écrase le justiciable, protège le plus fort et mystifie le magistrat. S’il y a quelques années déjà, alors que feu Modeste Martineau Bria assumait les fonctions de directeur général des services judiciaires, des magistrats qui violaient leur serment et escroquaient des justiciables étaient suspendus de fonctions et de solde, traduits devant le conseil de discipline, jugés, sanctionnés et même radiés, au jour d’aujourd’hui ces délinquants des temps modernes, à l’exemple de l’égorgeur Arnaud Djoubaye Abazène, un criminel, à la fois magistrat et membres du MCU – ce qui est contraire à l’éthique et la déontologie de la fonction – sont devenus des intouchables et continuent de porter avec une certaine insolence leur toge souillée par l’odeur pestilentielle de la corruption.

Fort de tout ce qui précède, le temps est venu pour que ces virus soient extraits le plus rapidement du corps de la magistrature, afin d’éviter leur propagation dans tout l’organisme. Ne nous voilons pas la face, à cause de ces actes de banditisme judiciaire, la justice centrafricaine est train de sombrer dans un profond coma. De ce fait, le niveau de défiance de la population vis – à – vis des magistrats a atteint un niveau record et traduit une véritable rupture de confiance entre les Centrafricains et l’institution judiciaire. Car, la magistrature centrafricaine recèle des personnages sulfureux, corrompus jusqu’à la moelle des os, qui jettent le discrédit sur la Justice et nourrissent les suspicions de nos concitoyens. Dans cette longue, difficile mais noble bataille pour la renaissance et l’ennoblissement de l’image du corps de la magistrature centrafricaine, le syndicat des magistrats doit monter « hic et nunc » au créneau et jouer un rôle de premier plan. Le faire, c’est prendre clairement position dans ce dossier et ses distances à l’égard du ministre intérimaire de la justice, d’une part, et saisir l’inspection générale des services judiciaires pour qu’une enquête diligente soit menée afin de situer clairement les responsabilités dans cette affaire, d’autre part. Par la suite, le bureau exécutif du syndicat des magistrats doit déclarer dans un communiqué à publier qu’il défendrait tout magistrat qui remplit les devoirs de sa charge dans l’honneur et la dignité mais se désolidariserait des magistrats, qui, délibérément et de mauvaise foi, violent leur serment.

Ceci dit, le syndicat des magistrats centrafricains est une association qui regroupe des  magistrats anonymes, intègres, épris de justice, qui honorent notre pays et rendent la Justice au nom du peuple Centrafricain. Un magistrat comme Georges Jean – Michel Anibié inspire le respect. Par conséquent, il ne s’agit pas d’accabler l’Institution Judiciaire dans sa globalité. Pour autant, ce syndicat doit faire le grand ménage en son sein, car « le ver est dans le fruit ».  Comme a dit l’autre « lorsque des magistrats se comportent comme des malfrats, ils doivent être traités comme des délinquants, quelque soit leur statut dans l’organisation judiciaire. Le manteau du « Magistrat » ne saurait être un parapluie permettant de s’exonérer des lois, et de faire n’importe quoi. Magistrat ne rime pas avec l’impunité. Il faut rétablir les choses à l’endroit où elles doivent être. Les Centrafricains n’ont pas un problème avec la Justice de leur pays, mais avec certains hauts magistrats qui abusent de leur position, s’autorisent tous les écarts et rendent la justice au nom du Gangster de Bangui ».

Et, de tous les magistrats en activité, il y a ceux qui, humbles, intègres, indépendants, loyaux, impartiaux et neutres qui disent le droit et rendent la justice au nom du peuple ; ils ne sont nullement concernés par les critiques formulées à l’endroit d’une partie de ce corps de la Justice. Par contre, les magistrats qui abusent de leur pouvoir, et jouent avec la liberté des Centrafricains ainsi que les magistrats rebelles, mercenaires et membres du MCU, qui agissent en violation des dispositions de la loi leur interdisant de faire de la politique, doivent être frappés du sceau de l’indignité. Ce sont des transhumants et des rebuts de la société. Des «  magistrats corrompus, à la remorque du pouvoir exécutif », tels des vers dans la pomme, qui la rongent et décrédibilisent tout l’appareil judiciaire. Ceux qui braquent, tuent, dépècent, incendient des villages et greniers, détruisent biens publics et privés, occupent des écoles et contraignent des familles entières à de permanents déplacements, à l’exemple du magistrat Arnaud Djoubaye Abazène, ternissent l’image et la crédibilité de la Justice.

La Justice étant une chose très sérieuse, le syndicat des magistrats centrafricains, au nom des valeurs d’objectivité, d’intégrité et la vérité devant conduire l’action de tout magistrat, doit sévir, crever l’abcès et le vider de toute sa puanteur.

Imamiah – Imhotep Yamalet

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