Centrafrique : « Affaire des barrières illégales » : une branche d’arbre sur laquelle Dondra est solidement assis !

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Le premier ministre Henri Marie Dondra a été interpellé le mercredi 15 décembre 2021 par les représentants de la nation sur l’épineuse et difficile affaire des barrières illégales qui minent la circulation des biens et des personnes et ont des conséquences directes sur le bon fonctionnement de la République et la vie de la nation.

« Nous allons lancer l’opération coup de poing pour combattre les tracasseries routières, ce phénomène qui détruit l’élan de notre développement. La lutte contre les tracasseries routières est engagée sous toutes ses formes. Nous allons d’abord dans un bref délai créer la brigade de lutte contre les tracasseries routières. Ensuite, nous procéderons à la relecture du décret de 2012 qui fixe le nombre des barrières sur tout le territoire et la mission de chaque entité sur ces barrières. Enfin, j’annonce l’engagement de tout mon gouvernement dans ce combat que nous devons gagner avec l’implication de tous…..Je profite de cette tribune pour rassurer les députés de la Nation et le peuple centrafricain sur les questions sécuritaires. En effet, l’engagement du gouvernement pour garantir la paix, est sans faille. Nous n’hésitons pas sur les moyens à mettre en œuvre pour protéger nos concitoyens et notre territoire. Je voudrai vous rassurer à ce sujet qui est hautement prioritaire à l’heure actuelle et sur lequel, le gouvernement ne saurait reculer ».

Telles sont les réponses données par l’ancien ministre des finances et du budget sur l’une des plus grandes préoccupations de la population centrafricaine, tout secteur d’activités confondu, à savoir les entraves à la circulation, les barrières illégales érigées sur les routes par les forces de défense et de sécurité et certains agents de l’Etat, d’une part, et les groupes armés,d’autre part. Des réponses qui n’ont que l’effet d’une goutte d’eau sur la plume d’un canard comme un sachet de paracétamol prescrit pour le traitement d’un cancer de poumon avec métastases. En effet, les aléas de transports et de la circulation constituent des sources de si sérieuses inquiétudes et  de si gros risques de spoliations, de rackettages, de vols, de viols et de traitements inhumains, humiliants et dégradants pour tous les acteurs de la route, transporteurs, commerçants, et voyageurs que les onomatopées du premier ministre ne sauraient être considérées comme de remèdes efficaces contre ces phénomènes à jamais institutionnalisés et calmer in fine la colère des députés de la nation .

L’incertitude qui pèse sur eux tient dans une large mesure aux multiples conséquences socio – économiques qui découlent de ces pratiques  de contrôle légal ou illégal qui s’exercent sur les artères et les pistes rurales. Tenues par des représentants de l’Etat ou des groupes armés, celles – ci sont l’occasion de véritables tracasseries administratives, de ponctions financières et matérielles et parfois de règlements de comptes politiques. Si certains de ces barrages sont légitimés par l’Etat, comme par exemple les postes de péage du Fonds d’Entretien Routier « FER » qui, implantés sur les routes goudronnées et les autres principaux axes, faits en cuirasses latéritiques et régulièrement entretenus, taxent en échange de ticket tous les camions de plus de 3 tonnes – 500 Fcfa ou 1000 Fcfa par tonne pour le transport intérieur et une redevance égale à 14% du prix de transport pour le trafic international – et que ces sommes sont en théorie destinées à financer les différents travaux d’entretien de ces axes, la plupart des barrières en sus des « barrières de pluies », quant à elles, correspondent à une démultiplication abusive des postes des Faca, des GP, de police, de douanes, de gendarmerie.

Elles sont mises en place à l’instigation personnelle des agents de l’Etat à une fin unique de prélèvements communément appelés « formalités ». Des formalités dont les montants sont variés, selon les véhicules arrêtés, et qui sont directement versés, en mains propres, aux militaires, policiers, gendarmes, douaniers, agents des eaux et forêts, des agents de la santé. Ces hommes et ces femmes qui sont des fonctionnaires et agents de l’Etat, payés mensuellement par l’Etat et affectés sur ces postes par leurs services pour des raisons impérieuses de services publics, usent de leurs prérogatives de puissance publique pour réclamer un droit de passage aux personnes et véhicules. C’est ainsi que les transporteurs, les commerçants et les voyageurs parlent des « contrôles non – administratifs », des « péages informels » ou des « barrières illégales » qui scandent les trajets de chacun et grèvent les frais de déplacements.

Les sommes extirpées aux différentes barrières ne sont jamais les mêmes d’un endroit à l’autre et d’un acteur à l’autre, plusieurs paramètres intervenant pour déterminer le montant des pots – de – vin : le nombre de « services » installés à la barrière, le tonnage transporté, le type de marchandises, l’état du camion, son immatriculation locale ou étrangère, l’entregent et le savoir – faire diplomatique du chauffeur, son degré de familiarité avec les agents, l’humeur du jour de ces derniers, la détention des papiers en règle, le nombre des camions ou des voyageurs, etc…L’imagination des agents de contrôle n’a pas son pareil quand il s’agit de trouver prétexte à taxations, notamment lorsque tout paraît en règle. On a vu des policiers réclamer la caisse – pharmacie du camion ou verbaliser le non – allumage du clignotant au moment de l’arrêt du véhicule sur le bas – côté, des douaniers invoquer l’absence de carnet de vaccination à des commerçants stupéfaits, des agents des eaux et forêts taxer des véhicules qui ne transportent pas de produits ligneux et des agents préposés aux barrières de pluies maintenir celles – ci abaissées bien au – delà de la durée règlementaire prescrite après l’averse et soutirer de l’argent en échange d’une autorisation de passage rapide.

Pis, les barrages les plus redoutables sont ceux tenus par les éléments de la garde présidentielle, les Faca et les combattants des groupes armés, peu enclins à discuter, qui n’hésitent pas à appuyer sur la gâchette, procéder à des arrestations arbitraires et forcées contre versement des rançons, et à soupçonner certains passagers comme éléments de la CPC  ou appartenant à des communautés musulmanes ou peuhles et censés être des rebelles, dans le contexte sécuritaire aigüe et très volatile que connait le pays, après l’attaque de la ville de Bangui du 13 janvier 2021 et l’instauration de l’état de siège qui s’en est suivie.

Comme nous pouvons le constater le plus aisément, les acteurs de la circulation et de transports, en sus de l’état inexistant des infrastructures routières et des intempéries dans un pays où la saison pluvieuse est plus longue que la saison sèche, dont les activités contribuent fondamentalement à l’alimentation de la caisse de l’Etat en ressources propres, indispensables à l’exécution des charges régaliennes, imprescriptibles, journalières et mensuelles de l’Etat, se démènent dans un contexte instable et mouvant, placé sous le sceau du risque et de l’incertitude. Quelles stratégies peuvent – ils dès lors attendre de la part de leurs dirigeants dont un certain Henri Marie Dondra, en sa qualité de chef du gouvernement, en termes de mesures administratives et sécuritaires, responsables et courageuses, pour se protéger de tous ces aléas ?

Si les tracasseries administratives et routières, à travers l’installation en désordre des barrières illégales sur toutes les routes et les pistes rurales, freinent les activités socio – économiques, découragent et rendent pauvres ceux qui ont fait de la circulation des biens et des personnes leurs sources de revenus, pour les agents de l’Etat, les GP, les Faca, les policiers, les agents des eaux et forêts, les agents de la santé et les rebelles qui en raffolent, celles – ci constituent de belles et très juteuses affaires. Elles leur permettent d’engranger de l’argent ; c’est avec cet argent qu’ils mènent un train de vie au – delà de leurs revenus mensuels. Si les rebelles s’en servent pour recruter de nouveaux combattants et acquérir de nouvelles armes, les fonctionnaires et agents de l’état qui, affectés régulièrement sur ces barrières, sont tenus de rendre compte à leurs hiérarchies, le premier ministre y compris, quant à eux, y trouvent de juteuses et alléchantes opportunités pour construire des villas à tour de bras, sans que l’on ne puisse s’apercevoir à vue d’œil de l’origine de leur enrichissement.

C’est ce que l’on appelle de l’enrichissement illicite et les barrières légales ou illégales en constituent l’une des sources les plus prospères. La Convention des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC) le définit comme « une augmentation substantielle du patrimoine d’un agent public que celui-ci ne peut raisonnablement justifier par rapport à ses revenus légitimes ». Interpeller, par conséquent, le premier ministre Henri Marie Dondra sur les barrières illégales, c’est interpeller sans le savoir le premier voleur de la République, celui qui s’est servi et continue de se servir de ces pratiques pour s’enrichir, et qui, de ce fait, ne pourra jamais scier la branche d’arbre sur laquelle il est solidement assis.

La rédaction

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